Face aux Gilets jaunes, l'État met le pied sur le frein... sans changer de cap

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Gilets jaunes le 1 décembre 2018 à Paris - Sputnik Afrique
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Les Gilets jaunes ont obtenu du gouvernement qu'il renonce à ses nouvelles taxes... temporairement. Car si Édouard Philippe a annoncé des «moratoires» et des «suspensions», il n'a encore renoncé à rien, mais plusieurs autres réformes potentiellement explosives sont ajournées. Entre bras de fer et coups de bluff, la partie est loin d'être terminée.

L'État En Marche arrière… pour le moment. C'est en substance ce qu'a dit Édouard Philippe le 4 décembre dernier, lorsqu'il a annoncé une «suspension pour une durée de six mois» des mesures fiscales les plus controversées qui devaient entrer en vigueur au 1er janvier prochain.

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La suspension en question prend la forme d'un moratoire sur la hausse de la taxe carbone sur le fioul et les carburants, la convergence de la fiscalité du diesel et l'alignement de la fiscalité du gazole pour les professionnels; une bagatelle pour les Gilets jaunes, qui considèrent que le geste du gouvernement est insuffisant et trop tardif.

Pour autant, le discours officiel a changé ces derniers jours et Édouard Philippe a dû mettre de l'eau dans son vin. Alors qu'il déclarait que «le cap fixé est bon, nous allons le tenir» au lendemain de la première journée de mobilisation des Gilets jaunes, son ton s'est voulu beaucoup plus conciliant quelques jours après l'acte 3 du mouvement:

«Il faudrait être sourd et aveugle pour ne pas voir ni entendre cette colère. Je l'entends et j'en mesure la réalité, la force et la gravité. […] Fixer le cap et le tenir est une nécessité pour gouverner la France, mais aucune taxe ne mérite de mettre en danger l'unité de la Nation», a déclaré Édouard Philippe le 4 décembre dernier.

Outre ces mesures, deux autres augmentations sont gelées de manière temporaire. D'une part, l'énergie n'augmentera pas «durant l'hiver». Les tarifs du gaz et de l'électricité, qui devaient être revus à la hausse au 1er janvier, sont gelés jusqu'au 1er mars, date à laquelle doit se terminer la phase de «concertation».

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D'autre part, la réforme du contrôle technique est elle aussi suspendue pour une durée de six mois, soit quelques semaines après les élections européennes qui s'annoncent tendues pour la majorité. Cette réforme, qui devait entrer en vigueur au 1er janvier, visait à limiter la pollution atmosphérique, mais elle aurait pu «obliger 15% des véhicules roulant au gazole à passer une contre-visite», engendrant d'autant plus de frais.

Face à la convocation d'une nouvelle journée de mobilisation le 8 décembre et au mécontentement suscité par l'annonce du moratoire de six mois proposé par Édouard Philippe, le gouvernement n'écarte pas la possibilité de faire davantage de concessions. Le Premier ministre lui-même a déclaré:

«Si nous ne trouvons pas [de mesures d'accompagnement justes et efficaces], nous en tirerons les conséquences», ouvrant ainsi la voie à une suppression pure et simple des hausses de la fiscalité concernées par le moratoire annoncé.

Benjamin Griveaux l'a confirmé en déclarant: «Si on ne trouve pas de solutions, on y renoncera.»

Mais le mouvement des Gilets jaunes pourrait bien arracher plus de concessions à l'exécutif qu'il n'y paraît! En réponse à la contestation, le porte-parole du gouvernement a laissé entendre que ce dernier pourrait revenir sur la suppression de l'ISF, perçue comme un «cadeau aux riches», en expliquant que si l'impôt mis en place sur la fortune immobilière ne donnait pas de résultats probants, il pourrait évoluer… d'ici l'automne 2019.

Et le pire est peut-être l'effet du mouvement citoyen sur le programme politique: la grogne sociale rend difficiles plusieurs grandes réformes qui étaient prévues pour le début de l'année 2019 et qui pourraient être remises à plus tard, le temps que la tension diminue. C'est par exemple le cas de la réforme de la justice, vue comme une «fracture territoriale», que dénoncent les Gilets jaunes, ou de celle de la fonction publique. Alors que l'État entend réduire encore le nombre de fonctionnaires, certains craignaient que ces derniers se joignent aux Gilets jaunes.

«Selon les échos que nous avons eus ce week-end, d'aucuns s'interrogeraient en haut lieu sur la nécessité de tempérer sur la fonction publique», assurait un responsable syndical à nos confrères d'Acteurs Publics.

Pour l'instant, l'État fait marche arrière, mais si la contestation s'arrêtait, il enchaînerait certainement sur un demi-tour à droite.

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