Mexamerica: vers la reconquista du sud des États-Unis?

© AP Photo / Gregory BullUn garçon géant est apparu sur le mur entre les États-Unis et le Mexique
Un garçon géant est apparu sur le mur entre les États-Unis et le Mexique - Sputnik Afrique
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Le saviez-vous? Il y a maintenant plus d'hispanophones aux États-Unis qu'en Espagne. Ils sont désormais plus de 50 millions dans le pays de George Washington, sur une population totale de 325 millions. Malgré l'élection de Donald Trump et son envie de construire un mur à la frontière, certains parlent de reconquista. Le coup d'œil de Sputnik.

Avant que ne se termine la guerre américano-mexicaine de 1846-1848, le Mexique possédait les États américains que sont aujourd'hui la Californie, le Nevada, l'Arizona, l'Utah, le Nouveau-Mexique, le Colorado et le Texas. À exception de la Floride et de grandes villes comme New York, c'est encore dans ces régions que se trouve la plus grande concentration d'hispanophones aux États-Unis.

Après la prise de Mexico par les troupes américaines, le président intérimaire, Manuel de la Peña y Peña, signa le traité de Guadalupe Hidalgo, cédant près de la moitié du territoire mexicain aux États-Unis. À cette époque, on ne savait pas que le Mexique prendrait sa revanche sur son grand rival. Lentement mais sûrement…

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Une douce revanche sur les États-Unis?

Des intellectuels mexicains parlaient de «reconquista» pour décrire la présence grandissante de leurs compatriotes dans les territoires perdus aux États-Unis. C'est notamment le cas des écrivains Carlos Fuentes et Elena Poniatowska. En référence à la Reconquista espagnole qui eut lieu dans la péninsule ibérique jusqu'en 1492, ils rêvent que le Mexique récupère son ancien territoire. Évidemment, ces intellectuels ne rêvent pas d'une nouvelle guerre entre les États-Unis et le Mexique, mais d'une reconquête beaucoup plus douce, notamment par l'immigration.

Signe que ce rêve est bien présent dans l'actualité, en avril 2017, l'historien mexicain et chroniqueur du New York Times, Enrique Krauze, publiait un article favorable à cette idée. Dans les pages de ce journal, il écrivait que l'invasion américaine du Mexique avait infligé aux Mexicains une «plaie douloureuse» loin d'être cicatrisée. Il écrivait aussi que Donald Trump avait rouvert cette plaie en présentant les Mexicains comme des agresseurs alors qu'ils seraient plutôt des victimes.

«Certains Mexicains se sont efforcés de rappeler à Trump exactement quelle était la première nation victime de l'impérialisme américain. Leur projet est d'annuler complètement le traité de Guadalupe Hidalgo, signé le 2 février 1848 et par lequel le Mexique […] fut contraint de céder aux États-Unis l'État du Texas et plus de la moitié de son territoire, ce qui correspond principalement aux États actuels de l'Arizona, du Nouveau-Mexique et de la Californie», écrivait Enrique Krauze dans le New York Times.

Cet historien voit dans l'élection de Trump «l'occasion d'une forme de reconquête» pour les Latinos. Loin de redonner sa souveraineté aux États-Unis, Donald Trump nourrirait plutôt le nationalisme des Mexicains et le désir de cette nation de retrouver ses anciennes frontières. Le président américain voudrait renforcer la frontière entre son pays et le Mexique mais celle-ci deviendrait, malgré lui, de plus en plus mince.

Enrique Krauze croit même que les États-Unis devraient initier une réforme de l'immigration qui accorderait la citoyenneté américaine à tous les descendants des Mexicains dont le territoire a été conquis. «Trois siècles avant que les ancêtres de Trump ne mettent le pied aux États-Unis, il y avait des Mexicains dans cette partie nord de la Nouvelle-Espagne», écrit M. Krauze pour appuyer sa proposition.

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De nombreux éléments portent à croire que cette improbable réforme de l'immigration ne sera pas nécessaire. Déjà, entre 1990 et 2010, 7,5 millions de Mexicains ont immigré aux États-Unis. Et selon des chiffres récents, les États-Unis comptent actuellement plus de 50 millions d'habitants dont l'espagnol est la langue maternelle, nn nombre auquel s'ajoutent quelque 10 millions de personnes maîtrisant cette langue. Il y a plus d'hispanophones aux États-Unis qu'en Espagne, pays de 46 millions de personnes.

Selon un recensement effectué en 2017 par le Pew Research Center, les Latinos seraient majoritaires dans 30 villes américaines de plus de 100.000 habitants comme Santa Ana (79% de Latinos), Salinas (75%), Oxnard (73%) et Pomona (71%) en Californie. Au Texas, les Latinos seraient majoritaires dans des villes comme Laredo (96%), Brownsville (93%), McAllen (85%) et El Paso (81%), sans oublier la ville de Miami, en Floride, où 64% des habitants sont des Latinos, en majorité d'origine cubaine.

Les États-Unis restent un pays d'avenir pour l'espagnol. Ni les restrictions à l'immigration ni les mesures défavorables du nouveau président des États-Unis, Donald Trump, à propos de l'utilisation de l'espagnol sur les canaux officiels […] ne remettent en question la croissance de la langue de Cervantès partout en Amérique du Nord», pouvait-on lire, en janvier 2017, dans le journal espagnol La Información.

Pour faire rayonner leur culture, les Latinos peuvent aussi compter sur une foule de personnalités célèbres aux États-Unis. En effet, de plus en plus «d'Hispano-Américains» s'imposent dans le paysage culturel et politique. Dans le domaine de la musique, cette réalité est évidente, en atteste la célèbre chanteuse Jennifer Lopez, artiste d'origine portoricaine qui accorde régulièrement des entrevues en espagnol. En politique, pensons au sénateur de la Floride, Marco Rubio, qui s'est présenté en 2015 contre Donald Trump à la chefferie du Parti républicain. M. Rubio est d'origine cubaine.

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Dans son livre Mexamerica, la chroniqueuse Fey Berman montre à quel point le Mexique et les États-Unis sont devenus interdépendants sur le plan culturel. Selon elle, une nouvelle vision du monde est en train de naître: la culture «mexaméricaine». Un phénomène que rien ne pourrait arrêter, pas même la droite américaine avec Donald Trump.

Sur le plan économique, le nord du Mexique et le sud des États-Unis sont aussi de plus en plus interdépendants et ce malgré la militarisation de la frontière américaine. Cette nouvelle zone économique, qui chevauche les deux États, porte aussi le nom de Mexamérique.

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Chaque jour, plus de 3.000 camions de marchandises passent de chaque côté de la frontière, près de Tijuana, ainsi que 100.000 personnes, à pied ou en voiture. Depuis la signature du premier Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), les liens économiques entre l'Amérique et le Mexique sont de plus en plus forts, ce qui est constaté par de nombreux experts, à tel point que le nord du Mexique serait une région économique complètement séparée du sud du pays, région beaucoup moins riche et industrialisée.

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