Affaire Khashoggi: les contrats saoudiens ont suffi pour apaiser l'indignation des USA

© AFP 2023 Nicholas KammDonald Trump et Mohammed ben Salmane
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Indépendamment de l'implication éventuelle du prince héritier Mohammed ben Salmane dans le meurtre du journaliste Khashoggi, Washington poursuivra sa coopération avec Riyad pour faire face à Téhéran et empêcher le développement des liens du royaume avec la Russie et la Chine. Tel est le sens du discours de Trump publié mardi par la Maison-Blanche.

Alors que «punir» Riyad ne fait toujours pas partie des projets de Trump, plusieurs sénateurs américains continuent d'exiger du Président qu'il éclaricisse la question de la culpabilité du prince héritier saoudien, écrit le quotidien Kommersant

Le monde est un endroit «dangereux»

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«Le monde est un endroit très dangereux»: c'est en ces termes que s'est exprimé Donald Trump pour commencer son allocution consacrée aux relations américano-saoudiennes dans le contexte de l'affaire Khashoggi. Depuis le tout début, le Président avait réagi avec beaucoup de réticence, seulement sous la pression de l'opinion publique et des opposants politiques, à l'information sur l'assassinat du journaliste au consulat général de l'Arabie saoudite à Istanbul le 2 octobre.

D'après le site d'information américain Axios, lors d'un entretien privé Donald Trump aurait même qualifié «d'aberrant» le fait que les gens «exagèrent l'importance de l'assassinat d'un seul homme par les Saoudiens compte tenu des pratiques impitoyables de pays comme la Chine».

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Axios, se référant à ses sources, affirme que le président aurait demandé à ses conseillers pourquoi les États-Unis devaient participer à la bataille pour Jamal Khashoggi alors que ce journaliste n'était pas un citoyen américain et que son assassinat n'avait pas eu lieu sur leur territoire.

Dans les semaines qui ont suivi, Donald Trump a tout fait pour ne pas détériorer les relations de son pays avec l'Arabie saoudite. Le communiqué publié mardi s'inscrit dans cette ligne: le journaliste n'est mentionné qu'au quatrième paragraphe du document. Avant cela, le président évoque la menace que représente à ses yeux l'Iran pour l'Arabie saoudite, les USA et Israël.

Il rappelle également la somme de 450 milliards de dollars que Riyad est prêt à investir aux USA, dont 110 milliards de dollars pour l'achat de matériel militaire.

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Cependant, le Président n'a annoncé aucune nouvelle restriction contre Riyad depuis les sanctions décrétées la semaine dernière contre 17 citoyens saoudiens impliqués dans l'assassinat.

L'Arabie saoudite a été le premier pays visité par Donald Trump en tant que président. Après Riyad, il s'était rendu à Tel-Aviv. L'axe était ainsi tracé: les USA, l'Arabie saoudite et Israël face à l'Iran. Cette alliance a été inspirée par le gendre et le conseiller du président Jared Kushner. Les accords politiques ont été scellés par des contrats de plusieurs milliards de dollars qui, selon Donald Trump, «pourvoiront des centaines de milliers d'emplois aux USA».

Les journalistes américains ont déjà calculé que c'était faux, que ces contrats étaient une déclaration d'intention et non des transactions réelles, mais Donald Trump ne revient pas sur ses propos. La collaboration avec le royaume est devenue un élément primordial de la politique nationale et étrangère de son administration.

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Comme le souligne le journal The Washington Post, pour le Président reconnaître la responsabilité de Mohammed ben Salmane dans ce meurtre reviendrait à reconnaître que le pari excessif de la Maison blanche sur le prince de 33 ans en tant qu'allié stratégique était une erreur.

Daniel Levy, directeur du centre de recherche américain USA/Moyen-Orient, note que l'establishment américain s'est retrouvé face à un dilemme compliqué. D'un côté, beaucoup ont cru aux réformes entreprises en Arabie saoudite, assimilées au nom du prince héritier. De l'autre, il est impossible d'ignorer les échecs du royaume en politique étrangère, notamment la catastrophe au Yémen ou les tentatives de retenir et de faire démissionner le premier ministre libanais Saad Hariri. «Ce dilemme est apparu avant l'assassinat de Jamal Khashoggi, mais sa mort a créé une immense épine dans le pied de l'administration américaine», constate Daniel Levy.

Selon l'expert, certains acteurs du système politique américain ont conclu que Mohammed ben Salmane était dangereux pour les intérêts des USA.

«Néanmoins, pour des raisons pas toujours évidentes, qu'il s'agisse des intérêts du monde des affaires ou des engagements financiers de Riyad vis-à-vis des USA, Kushner reste attaché au maintien de la coopération avec l'Arabie saoudite», souligne Daniel Levy. D'après lui, le gendre du Président apprécie Mohammed ben Salmane pour son «attitude amicale envers Israël et l'agression envers l'Iran».

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Daniel Levy indique qu'en excluant l'Arabie saoudite de la coalition anti-iranienne, cette dernière éclaterait. C'est pourquoi le secrétaire d'État américain Mike Pompeo et le conseiller à la sécurité nationale John Bolton prônent le maintien des liens avec Riyad.

Mais certains désapprouvent la politique du locataire de la Maison-Blanche, et ce même dans les rangs de son administration. En fin de semaine dernière a été annoncée la démission de Kirsten Fontenrose, collaboratrice du Conseil de sécurité nationale auprès de la Maison-Blanche qui supervisait la politique relative aux pays du Golfe. Le New York Times écrit qu'elle était partisane d'une ligne dure vis-à-vis de l'Arabie saoudite après l'assassinat du journaliste.

Les sénateurs US ne sont pas non plus satisfaits de la position du Président

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Immédiatement après la publication du communiqué du président américain, le républicain Robert Corker, président de la commission des affaires étrangères au Sénat, et le démocrate en chef de la commission, Robert Menendez, ont envoyé à Donald Trump une lettre exigeant d'établir l'implication de Mohammed ben Salmane dans le meurtre du journaliste.

«Nous exigeons que vous indiquiez clairement dans votre réponse si le prince héritier Mohammed ben Salmane est responsable du meurtre de Khashoggi. Nous attendons votre réponse dans un délai de 120 jours à partir de notre requête initiale (10 septembre)», stipule la lettre.

Par conséquent, malgré les tentatives du président d'échapper à la réponse concernant la culpabilité du prince, il devra se prononcer d'ici février. The Washington Post espère que si la Maison-Blanche «continuait d'encourager le mensonge du prince héritier», le Congrès agirait «rapidement et résolument».

Le Président Trump n'exclut pas la possibilité d'un entretien avec Mohammed ben Salmane en Argentine.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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