L'Inde porte un coup inattendu à l'économie américaine

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L'Inde appliquera une taxe de 30% sur les produits agricoles US à compter du 31 janvier. La mesure portera sur 857 millions de dollars de produits, soit plus d'un tiers des importations agricoles en provenance des USA. Pourquoi les autorités indiennes ont-elles pris une telle décision et pourquoi les experts y perçoivent-ils une «trace chinoise»?

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Bien que la Chine reste le front principal de la guerre commerciale menée par Washington, Donald Trump a déjà réussi à irriter sérieusement le Premier ministre indien Narendra Modi.

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Tout a commencé en mars 2018 quand Donald Trump a annoncé des taxes de 10% sur l'aluminium et de 25% sur l'acier, ce qui a affecté le secteur métallurgique de la Russie, de la Chine, de l'UE, du Japon et d'autres pays tels que l'Inde.

Cette dernière a également souffert à cause de sa coopération militaro-technique avec Moscou. En avril, la Maison-Blanche a inscrit l'agence russe Rosoboronexport sur la liste des sanctions dans le cadre de la loi «sur la lutte contre les adversaires de l'Amérique par les sanctions» (CAATSA), et les banques indiennes ont été contraintes de geler une tranche de 2 milliards de dollars prévue pour payer les réparations du sous-marin nucléaire Chakra (projet 971 Chtchouka-B) loué à la Russie. Dans le cas contraire, elles risquaient d'être privées de la possibilité d'effectuer des opérations en dollars.

Début mai, le chef de l'État américain a annoncé le retrait de l'accord nucléaire avec l'Iran et a promis de rétablir les sanctions contre Téhéran et tous ceux qui coopéreraient avec les autorités iraniennes. Cela s'adressait notamment à la Chine et à l'Inde — les deux principaux acheteurs de pétrole iranien.

Toutefois, le locataire de la Maison-Blanche a accordé à Pékin et à New Delhi un délai de 180 jours pour trouver de nouveaux fournisseurs. Selon le département d'État américain, les paiements devaient transiter par un compte fiduciaire spécial ouvert par le pays acheteur, et les fonds transférés ne pouvaient être utilisés par l'Iran que pour se procurer des produits humanitaires dont l'achat était autorisé par Washington.

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Donald Trump n'a pas accepté d'accorder ce délai par bonté de cœur, mais après des négociations qui avaient duré six mois. C'est ce qu'a déclaré début novembre une source du ministère des Affaires étrangères de l'Inde.

La vengeance est un plat qui se mange froid

De par l'ampleur de son économie, l'Inde ne peut pas répondre symétriquement aux taxes américaines et entrer en confrontation ouverte avec Washington comme le fait la Chine (selon la Banque mondiale, le PIB de l'Inde s'élevait en 2017 à 2.600 milliards de dollars, et celui de la Chine à 12.200 milliards de dollars).

Mais face à l'agressivité de Washington, pour la première fois depuis longtemps, Pékin et New Delhi sont passés d'une confrontation économique aux mesures coordonnées contre la pression américaine — même si au fond l'Inde et la Chine sont des rivaux stratégiques en Asie-Pacifique.

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Pendant ce temps, New Delhi et Téhéran sont convenus de renoncer au dollar dans les achats de pétrole pour passer aux roupies à partir de janvier. C'est ce qu'a annoncé à l'agence Reuters le directeur exécutif de la banque publique indienne UCO Charan Singh.

Plus tôt, un accord similaire avait été conclu avec la Russie. Début novembre, le vice-premier ministre russe Iouri Borissov avait annoncé que l'Inde paierait les systèmes antimissiles russes S-400 en roubles. A terme, il est prévu d'élargir les échanges en monnaies nationales aux produits civils.

En pratique, cela signifie que l'Inde ne dépend plus de la monnaie américaine pour échanger les principaux produits de son commerce extérieur.

Le 21 décembre, les chefs de diplomatie de l'Inde et de la Chine Sushma Swaraj et Wang Yi se sont rencontrés à New Delhi. Les médias en ont peu parlé, mais ce n'est certainement pas une coïncidence si deux semaines plus tard l'Inde a annoncé de nouvelles taxes sur les pommes, les amandes, les noix, les lentilles et les pois chiches américains. Sachant que New Delhi a averti qu'à terme les restrictions pourraient s'étendre à plusieurs produits d'acier et de fer, l'acide borique, ainsi que les pièces pour les tuyaux et les motos.

L'automne dernier, Pékin avait également décrété des taxes de 25% sur des produits agricoles américains. Cela avait sérieusement affecté les fermiers fournissant du blé, du maïs, des produits laitiers et du porc à la Chine. Le plus touché a été le marché du soja, dont les exportations en Chine ont chuté de 98%, ce qui a provoqué une crise de surproduction (le soja représentait près de 60% de toutes les fournitures agricoles américaines en Chine).

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Il n'y avait tout simplement pas de place pour le stocker. Même quand le prix de location des entrepôts a grimpé de 40% par rapport à l'année précédente, ils se sont tous remplis de soja dont personne n'avait besoin. Il ne restait plus aux fermiers qu'à détruire les récoltes en les enterrant.

A présent, la même perspective peu réjouissante se profile à cause des taxes indiennes, alors même que les États agricoles constituaient l'appui électoral principal de Donald Trump lors de la présidentielle de 2016. En 2020, il ne pourra manifestement plus compter sur leur soutien.

Afin de remédier à la situation, la Maison-Blanche a mis en place un programme d'aide aux fermiers à hauteur de 15 milliards de dollars. Mais suite aux litiges avec le président au sujet de la construction du mur à la frontière mexicaine, les sénateurs ont refusé de valider le budget 2019 et à présent toutes les dépenses publiques sont gelées pour une durée indéterminée. Y compris le programme de soutien aux fermiers.

Il est évident que ce n'est pas par hasard que l'Inde et la Chine se sont rapprochées l'an dernier en organisant plusieurs réunions (hormis celle du 21 décembre à New Delhi) après de nombreuses années d'hostilité et de litiges territoriaux.

Désormais, les deux plus grandes puissances économiques de l'Asie-Pacifique, qui représentent près de 20% des importations et 12% des exportations des USA, affrontent Washington en tandem. Cette année, il ne sera donc certainement pas plus facile pour Donald Trump d'améliorer la balance du commerce extérieur.

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