Le Pakistan pourrait appliquer la «théorie du fou»

© AP Photo / Abdul RazzaqA Pakistani soldier stands guard near the wreckage of an Indian plane shot down by the Pakistan military on Wednesday, in Hurran, near the Line of Control in Pakistani Kashmir, Thursday, Feb. 28, 2019.
A Pakistani soldier stands guard near the wreckage of an Indian plane shot down by the Pakistan military on Wednesday, in Hurran, near the Line of Control in Pakistani Kashmir, Thursday, Feb. 28, 2019. - Sputnik Afrique
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Alors que le conflit dans le Cachemire continue, les deux puissances rivales ont testé de nouveaux armements.

Le Pakistan a vérifié la précision des missiles tirés par ses chasseurs, et l'Inde a effectué des tirs de lance-roquettes multiples (LRM). Même si la libération du pilote indien dont l'avion avait été abattu par Islamabad a permis de réduire la tension, les deux pays gardent leurs arsenaux nucléaires en mode opérationnel. Les experts sont particulièrement inquiets de l'accumulation d'armes nucléaires tactiques par le Pakistan, appelées à empêcher l'invasion des forces terrestres indiennes supérieures à celles d'Islamabad, écrit Nezavissimaïa gazeta.

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Le Pakistan a installé des armes plus précises et de plus grande portée sur ses avions JF-17 produits conjointement avec la Chine, et a annoncé que leurs résultats étaient concluants. De son côté, l'Inde a terminé une série de tirs de LRM de sa propre fabrication.

Un mois a passé depuis l'attentat-kamikaze d'un membre de Jaish-e-Mohammed, groupe basé au Pakistan, qui a percuté un convoi militaire indien à bord d'une voiture piégée. Mais la tension ne retombe pas. Le gouvernement pakistanais n'a engagé que de timides démarches pour neutraliser les terroristes dans le pays. Mais ce n'est pas étonnant: les islamistes sont soutenus par le renseignement militaire.

En Inde, la campagne électorale a commencé. Les têtes brûlées parmi les partisans du parti au pouvoir Bharatiya Janata appellent à venger la mort des 40 soldats indiens morts dans l'attentat.

«L'atmosphère est telle qu'il ne faut pas sous-estimer la possibilité que le conflit dégénère en guerre nucléaire», affirment les experts américains en sécurité nucléaire Will Saton et Jeff Wilson. «Le monde a encore de la chance que l'Inde et le Pakistan se soient limités à des duels entre les pilotes de chasse et l'artillerie. Cela pourrait être pire», écrivent-ils dans le quotidien South China Morning Post.

L'Inde et le Pakistan disposent des arsenaux nucléaires qui connaissent la plus forte croissance dans le monde avec près de 140 unités pour l'Inde contre environ 150 pour le Pakistan. Mais la principale préoccupation est liée au fait que le Pakistan accumule des réserves d'armes nucléaires tactiques de puissance relativement basse. Ces armes ne sont pas simplement destinées à riposter à une frappe nucléaire indienne mais également à empêcher l'invasion des forces conventionnelles indiennes sur le territoire pakistanais.

Cette stratégie repose sur la supposition erronée selon laquelle l'utilisation de l'arme nucléaire tactique à l'étape initiale forcerait l'ennemi à stopper l'offensive et mettrait un terme à une confrontation sans perspectives. Cependant, les leçons de l'histoire montrent le contraire.

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Pendant la guerre froide, les États-Unis avaient accumulé des milliers d'unités d'armes nucléaires tactiques en Europe. Des ogives nucléaires étaient installées dans les mines et les têtes des obus d'artillerie. Elles étaient censées contrebalancer la suprématie des forces conventionnelles soviétiques. Le plan était simple. Si une armada de chars soviétiques franchissait les barrières dressées par les alliés occidentaux, les USA les stopperaient à l'aide de moyens certes petits, mais ayant une immense puissance.

Cette stratégie a été surnommée «théorie du fou». En 1983, les États-Unis ont organisé dans son cadre un jeu de guerre sous le nom de code «Fier prophète» (Proud Prophet). Selon le scénario, l'URSS devait s'arrêter après les frappes nucléaires. Mais au lieu de cela, ils ont renforcé l'attaque.

«L'équipe soviétique a perçu les frappes nucléaires comme une attaque contre son pays et a riposté par une puissante attaque nucléaire contre les USA», déclare le conseiller du Pentagone Paul Bracken. La leçon de ce jeu de guerre peut s'appliquer à la situation actuelle en Asie du Sud.

Peter Layton, officier à la retraite de l'armée de l'air australienne et actuel collaborateur de l'Institut de l'Asie, a déclaré à CNN que le Pakistan avait octroyé le pouvoir d'utiliser l'arme nucléaire tactique du Centre aux commandants d'unité. Cela accroît le risque car «des commandants belliqueux pourraient penser qu'il faut utiliser ce moyen de dissuasion».

«Aucun des camps ne souhaite la guerre, ils comprennent que cela tournerait à une catastrophe pour eux. Mais ils sont impliqués dans un conflit qui perdure depuis des décennies. De plus, des organisations terroristes, qui provoquent intentionnellement le conflit, agissent au Pakistan de manière plus ou moins autonome. Et étant donné que ces organisations disposent de camps, de bases de ravitaillement, il faut croire qu'il existe au sein des institutions pakistanaises des forces qui soutiennent ces terroristes», note l'académicien Alexeï Arbatov.

Alexeï Arbatov n'exclut pas qu'un nouvel attentat aux conséquences destructrices puisse entraîner des activités militaires d'envergure, ce qui conduirait rapidement à l'usage de l'arme nucléaire. D'autant que le Pakistan est attaché au concept d'usage de l'arme nucléaire en premier et dispose d'armements nucléaires tactiques déployés, notamment dans les zones de conflit.

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En ce qui concerne les communiqués informant que le Pakistan a délégué les pouvoirs d'utiliser l'arme nucléaire tactique aux commandants d'unité, l'expert analyse:

«De telles choses sont tenues au secret. Je ne pense pas que le commandant d'un maillon tactique puisse lui-même prendre une telle décision. Ils doivent le convenir avec le commandement, qui, à son tour, doit s'entretenir avec le gouvernement. Il est plutôt question du fait qu'il n'existe pas de dispositifs techniques nécessitant l'autorisation du commandement suprême pour l'usage de tels moyens. Les technologies ne sont apparemment pas suffisamment sophistiquées. Le niveau opérationnel ne permet pas d'utiliser de tels dispositifs. Selon la procédure, les commandants sur le terrain ne peuvent pas prendre de telles décisions. Mais en condition de guerre, qui plus est en disposant de systèmes de courte portée se retrouvant dans la zone des opérations, les commandants pourraient être éliminés avec ces dispositifs. Et s'ils avaient la capacité technique de les utiliser, les commandants pourraient déclencher une guerre nucléaire.»

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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