État menteur: pour les taxes sur les carburants, «on pourra raconter une histoire»

© REUTERS / Petar KujundzicRévélations de WikiLeaks. Archives
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«On pourra toujours raconter une histoire»: c'est ce qu'écrivait en 2016 un actuel conseiller d'Emmanuel Macron pour expliquer que l'augmentation des taxes sur les carburants pourrait être justifiée de plusieurs manières. Ce que n'a pas manqué de faire le chef de l'État face aux Gilets jaunes. Même si ces derniers ne l'ont pas cru.

La hausse des prix du carburant, cette étincelle qui a fait naître le mouvement des Gilets jaunes, était-elle vraiment liée à la transition énergétique? L'hypothèse, déjà peu crédible pour pléthore de manifestants, a pris un peu (plus) de plomb dans l'aile le 26 décembre, lorsque le site WikiLeaks a ressorti un échange de mails datant de novembre 2016 et ayant fuité lors des MacronLeaks.

​Passés inaperçus jusqu'à maintenant, les mails ayant fuité dévoilent une conversation entre Laurent Martel, alors inspecteur des finances ainsi que membre de la Direction générale des finances publiques (DGFIP), devenu depuis conseiller pour la fiscalité du Président de la République et Alexis Kohler, actuel secrétaire général de l'Élysée.

Le sujet de la conversation: la hausse des prix du carburant dans le but de dégager des fonds qui seraient «affectés à des allègements de cotisation sociale jusqu'à 1,6 SMIC», comprenez un allègement des charges patronales. Bien loin de la justification écologique avancée par le gouvernement, donc.

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Au début du mouvement des Gilets jaunes, le projet de loi de finance pour 2019 prévoyait une hausse de la fiscalité sur les carburants, que ce soit de l'essence (+2,9 centimes d'euro par litre) ou le diesel (+6,5 centimes par litre). Soit environ 3,85 milliards, à en croire le calcul qu'a fait Laurent Martel, qui explique dans l'un des e-mails dévoilés qu'une augmentation d'un centime sur le diesel entraîne un gain de 410 millions d'euros.
On apprend également dans ces e-mails que la composante carbone est, d'après Laurent Martel, le «seul levier disponible» pour obtenir les «six à huit milliards d'euros» nécessaires au financement de la baisse de charges patronales, qui est le véritable objectif.

Et, effectivement, si l'on regarde les raisons invoquées par le gouvernement pour justifier une hausse des prix à la pompe depuis que cette dernière a été remise au goût du jour en novembre, la baisse des cotisations patronales n'est jamais mentionnée. Et la raison est clairement expliquée par Laurent Martel dans un des e-mails publiés par WikiLeaks et daté du 15 novembre 2016.

«Ce raisonnement suppose toutefois de comparer une mesure qui pèse directement sur le pouvoir d'achat des ménages (la hausse du prix des carburants) avec une mesure qui n'est pas directement une mesure "ménages" (la baisse des cotisations patronales), ce qui est un peu tiré par les cheveux.»

Le 4 novembre, soit près de deux semaines avant l'acte 1 du mouvement des Gilets jaunes, le Président de la République avait donc choisi de justifier autrement la hausse des taxes sur le carburant et avait déclaré que cette décision avait été prise pour limiter la hausse des taxes sur le travail.

«J'assume parfaitement que la fiscalité due au diesel soit au niveau de celle de l'essence et je préfère la taxation du carburant à la taxation du travail», a déclaré Emmanuel Macron au cours d'une interview avec les journalistes du groupe EBRA.

La contestation ne faiblissant pas et l'argument de la non-taxation du travail ne prenant pas auprès des Gilets jaunes, un second argument a par la suite été utilisé par le Président de la République.

«Les mêmes qui râlent sur la hausse du carburant, réclament aussi qu'on lutte contre la pollution de l'air parce que leurs enfants souffrent de maladies», a poursuivi Emmanuel Macron le 4 novembre.

L'écologie et l'impact des gaz d'échappement sur l'environnement et la santé ont été la seconde justification du gouvernement pour ne pas céder à la pression du mouvement des Gilets jaunes. Le 27 novembre, 10 jours après l'acte 1, Emmanuel Macron a justifié la hausse des prix du carburant dans une allocution destinée aux manifestants:

«On ne peut pas le lundi être pour l'environnement et le mardi contre la hausse du prix du carburant», a défendu le Président de la République.

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Face au mouvement continu des Gilets jaunes, le chef de l'État a finalement renoncé à appliquer la hausse des taxes sur les carburants initialement prévue dans le projet de loi de finances pour 2019. Et il l'aura fait sans jamais pointer du doigt l'Union européenne comme la responsable de l'augmentation des taxes sur les carburants, alors même que Laurent Martel le proposait à Alexis Kohler en novembre 2016.

«On pourra toujours raconter une histoire: alignement sur la moyenne européenne de l'écart essence/diesel, division par deux de l'écart, convergence complète mais très progressive…», écrivait l'actuel conseiller pour la fiscalité d'Emmanuel Macron et d'Édouard Philippe à Alexis Kohler.

Le gouvernement, dans sa campagne de communication, ne semble pas avoir convaincu les Gilets jaunes avec ses «histoires».

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