Restauration de Notre-Dame: «Cinq ans, ça paraît très court, mais, pourquoi pas?»

© Sputnik . Oxana BobrovitchSur le parvis de Notre-Dame de Paris, en janvier 2018
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Après le terrible incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le temps est venu de collecter les fonds et d'envisager toutes les pistes pour sa restauration. Bruno Lestrat, conseiller en conservation du patrimoine historique et chef d'un chantier de restauration d'un château du XIIe siècle, partage son expertise avec Sputnik.

Le choc de la vision des flammes léchant les vieilles pierres de la cathédrale Notre-Dame de Paris est passé, les premières déclarations politiques ont fait le tour des petits écrans, les polémiques de toutes sortes commencent à enfler… il est temps d'examiner la marche à suivre pour que ce joyau de l'architecture gothique renaisse de ses cendres.

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Bruno Lestrat guide Sputnik dans ce chemin de croix. Il est président de l'Association de sauvegarde de l'Aine méridionale (ASPAM) et conseiller en conservation du patrimoine historique. Il dirige le chantier de restauration du château de Berzy-le-Sec, un ouvrage du XIIe siècle. Il explique qu'après le sinistre, la première étape est d'effectuer un inventaire total des dégâts que l'incendie a causés, afin de connaître l'état exact du monument. il s'agit d'un travail considérable et minutieux: «Inévitablement, il va falloir dresser l'état sanitaire du monument pour connaître l'importance du désordre causé par l'incendie.»

«À partir de l'état sanitaire, on a la liste des travaux à mener, explique à Sputnik Bruno Lestrat. Parmi les vitraux et le mobilier abîmés, on va essayer de récupérer le maximum de pièces pour essayer de les restaurer.»

Très rapidement, la directrice générale de l'Unesco, Audrey Azoulay, a assuré à l'AFP que l'organisation internationale était «aux côtés de la France» et a proposé également d'«organiser la solidarité internationale.»

«Les travaux peuvent être dirigés par une commission, confirme Bruno Lestrat. Il est indispensable qu'elle soit entourée de spécialistes des différents corps de métiers. Avant tout, on va rechercher les compétences. Une chose est sûre: sur-le-champ de compétences nécessaires a la restauration d'un tel monument, on a tout ce qu'il faut en France.»

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On se souvient de la légende urbaine qui raconte l'histoire de la restauration de la charpente de Westminster Hall. Elle affirme que vers 1913, cinq cents ans après sa construction, le toit, une incroyable structure d'ingénierie érigée sous Richard II à la fin du XIVe siècle, était sérieusement fragilisé par des insectes foreurs. Heureusement, affirme la légende, le propriétaire des bois de chêne utilisés à l'époque du chantier avait planté il y a 500 ans des arbres afin qu'ils puissent être utilisés pour une future restauration.
Si la réalité diffère bien sûr de cette légende urbaine, elle illustre néanmoins la difficulté de disposer de pièces exceptionnelles nécessaires à la reconstruction de la charpente de Notre-Dame. Celle que l'on appelait «la forêt» était longue de 100 mètres, large de 13 et haute de 10. elle était l'une des plus anciennes charpentes de France. Les arbres nécessaires à sa résurrection sont des chênes de 150 à 200 ans et d'un diamètre de 2 mètres à 2,50 mètres.

«On peut trouver des chênes avec ces caractéristiques en France, mais ils ne seront pas tous dans la même forêt. Là réside toute la difficulté», détaille Bruno Lestrat.

Consciente de cette difficulté, la fondation Fransylva, qui assure la promotion des forêts privées de France, a appelé les 3,5 millions de propriétaires forestiers de France à faire don d'un chêne. Mais, effectivement, d'après Bruno Lestrat, «une recherche de compétences fine va se mettre en place, tout le monde n'est pas capable de refaire le caressage de grumes si on repart sur une charpente en chêne.» Difficulté supplémentaire, Emmanuel Macron souhaite «que Notre-Dame de Paris soit reconstruite "plus belle encore" d'"ici cinq années".»

«Il y a plus de chances de tenir les délais si on part sur une charpente métallique ou en béton, que si on partait sur une charpente en bois. On ne peut pas déterminer précisément pour l'instant la durée des travaux. Tout dépend de l'étendue des dégâts et des choix qui seront opérés.»

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Plusieurs bâtiments historiques ont été restaurés avec des «matériaux modernes». L'exemple le plus connu est sans doute la réparation de la charpente de la cathédrale de Reims en béton armé. Détruite par un incendie —le deuxième de son histoire- et par les bombardements entre 1914 et 1918, elle a été relevée grâce aux fonds John Davison Rockefeller, magnat du pétrole. Quand la cathédrale de Chartres a brûlé, en 1836, sa charpente a été refaite en métal. Pour Bruno Lestrat, un calcul scientifique «ne nuit pas à l'ensemble et permet un mariage fluide entre la vieille bâtisse et la structure en béton.» L'emploi de matériaux modernes est-il pourtant la seule solution pour tenir les délais fixés par le Président de la République?

«Cinq ans, ça paraît très court, mais, pourquoi pas, tout dépend de comment ça va être traité. Pour la charpente en bois, avec une coordination des charpentiers assez large, si l'ensemble des travaux est bien tronçonné et chacun réalise bien son travail, ça peut se faire.»

Les amoureux du patrimoine s'inquiètent par ailleurs: une restauration rapide et efficace de Notre-Dame n'aboutirait-elle pas à «déshabiller Paul pour habiller Jean»? Sachant que les dons affluent massivement, les financements extérieurs devraient suffire à assurer les travaux sans puiser dans les crédits alloués à d'autres chantiers, estiment les plus optimistes.

«Mais si on n'a pas assez d'argent, cela va être prélevé sur des projets en cours ou qui devaient se mettre en place, rectifie Bruno Lestrat. Et cela ne concerne pas seulement les moyens financiers, mais également techniques et humains.»

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À Berzy-le-Sec, le chantier de restauration d'un château du XIIe au XIVe siècle dure depuis 20 ans. Et il serait encore ralenti si des centaines de volontaires de l'association REMPART ne mettaient pas la main à la pâte. Serait-ce possible, à côté de la souscription nationale, de permettre à des volontaires de participer directement aux travaux?

«À notre échelle, c'est réalisable. La preuve, on le fait depuis vingt ans, explique Bruno Lestrat, qui nuance aussitôt. Est-ce que l'État français aura la volonté de mettre en place un tel dispositif sur un chantier à grosse responsabilité comme Notre-Dame? Il faut encadrer, gérer, assurer la maîtrise d'œuvre…»

En attendant une éventuelle décision sur la participation de volontaires, quatre organismes —la Fondation Notre-Dame, la Fondation du Patrimoine, la Fondation de France et le Centre des musées nationaux- sont chargés de collecter les dons pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris directement ou via un site Internet lancé par le gouvernement.

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