To deal or not to deal... Telle est la question

© REUTERS / Henry NichollsПротивник Brexit рядом со его сторонниками на акции в Лондоне
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Alors que la Première ministre Theresa May essaye encore de retarder la date du Brexit auprès de l'Union européenne pour gagner du temps et faire accepter au parlement britannique un accord de sortie, le départ de Londres sans accord avec Bruxelles est de plus en plus probable. Mais y aura-t-il vraiment des grands perdants à un Brexit sans accord?

Il ne faut pas le cacher, la situation est aujourd'hui très tendue entre les pays de l'Union européenne et le Royaume-Uni. La possibilité d'une sortie du Royaume-Uni de l'UE sans accord, ce que l'on appelle le «no deal», est désormais une véritable probabilité, même si l'on ne peut exclure un accord de dernière minute. La tentative de Mme May de rallier à sa cause, et à un accord, le chef de l'opposition travailliste, Jeremy Corbyn [1], est un exemple de ces manœuvres de dernière minute. Mais, la possibilité d'un échec, et d'une sortie sans accord, n'en existe pas moins.

Où en est-on?

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Il y a plusieurs raisons à cela. D'abord le fait que certains, au sein de l'Union européenne semblent vouloir refuser à Theresa May une nouvelle négociation. Il y a une véritable volonté de la part de certains dirigeants européens, qui n'ont toujours pas digéré le référendum de juin 2016, à vouloir «punir» les Britanniques. Que cette volonté soit irrationnelle, qu'elle soit en réalité contraire aux intérêts des différents pays membres de l'Union européenne n'y change rien. Ensuite, parce que la position politique de Theresa May est elle-même considérablement affaiblie. Rappelons qu'elle était, dans le gouvernement de David Cameron, une adversaire — certes modérée — du Brexit. Elle a décidé d'assumer le vote souverain du peuple britannique, ce qui est à son honneur. Mais elle semble en définitive plus préoccupée par l'unité du Parti conservateur, un parti profondément fracturé entre «brexiters» et «anti-brexiters» que du Brexit lui-même. Enfin, parce qu'au Royaume-Uni, la volonté d'une sortie sèche, sans accord, est en train de monter [2]. Et il est intéressant de constater que les opinions en faveur d'un Brexit sans accord sont émises tant par des gens votant pour les conservateurs que pour les travaillistes.

L'importance du Royaume-Uni pour l'UE

Le Brexit secoue profondément l'Union européenne, et il y a de bonnes raisons à cela. Tout d'abord, il créé un précédent. La question que l'on se pose et donc de savoir qui pourrait imiter le Royaume-Uni. Mais, ce n'est pas la seule raison, même si c'est une raison qui terrifie un certain nombre de politiciens que l'on qualifiera d'européistes.

Il convient de savoir que la situation du Royaume-Uni a beaucoup évolué. Il y a 20 ans, le Royaume-Uni n'était que la quatrième économie de l'UE, derrière l'Allemagne naturellement, mais aussi la France et l'Italie. Mais, aujourd'hui, il est n°2, étant repassé devant la France et l'Italie. C'est donc une économie qui pèse lourd et qui compte. N'oublions pas, de plus, que Londres est la place financière centrale de l'UE.

Par ailleurs, le Royaume-Uni, et ce en dépit de l'accord obtenu par Margaret Thatcher, est aujourd'hui le deuxième contributeur net au budget de l'UE avec 4,2 milliards d'euros, derrière l'Allemagne (8,6 milliards) mais devant la France (3,2 milliards) [3]. Autrement dit, le Royaume-Uni est, ou plus précisément était, un vrai poids lourd au sein de l'UE, et ce sans compter le secteur financier.

Les gagnants et les perdants

Alors, certains agitent le risque, fort hypothétique, d'une interruption totale des échanges à la suite du Brexit. Là, il convient de le dire, on joue à se faire peur. En fait, les grands pays de l'UE, l'Allemagne et dans une moindre mesure la France, réalisent une partie non négligeable de leur commerce avec le Royaume-Uni. En cas de sortie de ce dernier sans accord, ils auraient beaucoup à perdre à une guerre commerciale.

C'est en particulier vrai pour l'Allemagne dont l'économie connaît, au premier trimestre, un fléchissement important de l'activité. Il faut ici regarder les chiffres, et ils sont éloquents.

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Le Royaume-Uni a eu en 2017 un déficit de 55 milliards de livres sterling avec l'Allemagne, soit approximativement 60 milliards d'euros. C'est une somme considérable. Elle représente plus de 2% du PIB de l'Allemagne, et 21% de l'excédent commercial total de ce pays. Les enjeux sont donc trop gros pour que l'Allemagne accepte le principe d'une guerre commerciale entre le Royaume-Uni et l'UE.

Pour la France, la situation semble plus équilibrée, même si depuis 1999, la balance commerciale a été très souvent à l'avantage de l'Hexagone. Il est cependant clair que la France aurait beaucoup à perdre à une rupture des relations commerciales avec le Royaume-Uni. Cela pénaliserait de nombreuses branches industrielles, comme l'automobile, mais aussi l'aéronautique et pourrait avoir des conséquences très fâcheuses pour une grande part des entreprises de la «fintech».

C'est d'ailleurs ce qui rend la position intransigeante d'Emmanuel Macron assez incompréhensible, car nous aurions beaucoup à pâtir d'une guerre commerciale avec le Royaume-Uni. Rappelons, enfin, que si plusieurs centaines de milliers de Britanniques résident sur le territoire français, pour l'essentiel des retraités, des centaines de milliers de Français actifs travaillent en Grande-Bretagne. Ici encore, la France n'a pas intérêt à ce que les choses se passent mal.

Les raisons de la confiance

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On peut donc considérer qu'à la fin des fins, la raison l'emportera. Elle l'emportera face à ceux qui, contre les évidences, et contre la démocratie, voudraient faire annuler le Brexit. Elle l'emportera face aux oiseaux de mauvais augure qui annoncent une catastrophe imminente. Ou l'on trouvera un accord transitoire qui permettra au commerce de continuer, ou bien on négociera un tel accord au lendemain du «no deal». Et, comme nous sommes demandeur, cet accord va aussi concerner le secteur financier. Les banques britanniques continueront dans les faits de bénéficier de ce que l'on nomme dans le jargon financier le «passporting». Car, dans la finance aussi, l'UE a besoin de la place de Londres. Ni Francfort, ni Paris ne sont aujourd'hui en mesure de remplacer la City. Les banques allemandes, françaises et italiennes seraient les grandes perdantes si elles ne pouvaient plus avoir accès aux services financiers de la City.

La confiance qu'a exprimée Theresa May dans le futur de l'économie britannique, et ce même dans l'hypothèse d'un «no deal» [4], montre bien en l'état quels sont les rapports de forces réels entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

[1] https://www.lemonde.fr/international/article/2019/04/02/theresa-may-demande-aux-europeens-un-nouveau-report-du-brexit_5444856_3210.html

[2] https://brexitcentral.com/brexiteers-nothing-fear-fear-right-now/

[3] https://www.touteleurope.eu/actualite/budget-europeen-pays-contributeurs-et-pays-beneficiaires.html

[4] https://www.lemonde.fr/international/article/2019/04/02/theresa-may-demande-aux-europeens-un-nouveau-report-du-brexit_5444856_3210.html

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