Candidature euro-marocaine pour la CDM de foot 2030, «un ticket imbattable»

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Après avoir joué, sans succès, cavalier seul à cinq reprises, le Maroc répondra-t-il à l'offre espagnole d'une candidature tripartite pour l'organisation de la Coupe du Monde de foot 2030? Un plan où le Maroc a tout à gagner... à moins qu'il ne veuille diviser, avec les Ibériques, les dividendes politiques qu'il escompte.

Après la Tripartite américaine pour la Coupe du Monde de foot 2026, place à la Tripartite transcontinentale pour l'édition 2030? C'est du moins le sens de la proposition espagnole, révélée en début de semaine, par le quotidien El Pais, à l'occasion de la visite au Maroc du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez. Les Marocains n'ont pas encore publiquement donné suite à cette offre. Mais il est probable que les missives diplomatiques en amont de la visite l'ont largement évoqué avant sa révélation au grand public. Au cas où un doute subsisterait, Sanchez lançait, en quittant Rabat, qu'«on va commencer à travailler à la présentation de cette candidature».

Sur les pas de la candidature américaine de 2026

La proposition vient à point nommé, cinq mois après un cinquième échec pour l'obtention de l'organisation de la Coupe du monde 2026. Le rouleau compresseur américain et les revirements insoupçonnés de fédérations arabes et africaines ont eu raison de la candidature marocaine, la plus aboutie jusque-là, au point que certains spécialistes plaidaient pour une victoire de «David contre Goliath».

D'où la tentation, au lendemain de la défaite, d'opter pour un choix plus raisonnable, celui de la co-organisation. À la proposition nord-africaine, émise par des officiels Tunisiens et algérienne, les Marocains n'émettront qu'un intérêt de courtoisie. Il en sera probablement autrement pour l'offre ibérique, vu les intérêts qu'elle recèle. À commencer par le fait qu'elle est la réplique de la candidature de l'hydre américaine.

«Il s'agit d'une configuration qui rappelle la candidature américaine. Dans un cas comme dans l'autre, nous avons un grand pays au cœur de la candidature (les États-Unis et l'Espagne), où vont se jouer les matchs les plus décisifs et où les retombées financières seront les plus importantes, qui va chercher à s'associer avec un voisin développé (Canada et Portugal) avec une ouverture sur sa frontière Sud (Mexique et Maroc)», compare Jean-Baptiste Guégan, spécialiste de géopolitique du sport, dans un entretien avec Sputnik.

Un parallélisme parfait qui offre, au-delà de la coïncidence esthétique, une utilité pratique. Celle de pouvoir s'inspirer des solutions que trouveront les Américains aux mêmes problèmes qui risqueront de se poser aux Européens.
Le durcissement de la lutte contre l'immigration, aux États-Unis, est à rapprocher du renforcement des contrôles sur les frontières extérieures de l'espace Schengen. Pour des Latinos désirant suivre leur sélection, au-delà de la phase de poule au Mexique, la question de la gestion des restrictions se pose dans les mêmes termes que pour les supporters africains désirant franchir la Méditerranée pour suivre l'épopée footballistique.

«Il s'agit de supporters qui, dans des conditions normales, n'auraient pas pu obtenir de visa, par exemple. Mais les Espagnols et Portugais se disent que si les Américains parviennent à trouver une solution concrète, alors pourquoi pas eux?», suggère Jean-Baptiste Guégan.

Des solutions concrètes et pas des effets d'annonce, telles les trois lettres envoyées par Donald Trump au président de la FIFA, révélée par le New York Times, pour le rassurer que les lois anti-immigration ne s'appliqueraient pas pour le Mondial. À ce titre, Guégan suggère des compromis concrets autour de l'imposition de quotas de visas. Les billets pourraient également être accordés via des agences accréditées auprès de la FIFA et travaillant en collaboration avec les ambassades européennes.
Si pareilles difficultés sont consubstantielles à la nature de la candidature, les tournois en mode coorganisation offrent surtout des avantages. À commencer par les gains sur les coûts, sur lesquels la FIFA est très regardante. Une partie des arguments mis en avant par les Américains pour obtenir la Coupe du monde 2026 était liée à la disponibilité des stades ainsi que des prérequis logistiques.

«Là aussi, il s'agit d'une Coupe du monde qui coûtera beaucoup moins cher que celle qu'aurait pu organiser l'Espagne toute seule, ou le Maroc en mode cavalier seul. S'il y avait quelques reproches faits au Maroc, par le passé, au niveau de l'infrastructure ou des capacités hôtelières, elles seraient maintenant sans objet.
D'ailleurs, il y aurait moins de constructions en dur à faire, pour tout le monde, puisque les capacités seront réparties sur les trois… qui ne partent pas de zéro, aussi bien sur la logistique que pour les capacités d'accueil. Si le Maroc s'est récemment doté du premier TGV d'Afrique, L'Espagne et le Portugal sont des destinations touristiques de premier plan, où évoluent aussi de grands clubs mondiaux…», analyse le géopoliticien français.

Espagne-Portugal-Maroc, trio gagnant pour remporter l'organisation de la Coupe du Monde 2030? Sauf que l'échéance est également lorgnée par un certain nombre de concurrents… qui ont aussi leur carte à jouer et des atouts à faire valoir.

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Le plus grand événement sportif de tous les temps se déroulerait, ainsi, pour la première fois, sur deux continents. En guise de bonus communicationnel, une jonction opérée entre pays du Nord et du Sud. Difficile de faire mieux en termes de symbolique. À moins que les fédérations de la FIFA ne soient davantage motivées par une autre symbolique. Celle d'un retour aux sources en célébrant le centenaire de la Coupe du monde là où ce tournoi a pris naissance en 1934, en Uruguay, qui se porte également candidate, avec l'Argentine, pour l'organisation de l'édition 2030…
Par ailleurs, une candidature asiatique commune se profile, autour de la Chine. Pour Jean-Baptiste Guégan, l'association du Maroc à une candidature ibérique est «un coup de maître», permettant la soustraction des voix africaines aux Chinois.

«Une candidature donnée ne peut gagner que si elle rassemble plus de 105 voix des fédérations affiliées à la FIFA et représentées au congrès qui attribue l'organisation de la Coupe du Monde. La candidature Espagne-Portugal-Maroc a cet atout de pouvoir atteindre la barre des 90 voix rapidement, en faisant le plein des voix européennes et africaines. Sans le Maroc, les Africains ne voteraient pas forcément pour l'Espagne et le Portugal, puisque la Chine a voix au chapitre en Afrique. Là, la situation est différente, puisque l'Afrique sera représentée à travers le Maroc.
Ce sera un ticket difficile à battre pour la Chine qui aura beau faire le plein en Asie et les pays qu'elle soutient, mais qui aura du mal contre deux continents à la fois. D'ailleurs, même les États-Unis pourront pousser vers cette candidature pour que la Chine ne l'obtienne pas», prévoit Guégan, auteur de «Géopolitique du Sport, une autre explication du Monde».

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Reste à savoir si le Maroc aura réellement envie de partager l'affiche. Dans ce cas, il se résoudrait à diluer les dividendes politiques qu'il comptait tirer de l'organisation en solo de cet événement planétaire. Depuis quelques années, Rabat fait feu de tout bois pour s'imposer sur la scène régionale et internationale, à travers une opération «branding». Moderne et offensive, la promotion de la marque «Maroc» passe, notamment, par la diplomatie sportive.
Du côté des médias algériens, on ne cachait pas sa déception de voir la candidature nord-africaine snobée au profit de l'Ibérique. Entre les deux choix raisonnables s'offrant à lui, le Maroc se rabattrait probablement sur l'option la plus intéressante en termes de retombées. Celle aussi qui est plus en conformité avec son tropisme européen. Mieux, en s'associant à l'Espagne et le Portugal, le Maroc traitera d'égal à égal avec ces deux pays européens. Un peu à l'image du score de son dernier match de Coupe du monde, en juin dernier. Une égalité honorable avec l'Espagne, deux buts partout.

 

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