Les femmes et la réalité virtuelle: Je t'aime moi non plus

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Depuis quelques années maintenant, le phénomène de la réalité virtuelle, aussi appelée VR pour Virtual Reality en anglais, prend de l'ampleur.

On pensait au début que cette nouvelle technologie serait principalement, voire exclusivement utilisée dans le monde du divertissement, avec la création de nouveaux jeux vidéo, films, et autres œuvres vidéo-ludiques. Mais on sait aujourd'hui que la grande majorité des secteurs sont touchés par la VR, et que ses utilisations sont presque sans fin.  En allant du monde de l'automobile à celui de la mode, en passant par l'industrie, la médecine, la défense ou encore la formation, la réalité virtuelle est partout, et se développe à une vitesse folle. Même si on peut encore considérer que nous sommes aux prémisses du développement de la réalité virtuelle et de sa cousine la réalité augmentée, de nombreux analystes et chercheurs du monde entier s'accordent à dire que le futur de ces nouvelles technologies nous réserve des surprises de taille, et qu'elles pourraient bien changer notre quotidien plus vite que l'on ne le croît.

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Tout le monde est excité à propos de ces annonces et des avancées technologiques qui les entourent. Tout le monde? Pas vraiment. Une des parties de la population qui restent sceptiques et se montrent même parfois agacées par ces histoires de VR, ce sont les femmes. Et lorsqu'on remet les choses dans leur contexte, et que l'on rappelle que les femmes représentent la moitié de la population du monde, on peut en effet considérer que "tout le monde" est un terme un peu excessif… Penchons-nous un peu sur ce phénomène.

Quelques explications

Évidemment, toutes les femmes ne sont pas contre le développement de la réalité virtuelle, ni même désintéressées du concept. Mais les tendances relevées lors de nombreuses études un peu partout, surtout en Europe et aux Etats-Unis, montrent clairement que de nombreuses femmes se disent bien moins enthousiastes que les hommes à propos de la découverte d'univers virtuels en enfilant une paire de lunettes. Pour donner quelques précisions, les études montrent en général que bien moins de femmes que d'hommes ont essayé la réalité virtuelle, et plus de la moitié d'entre elles déclareraient même ne pas avoir l'intention de tester cette technologie dans le futur.

Difficile d'expliquer ce phénomène avec certitude, mais nous allons évoquer quelques pistes intéressantes:

Un produit et un marketing masculins

De nombreuses publicités qui vantent les méritent de la réalité virtuelle sont orientées vers un public principalement masculin, notamment dans le monde du divertissement. Le monde du jeu vidéo dans son ensemble est déjà un monde majoritairement masculin, même si les femmes s'y invitent de plus en plus ces dernières années, mais cela ne s'arrête pas là. Les premiers jeux disponibles en VR sont des jeux de tirs et des jeux de sports, des secteurs qui, je pense que l'on peut le dire sans être traité de machiste, sont principalement orientés vers les hommes. Oui, il existe des femmes fans de Doom ou de Grand Turismo, mais la majorité des consommateurs de ce type de divertissement est faite d'hommes.

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L'autre utilisation de la réalité virtuelle la plus développée et qui touche principalement les hommes, c'est le divertissement pour adultes. La pornographie VR prend une ampleur folle, et le nombre d'adeptes explose. On sait que beaucoup de femmes sont également amatrices de ce type de divertissement, mais la majorité des consommateurs restent des hommes. C'est aussi pour cela qu'une trés grande partie du contenu pornographique disponible en VR aujourd'hui est destinée à un public masculin.

Un produit fait par des hommes, pour des hommes

Les casques de réalité virtuelle, comme par exemple le Playstation VR, le HTC Vive, ou encore le Samsung Gear VR, sont des outils électroniques qui ont misé sur l'aspect technique, avant de s'intéresser au design. Oui, les casques proposés aujourd'hui sont propres, avec des designs futuristes et des aspects qualitatifs, mais il faut bien le dire, ce sont des design masculins.

Les propriétés esthétiques du matériel nécessaire à l'expérience de la réalité virtuelle sont très largement inspirées du monde de l'automobile, de l'aérospatial, et de l'armée. Encore une fois, trois secteurs majoritairement peuplés d'hommes au niveau international. La quasi-totalité des produits relatifs à la réalité virtuelle sont sobres, dans des tonalités de couleurs sombres comme le noir ou le gris, ou relativement neutres en utilisant du blanc. A quand les casques VR destinés aux femmes, avec des designs adaptés, des codes couleurs plus attrayants, des bijoux, des paillettes, et des motifs en tous genre?

Un confort encore relatif

Les casques de réalité virtuelle restent pour le moment des produits encombrants, et souvent relativement lourds. La plupart des fabricants fournissent des efforts considérables pour réduire la taille de leurs casques et les rendre plus légers, de manière à augmenter le confort d'utilisation et à pousser les utilisateurs à garder les casques plus longtemps, pour des sessions de VR prolongées, mais les avancées dans ce domaine prennent du temps. Certains casques de réalité augmentée, c'est-à-dire un casque qui permet à son utilisateur de voir ce qu'il se passe dans la vraie vie et de venir y superposer des images digitales et virtuelles adaptées, sont même pensés pour être portés en permanence, du matin au soir. Mais malheureusement, on n'y est pas encore, et cela peut constituer un frein pour la gent féminine au niveau de l'utilisation.

Des priorités budgétaires différentes

Il est vrai que les prix du matériel nécessaire pour se lancer dans la réalité virtuelle ont baissé drastiquement durant les dernières années, mais cela ne veut pas dire que les casques sont accessibles à tous. Ces appareils représentent des sommes d'argent importantes dans un budget, et il semblerait que les femmes soient souvent hésitantes à dépenser des sommes pareilles dans des appareils audio-visuels, de divertissement et autre. Les hommes, eux, ont apparemment souvent moins de problèmes à allouer des parties importantes de leur budget à ce type d'achat.

Comment réctifier le tir?

Si les femmes n'aiment pas la VR, c'est peut-être parce qu'elles ont été mises de côté lors du développement du concept, que ce soit au niveau de l'utilisation à proprement dit, ou au niveau des contenus disponibles. Passons en revue quelques idées qui montreront aux femmes sceptiques qu'elles ne sont pas les oubliées de la révolution VR!

Du contenu social en VR autour du lien

Toujours sans faire de généralité, les études montrent que les femmes auraient plus tendance à mettre le contact humain et les connections sociales au cœur de leurs préoccupations, alors que les hommes seraient souvent moins attachés à cet aspect communautaire et humain. Ces derniers seraient pour la plupart plus attirés par les contacts et les expériences online. Dans cet esprit, des tentatives de développement de réseaux sociaux en réalité virtuelle ont déjà été mises en route. C'est le cas entre autres de Facebook qui a lancé sa plateforme de VR appelées " Facebook Spaces" pendant l'été 2017. Il s'agissait alors d'une première dans le secteur.

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La plateforme "Facebook Spaces" ne montre qu'une toute petite partie des possibilités qu'offre la réalité virtuelle dans le monde des liens humains et du partage. Elle permet à trois ou quatre personnes au maximum en simultané d'utiliser des avatars personnalisés pour évoluer ensemble dans un même univers virtuel, et d'échanger de plusieurs manières. En concentrant des efforts sur le développement de ce type de plateforme, un nombre incalculable d'utilisations destinées aux femmes pourraient être mises en place. Des clubs de lectures en VR permettraient à des groupes de partager leurs expériences à propos d'un livre, avec la possibilité d'avoir dans un même groupe et au même moment des participants des quatre coins du monde. Des sessions "Diapo Photos" pourraient être organisées par des utilisateurs et utilisatrices qui reviendraient de vacances, et qui voudraient partager des photos avec leur groupe de discussion, tout le monde étant représenté dans un univers virtuel par un avatar personnalisé, en donnant des commentaires en temps réels sur les photos qui seraient affichables et manipulables à volonté… Les possibilités sont illimitées.

L'aspect social dans la formation pourrait lui aussi être exploité plus profondément. Des cours en tous genres pourraient être dispensées en réalité virtuelle par des professionnels ou des amateurs. On pourrait alors imaginer une infinité d'interventions de formation en VR, qu'il s'agisse de conseils ou de véritables cours en maquillage, en design d'intérieur, en loisirs créatifs, en langues étrangères, etc. Une grande partie de ces interventions pourrait donc être directement dédiée aux femmes, voire même réservée aux femmes dans certains cas, notamment pour des questions de lingerie, d'intimité, etc.

Du contenu professionnel et industriel à destination des femmes

Comme on l'a évoqué plus haut, beaucoup d'entreprises dans absolument tous les secteurs d'activité ont compris l'importance et le potentiel de la réalité virtuelle dans le monde de demain. Il s'agirait d'intensifier les utilisations destinées, exclusivement ou non, aux femmes. Par exemple, la visite virtuelle d'un lieu de voyage potentiel, en intégrant au package une visite des différentes chambres d'hôtel disponibles, un aperçu des sites touristiques intéressants des environs, et pourquoi pas d'une salle d'un des restaurants typiques du lieu en question.

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Le développement de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée permettant d'essayer des habits ou des accessoires dans un univers virtuel, en visualisant précisément à quoi cela ressemblera dans la vraie vie grâce à des logiciels de reconnaissances du corps et des mouvement, pourraient également peser lourd dans la balance. Il en va de même avec le monde de l'ameublement et de la décoration d'intérieur. Avoir accès aux essayages de manière instantanée, sans bouger de son salon, ce qui signifie sans faire la queue aux cabines et sans galérer à se garer, peut être considéré comme un gain de temps et un confort plus qu'agréable.

Le principal problème concernant ces sites qui offrent la possibilité de visualiser en direct depuis son salon à quoi ressemblent les articles grâce à la réalité virtuelle ou à la réalité augmentée, c'est le temps nécessaire à la modélisation de tous les produits des catalogues pour les rendre compatibles et utilisables en VR et AR. Des études estiment qu'au rythme de modélisation d'aujourd'hui, il faudrait presque 5 ans de travail pour permettre au site Amazon de mettre la totalité de son catalogue produit sur le réseau VR… Il va donc falloir intensifier les efforts dans ce sens afin de transformer la VR en nouveau moyen de faire ses courses.

Du contenu de divertissement ciblant les femmes

En parallèle du dévelopement des jeux de tir et de courses en tous genre, les éditeurs vont devoir se pencher sur les jeux et activités qui pousseront les femmes à se mettre à la VR. Les femmes ayant la réputation d'avoir un sens artistique plus développé et une sensibilité plus profonde que celle des homme, elles pourraient bien être touchées par du contenu VR qui simulerait ces aspects personnels.

Dans l'art, plusieurs applications permettent déjà aux artistes en tous genres de s'exprimer en VR de différentes façons, mais les progrès à faire sont considérables. On pourrait aussi imaginer des applications de galeries d'art, dans lesquelles des artistes qui auraient créé des œuvres en VR ou en AR pourraient les exposer, et ainsi augmenter leur visibilité à un niveau international. Les utilisateurs visiteurs pourraient se promener dans ces galeries virtuelles, et ainsi visualiser des œuvres en trois dimensions comme si elles étaient dans le monde réel, sans bouger de chez eux.

Des débuts de développements d'œuvres destinées aux femmes ont tout de même vu le jour ces dernières années, mais elles restent pour le moment rares. On peut notament noter deux œuvres qui ont fait du bruit dans le secteur, pour des raisons différentes:

"Note to my Father", une sorte de court métrage tourné avec un style de reportage dans lequel le spectateur est transporté dans la vie d'une victime de trafic humain en Inde. Il s'agit d'une expérience de réalité virtuelle intense et effrayante, pendant laquelle on se rend compte d'une toute partie du calvaire que les femmes abusées vivent au quotidien dans certaines parties du monde. La directrice et réalisatrice Indienne Jayisha Patel a beaucoup fait parler d'elle avec ce film.

"No Small Talk" fut la première expérience de talk-show en réalité virtuelle. Le concept présenté par la BBC permettait aux utilisatrices et utilisateurs de se retrouver à la même table de café qu'une présentatrice star, et qu'une invitée, souvent elle aussi star de la mode, du show-business, ou autres. La spectatrice pouvait alors vivre comme si elle y était une discussion décontractée sur des sujets divers et variés, paefois légers, parfois plus profonds. Il s'agissait là trés clairement d'une façon d'interesser les femmes à la réalité virtuelle.

Un peu de sport?

Les retransmissions de compétitions sportives en réalité virtuelles commencent à se développer, mais encore une fois, elles s'adressent à un public majoritairement masculin. En revanche, ce qui a commencé à marcher et qui mériterait de gros efforts de développement, c'est le fitness en réalité virtuelle pour les femmes.

On sait que de nombreuses femmes passent des heures par semaines dans des salles de fitness, et que beaucoup d'entre elles portent une importance particulière à leur forme physique. Les coaches de fitness en vidéo intégrés dans des appareils de courses ont déjà fait un tabac partout dans le monde il y a quelques années, alors pourquoi ne pas passer à la vitesse supérieure avec des expériences en réalité virtuelle? Des essais concluant ont été faits, notamment avec un programme adapté sur un vélo d'appartement qui transporte l'utilisateur sur le dos d'un cheval ailé qui doit passer dans des portes virtuelles dans un univers fantastique…

Alors, heureuses?

Bref, la réalité, ce n'est pas que les femmes n'aiment pas la réalité virtuelle, c'est plutôt qu'elles ne se sentent pas touchées par le phénomène, tout simplement parce qu'elles n'y voient pas un intérêt spécial pour elles. Cependant, on se rend compte que les fabricants et les développeurs prennent de plus en plus en compte cette information, et que des efforts sont faits à de nombreux niveaux pour intéresser les femmes, et leur offrir des expériences de réalité virtuelles qui les toucheront particulièrement. Après tout, c'est bien souvent elles qui ont le mot de la fin lors d'une discussion à propos d'un prochain investissement, alors si les hommes veulent pouvoir s'offrir les casques VR de leurs rêves avec le compte commun, les contenus disponibles ont intérêt à intéresser mesdames! Et qui sait, dans quelques années, ce sont peut-être même elles qui auront pris le contrôle de cette nouvelle technologie pour se l'approprier, et nous laisser les miettes des technologies anciennes!

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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