Mahmoud Abbas: «Pour nous, peu importe désormais ce que font les États-Unis»

© AP Photo / Nasser ShiyoukhiMahmoud Abbas
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Dans un entretien accordé à Sputnik, le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas a évoqué l’éventualité de négociations directes avec le Premier ministre israélien en Russie, la politique des États-Unis au Proche-Orient, les démarches ultérieures de la Palestine en vue de sa reconnaissance internationale et ses relations avec l’État hébreu.

Sputnik: Monsieur Abbas, n'entendez-vous pas vous rendre à Moscou dans l'immédiat?

Mahmoud Abbas: Je suis en contact permanent avec Moscou, notamment avec le Président Poutine, pour consultations et échanges de vues sur des questions politiques relatives au processus de paix qui s'est arrêté et aux voies à emprunter pour le promouvoir, ainsi que pour des discussions sur le renforcement des relations bilatérales entre nos pays, sur des questions régionales et internationales d'intérêt commun. Chaque année, je reçois l'invitation à une rencontre avec le Président Poutine. Il est évident que la visite à Moscou cette année se tiendra au bon moment.

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Sputnik: Le ministère russe des Affaires étrangères a appelé en amont à un dialogue plein format entre les fractions palestiniennes au milieu du mois prochain. Êtes-vous prêt à participer à une telle rencontre?

Mahmoud Abbas: L'invitation des fractions palestiniennes a eu lieu après des consultations [de Moscou, ndlr] avec nous. Nous saluons ces efforts de la Russie en vue de réunir les fractions palestiniennes à Moscou. Nous avons chargé la délégation du Fatah et d'autres fractions, faisant partie de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), de s'y rendre [à Moscou, ndlr].

Pour le moment, nous sommes en train de former un gouvernement politique qui comprenne des fractions et des personnalités nationales palestiniennes. Nous préparons également des élections aux organes du pouvoir législatif. Nous espérons qu'elles se dérouleront sur toutes les parties du pays, notamment en Cisjordanie, à Jérusalem et à Gaza.

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Sputnik: Et si Poutine vous invitait à un sommet avec Netanyahou, accepteriez-vous une telle invitation?

Mahmoud Abbas: J'ai accepté à plusieurs reprises une rencontre tripartite à Moscou à l'invitation du Président Poutine. Nous faisons confiance au Président Poutine et nous sommes prêts à accepter son invitation à tout moment, mais, à chaque fois, le Premier ministre d'Israël Benyamin Netanyahou se soustrait à ces rencontres.

Sputnik: Comment évaluez-vous les relations entre la Palestine et la Russie?

Mahmoud Abbas: La Russie est un immense pays qui a du poids sur la scène internationale et joue un rôle dans le maintien de la sécurité et de la stabilité internationale, notamment dans la région du Proche-Orient. Nous tenons des consultations permanentes avec la direction russe.

À présent, nous constatons que les États-Unis ne peuvent pas tenir à eux seuls le rôle d'intermédiaire. Il est nécessaire de mettre en place un mécanisme international multilatéral qui comprenne les membres du Quartet international avec la Russie à sa tête, ainsi que l'Union européenne, des membres du Conseil de sécurité [des Nations unies, ndlr] et les pays arabes.

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Nous sommes liés à la Russie par des rapports historiques et nous ne cesserons de les approfondir et de les développer, notamment sur la scène internationale. Je tiens à profiter de cette occasion pour remercier le Président Poutine et le gouvernement russe du soutien politique dans les milieux internationaux, de la poursuite importante du travail de la commission intergouvernementale de nos deux pays, ainsi que de l'enseignement de milliers d'étudiants palestiniens en Russie et de la formation en Russie de spécialistes palestiniens dans différents domaines. Toutes ces actions de la Russie méritent la gratitude.

Sputnik: Quand la Palestine déposera la demande de participation à part entière à l'Onu, sera-t-elle satisfaite? Qu'en pensez-vous?

Mahmoud Abbas: C'est en 2011 que nous avons déposé la demande de participation à part entière [à l'Onu, ndlr]. Elle a été rejetée. Aussi, avons-nous demandé le statut d'État-observateur et il nous a été accordé en 2012, ce qui nous a permis d'adhérer à 115 organisations et agences internationales.

Nous n'abandonnerons pas nos tentatives de devenir membre à part entière [des Nations unies, ndlr]. Nous ne renoncerons pas à cette demande, car il s'agit de notre droit naturel.

D'autre part, nous nous appliquerons à ce que le nombre des reconnaissances de l'État de Palestine augmente et surtout par les pays européens. À ce jour, 139 pays ont reconnu l'État de Palestine.

Sputnik: Que pensez-vous de l'éventuel retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe? La Palestine pourrait-elle faire quelque chose pour cela?

Mahmoud Abbas: Somme toute, nous soutenons le retour de la Syrie dans la Ligue arabe et espérons que cet objectif sera atteint à l'issue de consultations entre les pays arabes. Nous sommes toujours intervenus et continuons d'intervenir pour l'unité et le bien-être des territoires syriens et la fin du conflit par le biais du dialogue.

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Sputnik: N'envisagez-vous pas de vous rendre en Syrie?

Mahmoud Abbas: Je n'entends pas me rendre en Syrie dans l'immédiat, mais je suis de très près tout ce qui s'y produit et ce, d'autant plus qu'un demi-million de réfugiés palestiniens s'y trouvent à présent. En commun avec l'État syrien et l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), nous reconstruisons le camp de Yarmouk pour que ceux qui en sont partis y reviennent au plus vite.

Sputnik: Qu'en est-il à présent des relations palestino-américaines?

Mahmoud Abbas: Nous avons rompu nos relations avec les États-Unis parce qu'ils ont reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël et y ont transféré leur ambassade. Ils ont décidé de retirer de l'ordre du jour la question de Jérusalem et des réfugiés. Par ailleurs, ils encouragent Israël à développer ses colonies de peuplement et utilisent d'autres représailles contre nous et l'UNRWA.

Après tout cela, l'administration américaine ne peut plus jouer à elle seule un rôle quelconque dans le processus de paix. Quoi qu'il en soit, nous avons laissé entrouverte une fenêtre pour dialogue avec le Congrès afin qu'il abroge les lois qui accusent de terrorisme l'OLP. Nous entretenons toujours des relations avec les services de sécurité américains pour combattre le terrorisme dans le monde.

Sputnik: Quelles sont vos conditions à l'adoption du «marché du siècle» et y a-t-il un plan contre celui-ci?

Mahmoud Abbas: Nous rejetons tout plan, que ce soit celui des États-Unis ou de n'importe qui d'autre, qui ne repose pas sur les résolutions internationales.

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Sputnik: Les pays arabes peuvent-ils agir sur la base du «marché du siècle»?

Mahmoud Abbas: Lors du sommet arabe de Téhéran en avril 2018, il a été décidé de rejeter le «marché du siècle». Nous confirmons que les pays arabes n'adopteront aucune décision que rejette la Palestine en ce qui concerne son problème et le sort de son peuple.

Sputnik: Quelles sont les perspectives de normalisation des relations d'Israël avec les pays arabes? Qu'en pensez-vous?

Mahmoud Abbas: Israël n'aura pas de paix ni de sécurité tant qu'il ne signera pas un accord équitable sur la base de résolutions juridiques internationales avec l'État de Palestine.

Somme toute, l'initiative de paix arabe a désigné la voie des relations naturelles entre Israël et les pays arabes. La normalisation des relations entre un État arabe quelconque et Israël ne sera possible qu'après la fin de l'occupation et l'octroi de la liberté et de l'indépendance au peuple palestinien.

Sputnik: Comment vous proposez-vous d'obtenir vos objectifs?

Mahmoud Abbas: Nous poursuivrons notre travail pour parvenir à la paix conformément aux normes du droit international. Nous ferons preuve de patience dans la recherche d'une voie pour notre liberté.

Sputnik: Y a-t-il des contacts entre Israël et la Palestine ou ont-ils été totalement rompus?

Mahmoud Abbas: Il en existe en matière de sécurité pour traiter des affaires quotidiennes, mais les contacts politiques sont aujourd'hui inexistants. Ils ont été rompus en raison d'actions agressives d'Israël, à cause de la poursuite de la colonisation, de l'adoption de lois racistes par l'État hébreu, de sa politique hautaine, d'arrestations et d'autres démarches qui violent les accords conclus, le droit international et les résolutions du Conseil de sécurité, notamment à Jérusalem. Ce qu'Israël fait à Jérusalem modifie le caractère et la nature de cette ville, viole ses lieux sacrés musulmans et chrétiens.

Sputnik: Qu'est-ce qu'il faut pour organiser des élections parlementaires et présidentielle plein format à Gaza et en Cisjordanie?

Mahmoud Abbas: Nous nous appliquons à former un nouveau gouvernement. […] Nous annoncerons la date des élections dès qu'il sera possible de les tenir aussi bien à Jérusalem qu'à Gaza et en Cisjordanie.

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Sputnik: Croyez-vous au sérieux des intentions du Hamas quant à la réconciliation? Qu'est-ce qui entrave ce processus?

Mahmoud Abbas: Le Hamas a bloqué toutes les tentatives égyptiennes et refusé d'appliquer l'accord de 2017. Il s'est aussi opposé au retour du gouvernement de réconciliation nationale à Gaza. Par ailleurs, le Hamas a revendiqué l'attentat de l'année dernière contre le Premier ministre et le chef du renseignement de la Palestine.

Cela se produit alors que nous ne cessons de tendre la main à Gaza. Depuis 11 ans, nous transférons à Gaza 100 millions de dollars chaque mois. Et nous réaffirmons que nous n'accepterons pas que Gaza se sépare de la Patrie. Gaza n'est pas un État, et il n'y a pas d'État sans Gaza.

Sputnik: Est-ce que la Palestine participera à la conférence de Varsovie?

Mahmoud Abbas: La Palestine ne participe pas à la conférence convoquée par les États-Unis. L'État de Palestine ne participera à aucune conférence qui ne repose pas sur des résolutions internationales.

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Sputnik: Quand les États-Unis présenteront-ils leur projet de règlement au Proche-Orient? Les Palestiniens sont-ils au courant de son contenu?

Mahmoud Abbas: Comme nous l'avons déjà déclaré, pour nous, peu importe désormais ce que font les États-Unis du moment que cela ne repose pas sur des résolutions internationales.

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