Quand l'État n'est pas le seul à se servir dans votre réservoir d'essence...

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La hausse des taxes sur l'essence et le diesel n'a pas comme seul effet de renflouer les caisses de l'État. En effet, les délinquants ne sont pas en reste et les siphonnages de réservoirs grimpent en flèche en 2018. Si en France, on n'a jamais autant payé d'impôts sur son carburant, on n'a également jamais autant eu de risques de se le faire voler.

9.650, c'est le nombre de vols de carburant enregistrés en France au cours des 9 premiers mois de l'année, selon les chiffres du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) communiqués à nos confrères du Figaro. Des chiffres à la hausse par rapport à 2017, où 11.889 faits similaires avaient été recensés… sur douze mois.


Des vols en pleine explosion dans l'Hexagone: à titre de comparaison, en 2012, l'Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI), affilié à la Gendarmerie, avait eu connaissance de 1.456 vols. Pour les huit premiers mois de cette année, les gendarmes ont fait part de 6.268 vols survenus dans leurs secteurs.

La nouvelle tombe plutôt mal, alors que se précise la mobilisation des gilets jaunes contre la hausse des taxes sur le carburant, prévue samedi 17 novembre. En effet, si chaque hausse de cette taxe supposée «accompagner», la «transition écologique et la conversion du parc automobile français» (dixit Bruno Le Maire) ne représente que «quelques centimes», selon l'expression consacrée, la hausse globale des prix à la pompe est bien à l'origine de l'envolée de ces siphonnages sauvages, comme le souligne un témoignage de gendarme recueilli par les journalistes du Figaro.


«Le phénomène a toujours existé, mais prend de l'ampleur depuis le début d'année partout en France, car les prix grimpent,» indique la Gendarmerie à nos confrères.


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Il faut dire qu'avec 21% de hausse en un an du prix à la pompe du litre de Diesel et 15% pour celui d'essence, le contenu d'un réservoir — notamment de poids lourds — attise des convoitises et pas seulement des plus opportunistes.
Certes, les vols réalisés par des particuliers à la pompe ne sont pas négligeables dans leur ensemble, mais les bandes organisées font quant à elles des ravages, particulièrement sur les flottes des entreprises.
Si les poids lourds viennent à l'esprit, ce sont les agriculteurs qui sont le plus touchés, faute de réservoirs suffisamment protégés, contrairement aux parkings de certaines entreprises.

Les véhicules de location, stationnés sur les parkings de grandes surfaces ou encore les engins de chantier ne sont pas en reste et représentent des cibles de choix. On notera que certains réservoirs peuvent contenir jusqu'à 1.200 litres de carburant et qu'il suffit de moins de cinq minutes pour en transférer le contenu.

Des actes commis par «des individus chevronnés», comme l'explique à Marianne Didier Martinez, délégué du syndicat Unité-SGP-Police Occitanie, région où les vols «explosent» pour reprendre ses mots. Des individus équipés de fourgons raflent des centaines de litres, n'hésitant pas à détruire les réservoirs «pour accéder au contenu». Déjà en 2012, lors d'une précédente flambée des prix et des vols, les forces de l'ordre pointaient du doigt l'action de bandes organisées.


«On est loin du petit particulier qui n'arrive pas à joindre les deux bouts et qui repart avec quelques litres d'essence», relate aujourd'hui Didier Martinez à Marianne.


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Des méthodes brutales qui occasionnent, pour les entreprises, des préjudices bien au-delà du carburant volé. Les destructions des réservoirs ou le vol d'autres pièces — telles que les batteries —, immobilisant les véhicules, nécessitent des remplacements coûteux et impactent négativement l'image de l'entreprise auprès de ses clients et font vite grimper la note pour les entreprises.

«Un très petit bénéfice pour eux, un coût énorme pour nous, proportionnellement et beaucoup de temps perdu» déclarait aux journalistes du Parisien le chef d'une entreprise du Val-de-Marne «visitée tous les week-ends ou presque». Résigné, non autorisé à construire un mur d'enceinte du fait de contraintes d'urbanisme, il en vient à expliquer à nos confrères avoir envisagé de mettre à disposition des voleurs un fût de 200 litres de gazole afin qu'ils n'endommagent plus ses véhicules lors de leur visite hebdomadaire.

Sans prendre en compte le temps, la main-d'œuvre nécessaire pour remettre ses véhicules en état, sans parler de l'effet négatif sur l'image de son entreprise «ce sont des coûts qu'on ne peut pas chiffrer, mais qui sont indéniablement réels», ce chef d'entreprise estimait le préjudice annuel entre 50.000 et 70.000 euros. Plus inquiétants, les voleurs n'hésitent pas à recourir à la force contre les chauffeurs, qu'ils détroussent parfois au passage, et même contre les policiers et gendarmes qui les surprennent durant leurs méfaits.

Les particuliers ne sont pas pour autant épargnés par ces actes délictueux. Ils essuient d'ailleurs, dans l'absolu, le même nombre de vols de carburant que les chauffeurs de poids lourds. Plus globalement, tout le monde est impacté, même les plus écologistes des citoyens. En effet, les agriculteurs, routiers et autres flottes privées ne sont pas les seules victimes de ces vols, les véhicules des collectivités ainsi que leur réserves de carburants sont également prisées.

Le fruit des vols est ensuite écoulé à un euro le litre sur le marché noir. Une opération d'autant plus juteuse lorsqu'on sait qu'à la pompe les taxes représentent plus de 60% du prix réglé par le consommateur. Des taxes qui ont le vent en poupe.


«En 2018, pour un automobiliste possédant un véhicule essence, le seul poids des taxes énergétiques représente 871€ à l'année»,


soulignait mi-septembre l'association de défense des consommateurs (CLCV). Soit une hausse moyenne de 45 euros des taxes réglées par un automobiliste roulant à l'essence en un an, 85 dans le cas d'un véhicule diesel. La CLCV chiffrait l'impact de cette fiscalité sur les énergies fossiles pour les automobilistes dans la foulée de la confirmation par Élisabeth Borne, la ministre chargée des Transports, de futures hausses de taxes sur les carburants durant le quinquennat d'Emmanuel Macron. Il se pourrait bien que les voleurs aient de beaux jours devant eux.

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Quant à la bonne utilisation de ces taxes, si au micro de RTL François Lenglet soulignait la nécessité de facturer le «droit de polluer» que représentent ces taxes, le journaliste flingue en revanche la fiscalité verte à la Française, celle-ci servant plus à renflouer les caisses de l'État qu'à développer des alternatives à la voiture individuelle, telles que les transports en commun.

 

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