Après le meurtre de Khashoggi, l’Occident se rachète une conscience au Yémen

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La guerre au Yémen va-t-elle cesser? L’affaire du journaliste saoudien Jamal Khashoggi faisant grand bruit, la pression internationale sur l’Arabie saoudite s’intensifie. Et c’est son action dans la guerre contre les Houthis yéménites qui est visée, notamment par ses alliés américains et français. Suffisant pour stopper la guerre au Yémen?

«Ce qui est important c'est que cette guerre cesse. Il est temps, il est plus que temps que cette guerre cesse.»

Cette déclaration n'est pas celle d'un opposant à Riyad, d'un responsable d'une ONG ou d'un activiste pacifiste. Ces propos ont été tenus par Florence Parly, ministre de la Défense de la France, ce 30 octobre 2018 au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC.

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La langue de bois semble s'estomper. Enfin pas totalement, puisque la ministre rappelle avec emphase que la France est le seul pays à avoir organisé une conférence humanitaire pour le Yémen en juin dernier. Et, alors qu'il avait été annoncé en grande pompe par Emmanuel Macron et Mohammed ben Salmane, ce sommet s'était transformé en une mauvaise parodie puisque les leaders politiques n'y avaient pas participé. Langue de bois aussi quand Florence Parly déclare que la France faire tout ce qu'il faut pour arrêter cette guerre:

«Nous faisons pression sans cesse aux côtés des Nations unies pour qu'une solution politique soit trouvée. Parce qu'en effet, cette situation militaire est sans issue. Il faut donc que cette guerre s'arrête.»

Mais force est de constater que le ton de la ministre sur la guerre au Yémen a changé ce 30 octobre 2018. Auparavant, les responsables politiques se bornaient à tenir un discours convenu, demandant à tous les acteurs impliqués de respecter les droits de l'Homme, de favoriser les accès humanitaires, sans incriminer spécifiquement Riyad et en profitant même pour dénoncer le rôle de Téhéran, parrain désigné des rebelles Houthis. Mais cette fois-ci, Paris vise directement le rôle de la coalition dans la tragédie yéménite. Cette coalition- soutien du gouvernement légal, mais contesté- est composée de neuf pays: Émirats arabes unis, Bahreïn, Jordanie, Qatar, Maroc, Égypte, Koweït, Soudan, sous l'égide de l'Arabie saoudite.

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Si cette déclaration intervient très tard —la guerre au Yémen a débuté en 2014 et a causé plus de 10.000 morts, de milliers de déplacés, des épidémies de choléra et une grande famine- la pression politique est nouvelle et c'est donc un évènement. Mais cet appel à mettre fin à la guerre n'est, pour le moment, qu'un effet de manche politico-médiatique. Il n'a pour le moment été suivi d'aucune action diplomatique, comme le dépôt d'une résolution au Conseil de Sécurité de l'ONU. De plus, aucun acte concret n'a encore été posé. Emmanuel Macron pourrait ainsi utiliser un levier que son voisin allemand a récemment actionné: la vente d'armes.

En effet, en lien direct avec l'affaire Khashoggi, Angela Merkel a annoncé le 22 octobre dernier le gel des exportations de tout équipement militaire à destination de l'Arabie saoudite. Mais Florence Parly, qui par le passé, a été plusieurs fois mise dans l'embarras par la presse sur cette question, a tenté de justifier très simplement le choix du gouvernement en refusant de faire de lien entre Khashoggi et l'exportation d'armes.

«L'Allemagne a fait cette déclaration à la suite d'un horrible meurtre qui a été commis, celui de Khashoggi. Il n'y a pas de lien avec ces différents faits.»

Si l'Allemagne est le 5e exportateur d'armements à l'Arabie saoudite, la France occupe la 3e place du podium. En 2017, Paris avait livré à Riyad pour près de 1,3 milliard d'euros d'équipements militaires.

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Mais Florence Parly a continué de justifier cette politique en invoquant notamment les intérêts géopolitiques et stratégiques, encore plus qu'économiques. Cette idée de stopper toute vente d'armes n'a pas été non plus retenue par le Président. En effet, Emmanuel Macron s'est désolidarisé de son homologue allemand —qui avait par ailleurs appelé tous les Européens à suivre sa décision- en dénonçant la démagogie d'utiliser l'affaire Khashoggi pour imposer un embargo. Une question à laquelle a aussi répondu Donald Trump le 11 octobre dernier —les États-Unis détenant la première marche du podium- confortant la position de Paris:

«Ils dépensent 110 milliards de dollars en matériel militaire et dans des choses qui créent de l'emploi pour ce pays. Je n'aime pas vraiment l'idée qui consiste à mettre fin à un investissement de 110 milliards de dollars aux États-Unis, parce que, vous savez ce qu'ils vont faire? Ils vont prendre cet argent et le dépenser en Russie ou en Chine ou ailleurs.»

Mais si les ventes d'armes continuent, cette pression ne serait-elle qu'un artifice? C'est très possible, la vente d'armes à l'Arabie saoudite, principal belligérant, ne pouvant que l'encourager à poursuivre la guerre au Yémen.

Ajoutons tout de même que Paris n'est pas le seul grand allié de Riyad à changer de ton. En effet, Mike Pompeo, Secrétaire d'État des États-Unis, a demandé ce 30 octobre l'arrêt immédiat de tout bombardement de la coalition… sur les zones civiles. Son homologue à la Défense, James Mattis a intensifié la pression sur Riyad en appelant les acteurs à se réunir pour des négociations de paix sous 30 jours.

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Le temps semble donc compté pour l'impunité de l'Arabie saoudite et de ses alliés. Et ces déclarations politiques sont assurément un tournant dans la gestion de la guerre au Yémen par les Occidentaux, qui dansaient depuis des années le bal des hypocrites avec le Royaume.

Mais si l'affaire Khashoggi a assurément contribué à cette nouvelle posture franco-américaine, c'est aussi probablement pour éviter une nouvelle catastrophe. En effet, selon l'AFP, «la coalition anti-rebelles» acheminerait plus de 10.000 hommes vers Hodeïda. Cette ville portuaire —contrôlée par les Houthis, reçoit environ 80% de l'aide humanitaire pour 14 millions de personnes et a déjà été le théâtre de lourds affrontements en juin 2018:

Florence Parly: «Ce qui est important c'est que cette guerre cesse. Il est temps, il est plus que temps que cette guerre cesse. Et il est important aussi, c'est même la priorité de la France, que la situation humanitaire s'améliore et que l'aide humanitaire puisse passer.»

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