Cinquième mandat de Bouteflika, quand le populaire Cheikh Chamseddine s'en mêle

© AFP 2023 RYAD KRAMDI An Algerian reads a newspaper at a bus station next to a banner showing the Algerian flag with a portrait of President Abdelaziz Bouteflika, in the capital Algiers on February 11, 2019, as the country prepares for the upcoming presidential election scheduled for April 18.
An Algerian reads a newspaper at a bus station next to a banner showing the Algerian flag with a portrait of President Abdelaziz Bouteflika, in the capital Algiers on February 11, 2019, as the country prepares for the upcoming presidential election scheduled for April 18. - Sputnik Afrique
S'abonner
L'imam Chamseddine, une figure connue du paysage médiatique et religieux algérien, a appelé le Président Abdelaziz Bouteflika à quitter le pouvoir... à sa manière.

Il serait le pendant algérien de Nasreddin Hodja, un personnage mythique, absurde et ingénieux à la fois, du Moyen-âge musulman. De tous les imams d'Algérie, Chamseddine Bouroubi est certainement le plus téméraire.

Algerian businessman and political activist Rachid Nekkaz (C) argues with Algerians in front of the Geneva University Hospitals (HUG) buildings in Geneva on March 8, 2019 - Sputnik Afrique
L’opposant Nekkaz se rend à Genève pour voir si Bouteflika «va bien» et se fait arrêter
Son style saillant, serti de petites phrases piquantes, son humour caustique et souvent même son bon sens, sa relative modération enfin, font tout son succès… ou toutes les controverses qu'il inspire. Depuis le 8 mars, sa popularité a certainement engrangé quelques points supplémentaires dans les sondages, quand il a pris parti pour «le peuple», présumé majoritairement hostile à la cinquième candidature du Président Abdelaziz Bouteflika. C'était au cours de son émission quotidienne sur la chaîne privée Ennahar TV, où il a coutume de répondre aux questions de téléspectateurs anonymes.

Après les caméras cachées diffusées pendant le mois du ramadan, les poupées sexuelles ou les mariages blancs, c'est au tour du gouvernement, des généraux et de Bouteflika lui-même de subir les flèches bien senties du plus célèbre téléprédicateur d'Algérie. Cheikh Chamseddine prodiguera même un dernier «conseil» au téléspectateur Bouteflika, toujours hospitalisé à Genève: «Inaugurer la grande mosquée avec une petite prière et dire adieu à la Oumma. L'histoire se rappellera ça!»

«La patrie est plus grande que l'opposition. La patrie est plus grande que le Président Bouteflika. La patrie est plus grande que le gouvernement. La patrie est plus grande que les généraux. La patrie est plus grande que tout le monde! Il faut préserver l'Algérie. Il faut que chacun de là où il est préserve ce pays.»

Акция протеста студентов в Алжире против выдвижения президента Абделя Азиза Бутефлики на пятый срок - Sputnik Afrique
Face à la crise algérienne, «la stratégie de la France se résume à: pas d'ennuis»
L'imam Chamseddine s'est en outre employé à systématiquement démonter les arguments récurrents des officiels algériens. Devant l'ampleur de la contestation, ceux-ci ont souvent brandi «l'épouvantail» de la récupération ou de la manipulation étrangère, ou encore, le spectre de l'instabilité. Un argument censé parler à un peuple qui a connu, dans les années 90, les affres du terrorisme.

«Écoutez le peuple, il est maître dans son pays! Pourquoi gardez-vous vos oreilles bouchées? Pourquoi en faire un traître? Pourquoi parlez-vous de mains étrangères? Ce sont des gens civilisés, Dieu merci! Un peuple comme ça, il faut bien l'écouter quand il s'exprime!» s'est exclamé Cheikh Chamseddine.

Le coup de gueule de Cheikh Chemssou, comme il se fait appeler par ses nombreux fans des quartiers populaires d'Alger, a également pris pour cible la rhétorique de certains religieux algériens. Quoique ses fatwas soient parfois controversées, Cheikh Chamseddine professe un islam malékite, prenant le contre-pied des écoles rigoristes, et a fortiori, violentes. Dans cette intervention télévisée, il s'en est notamment pris aux madakhila, un courant religieux né au début des années 1990 dans les pays du Golfe, qui se revendique du salafisme, mais qui prêche, en toute circonstance, la soumission à l'autorité légitime.

«Certains ont dit que ces manifestations sont un cas de désobéissance caractérisée, certains ont même traité les manifestants d'hérétiques, de pécheurs! Cela n'a aucun sens! Alors, ces imams qui font les prêches dans les mosquées expliquent leur position par les instructions qu'ils reçoivent de la part des autorités. Certes, mais ces instructions appellent à la préservation de la paix, au maintien du calme. Dès lors, vous imams, n'en rajoutez pas!», a fustigé le prédicateur algérien.

Le ralliement de Cheikh Chamseddine a été salué par beaucoup d'internautes algériens, alors que les manifestations hostiles au pouvoir du Président Bouteflika entraient ce 8 mars dans leur troisième semaine. Son intervention télévisée témoigne, surtout, de la normalisation de la contestation du pouvoir. Vendredi 22 février, seule une minorité de médias se faisait déjà l'écho des grandes manifestations qui ont traversé le pays.


«Même les religieux sont opposés au cinquième mandat. Bouteflika, va te reposer!», lance cet internaute.


«Le Cheikh Chamseddine sort de son silence: Bouteflika, viens inaugurer la grande mosquée, fais-y une petite prière, et sors par la grande porte!»

 

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала