Fenspiride, un bourreau de cœurs, retiré de la vente en Russie

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Après le Mediator et le Protelos, un autre médicament des laboratoires Servier est susceptible de provoquer des troubles cardiaques. Un mois après la France, la Russie vient de retirer de la vente l'Erespal, qui contient le même «criminel pharmaceutique», le Fenspiride. Le docteur Patrick Barriot analyse la situation pour Sputnik France.

Dans le domaine de la protection de santé, les choses vont parfois vite (heureusement!) et, visiblement, s'accélèrent encore. Trois semaines après le retrait du marché français du médicament antitussif Pneumorel et la suspension de son autorisation de mise sur le marché par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en France, c'est au tour de la Russie. Le Service fédéral de surveillance de la santé de Russie (Roszdravnadzor) a décidé de retirer un autre médicament antitussif de la circulation, l'Erespal.

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En cause, la même substance active présente dans les deux formules commercialisées: le Fenspiride, qui est susceptible de provoquer des troubles du rythme cardiaque. Comme l'indique le document mis en ligne par les autorités sanitaires russes, la décision a été prise «en relation avec un "rapport bénéfice-risque" défavorable lié à l'utilisation de ce médicament»

Patrick Barriot, ancien médecin militaire et expert en toxicologie, rappelle que l'un des effets secondaires du Fenspiride consiste à «donner les allongements de l'espaces Q-T à l'électrocardiogramme, qui peut dégénérer en torsades de pointe pouvant évoluer vers une fibrillation ventriculaire qui peut aboutir à la mort». L'intervalle Q-T représente le temps total de l'activité électrique ventriculaire. La durée de cet intervalle varie avec la fréquence cardiaque et la préexistence d'un Q-T long est, lors de la prescription de certains médicaments (antiarythmiques, diurétiques), un facteur de risque de troubles graves du rythme cardiaque.

«Beaucoup de médicaments donnent le même effet: des neuroleptiques, des antihistaminiques, précise le docteur Barriot. Le problème de cet antitussif est que sur la balance bénéfice/risque, ce médicament se révèle inutile. Il a "un service minimal rendu" quasi inexistant.»

à l'inverse d'autres traitements qui ont montré une réelle efficacité, comme ceux contre le cancer, les effets secondaires sont ici inacceptables:

«Même si le risque est très faible, à la hauteur de 1/100. 000 des patients, on ne le prend pas, vu son inefficacité.»

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Les substances contenant du Fenspiride, sont «perfides», puisque difficiles à être désignés comme cause principale du trouble cardiaque. Du point de vue clinique, le diagnostic n'est pas évident. «Cela ne donne pas toujours un arrêt cardiaque, précise le toxicologiste. Cela peut donner des malaises avec perte de connaissance. Et si on ne fait pas de bon diagnostic, l'arrêt cardiaque peut survenir plusieurs mois plus tard.» Pour le docteur Barriot, le principe de précaution est justifié dans le cas de ces substances, bien qu»

«en France, le Fenspiride a eu son autorisation de mise sur le marché (AMM) en 1973. Nous sommes en 2019. Ça fait 46 ans que les gens en prennent. S'il y avait des troubles ventriculaires graves, on s'en serait rendu compte plus tôt.»

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Pour Patrick Barriot, le retrait a été décidé par la France non sur la base de renseignements cliniques, mais sur des observations des effets in vitro en laboratoire; il s'agit donc d'une attention particulière envers le laboratoire Servier qui commercialise le Fenspiride dans 32 pays.

«Mon sentiment est que Servier est dans le collimateur des autorités sanitaires après le scandale du Mediator qui a donné les troubles cardiaques mortels. En 2017, il a eu un autre médicament de chez Servier, le Protelos, peu efficace et remboursé par la sécu. De toute évidence, les autorités sanitaires ont demandé des compléments de tests sur l'allongement de l'intervalle Q-T du Fenspiride.»

Néanmoins, le consommateur peut être rassuré, avec le Fenspiride, il s'agit d'une potentielle cardiotoxicité réversible: le risque n'existe que quand il est dans le sang et disparaît dès que l'on arrête d'en prendre.

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