«C'est un vrai mouvement social. Mais animé par des passions tristes, mortifères, nihilistes». C’est en ces termes que Bernard-Henri Lévy répond à la question du journaliste des Échos concernant son attitude critique à l’égard des Gilets jaunes, dont la mobilisation dure depuis deux mois.
Il relève que l’histoire contemporaine récente est marquée par plusieurs cas d'authentiques mouvements de colère «enracinés dans des souffrances et des revendications légitimes», mais qui se traduisent par des actions et une langue «parfaitement antidémocratiques».
«Il faut avoir le courage de compter jusqu'à deux et de distinguer: oui, bien sûr, aux réformes sociales; oui, à tout ce qui peut être fait pour créer de l'égalité; mais non à la volonté factieuse de "marcher sur l'Élysée", non au saccage de ces maisons de la République que sont les préfectures ou les ministères, non à l'homophobie, à l'antisémitisme, au racisme anti-immigrés, aux attaques meurtrières contre les policiers. Et ce qui m'attriste presque plus encore, voyez-vous, c'est l'indulgence stupéfiante dont ce type d'actes bénéficie», a-t-il expliqué.
«De ces contorsions intellectuelles grotesques pour distinguer entre les "vrais gilets" (sanctifiés) et les "mauvais" (dévoyés). C'est l'éternelle génuflexion des dévots pressés de communier, quoi qu'elles disent, avec les foules qui s'autoproclament "le peuple "», poursuit-il son argumentation.
Il estime que malgré le fait que les Gilets jaunes ont été entendus et que le Président leur a promis d’ouvrir le dialogue, les manifestants ont avancé d’autres revendications:
«"Eh bien, non! Ce n'est pas ça, finalement, que nous voulions! Ce n'était pas des nouveaux droits, des nouvelles libertés, de nouvelles formes de justice! C'était la tête du roi, c'était bloquer les ronds-points, c'était n'importe quoi sauf l'amélioration du sort des plus humbles". Je ne connais pas trop mal, je crois, l'histoire du mouvement ouvrier. Eh bien, cette manière de faire représente, dans cette histoire qui eut ses moments de grandeur, une tragique régression».
«Écoute tardive, si vous voulez. Maladroite, tant que vous voudrez. Mais écoute quand même. Volonté, jusqu'à nouvel ordre, de chercher des solutions. Et je crois même que c'est la première fois que, dans l'histoire récente des luttes de classes en France, on voit autant de dirigeants, de responsables de l'appareil d'État, etc., dont le principal souci semble être, non de réprimer, mais de comprendre et, peut-être, de réparer», insiste-t-il.