Quand un journaliste saoudien critique du pouvoir «disparait» à Istanbul

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Istanbul - Sputnik Afrique
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Jamal Khashoggi, journaliste saoudien connu pour sa critique du pouvoir de Riyad, a disparu après s’être rendu au consulat de son pays à Istanbul. Les autorités saoudiennes assurent qu’il a quitté les lieux alors que la Turquie a affirmé le 3 octobre qu’il était toujours sur place. Ses proches demandent des explications.

«Nous sommes certains que Jamal est détenu à l'intérieur, à moins que le consulat n'ait un tunnel.»

Turan Kislakçi, directeur d'une association turco-arabe de journalistes et ami de Jamal Khashoggi a fait part de son inquiétude à l'AFP. Ce dernier, journaliste saoudien de 59 ans qui collabore notamment au Washington Post, n'a plus donné signe de vie depuis qu'il est entré au consulat saoudien d'Istanbul le 2 octobre vers 10h00. D'après sa fiancée, il s'était rendu dans cette représentation diplomatique afin d'effectuer des démarches administratives en vue de leur mariage. «Il voulait obtenir un document saoudien certifiant qu'il n'était pas déjà marié», a-t-elle expliquée.

«Je n'ai reçu aucune nouvelle de lui depuis 13 heures (10h00 GMT) hier. Nous voulons savoir où il se trouve», a-t-elle déclarée le 3 octobre.

Si les proches de Jamal Khashoggi sont si inquiets, c'est parce que le journaliste, un temps réputé proche de la monarchie saoudienne, se montrait dernièrement de plus en plus critique envers le pouvoir de son pays. L'année dernière, il s'était même exilé aux Etats-Unis par peur d'une arrestation. Il avait notamment critiqué plusieurs décisions du prince héritier Mohammed ben Salmane ainsi que l'intervention saoudienne au Yémen. En septembre 2017, il écrivait ceci dans le Washington Post:

«Quand je parle de peur, d'intimidation, d'arrestations et de dénonciations publiques des intellectuels et des chefs religieux qui osent donner leur avis et que je vous dis que je viens d'Arabie saoudite, êtes-vous surpris?»

A la même époque, Jamal Khashoggi assurait avoir été interdit de contribution dans le quotidien Al-Hayat. Le journal appartient au prince saoudien Khaled ben Sultan al-Saoud. Le reporter saoudien avait avoué avoir défendu les Frères musulmans*. Au contraire de la Turquie, qui est considérée comme un soutien de poids à l'organisation islamiste, Riyad l'abhorre et l'a placé sur sa liste des «organisations terroristes». A coup sûr, les positions de Jamal Khashoggi n'ont pas plu à son employeur. Dans un récent tweet, il avait critiqué le procès intenté contre Essam Al-Zamel, économiste saoudien renommé.

«Ce serait injuste et scandaleux qu'il soit détenu en raison de son travail de journaliste et de commentateur», a pour sa part déclaré le 3 octobre dans un communiqué Eli Lopez, rédacteur en chef de la rubrique opinion du Washington Post.

Reporters sans frontières (RSF) a quant à elle qualifié la disparition du journaliste d'«extrêmement inquiétante». L'ONG a exhorté les autorités saoudiennes comme turques à «faire le nécessaire en sorte qu'il réapparaisse — libre — aussi tôt que possible».

Parti ou resté?

Les informations en provenance des deux partis sont discordantes. Le 3 octobre, la Turquie assurait que le journaliste était toujours à l'intérieur du consulat saoudien:

«Selon les informations dont nous disposons, l'individu en question, qui est un Saoudien, se trouve au consulat saoudien à Istanbul», affirmait le porte-parole de la présidence turque Ibrahim Kalin en début de soirée.

D'après lui, le ministère turc des Affaires étrangères et la police turque «suivent l'affaire». Les autorités des deux pays seraient également en contact. L'ambassadeur saoudien en Turquie a même été convoqué le 4 octobre par le ministère turc des Affaires étrangères selon une source diplomatique turque citée par l'AFP.

Du côté de Riyad, on affirme l'inverse. L'agence de presse officielle saoudienne SPA a assuré que Jamal Khashoggi avait quitté le bâtiment. Un communiqué de l'agence de presse indique que le consulat général d'Arabie saoudite à Istanbul «effectue les procédures de suivi et la coordination avec les autorités locales turques pour découvrir les circonstances de la disparition de Jamal Khashoggi après qu'il a quitté le bâtiment du consulat».

​Même le département d'Etat américain s'est immiscé dans l'affaire et a informé qu'il cherchait à en savoir plus sur le sort du journaliste. Turan Kislakçi a également fait savoir qu'il avait contacté les autorités turques et que ces dernières «suivent l'affaire de près». Sur Twitter, de nombreux internautes et personnalités se sont inquiétés de cette mystérieuse disparition. Le hashtag «enlèvementdejamalkhoshoggi» est l'un des plus partagés en arabe sur Twitter depuis le soir du 2 octobre.

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A plusieurs reprises, Riyad a été critiqué pour la répression dont la monarchie fait preuve à l'égard des dissidents. Mohammed ben Salmane tente bien de véhiculer une certaine modernité depuis qu'il a été désigné héritier du trône en 2017. Mais dans les faits, les arrestations de religieux, de personnalités libérales et aussi de militantes de la cause des femmes sont monnaie courante au royaume des al Saoud. Selon RSF, le pays se classe 169ème sur 180 concernant la liberté de la presse.

*Organisation terroriste interdite en Russie

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