Trianon startups, qui sont ces pépites russes à l'assaut des grands groupes français?

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Intelligence artificielle, formation, énergie... Jeunes pousses russes aux profils variés et grandes entreprises françaises ont joué le jeu de la séduction mutuelle dans le cadre prestigieux du château de Versailles. Retour en détails sur les participants au forum «Trianon startups», des pépites russes en quête de partenariats tricolores.

«Il y a beaucoup de talents, il y a beaucoup de personnes très intelligentes, elles ont besoin d'un soutien intelligent en termes de commercialisation et de gestion de leurs idées», détaille pour Sputnik Dmitry Korobkov, fondateur et président d'ADV, groupe publicitaire leader en Russie et partenaire de Havas.

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Membre du conseil de coordination du Dialogue de Trianon, il est également l'un des principaux organisateurs et sponsors du forum «Trianon startups», qui a réuni le 15 avril dernier, sous les ors de Versailles, une trentaine de startups russes et une quinzaine de grands groupes français.

Une initiative «très prometteuse», saluait le diplomate et coprésident du Dialogue de Trianon, Pierre Morel dans son discours introductif, espérant que de telles rencontres permettront d'«identifier des possibilités de collaborations concrètes». 1.200 entrevues professionnelles franco-russes, qui n'auraient pu avoir lieu sans la rencontre de trois personnalités:

«Le Trianon Startups est vraiment né de la rencontre entre Catherine Pégard, monsieur Korobkhov et moi-même au Dialogue. C'est-à-dire qu'avant, on ne se connaissait ni d'Ève ni d'Adam», confirme à notre micro l'entrepreneuse Euryale Chatelard, coorganisatrice du forum Trianon Startups.

Ainsi, reprenant le modèle des speed datings organisés en Russie et en Chine par le Forum Travailler Ensemble (FTE), seize grandes entreprises françaises ont rencontré, sous les lambris du château de Versailles, trente «jeunes pousses» russes. «Nous sommes tombés d'accord —entre Russes et Français- que nous allions défendre nos deux langues», a rappelé Pierre Morel devant les participants. Une belle occasion pour de jeunes entreprises russes de vendre leurs projets et services à de grands noms de l'économie tricolore. D'ici la fin de l'année, ce sera au tour de pépites françaises d'aller à la rencontre de grandes entreprises russes à Moscou.

«Il y a beaucoup de startups françaises qui aimeraient mettre un premier pied en Russie. Avoir un premier grand nom qui nous suit est la meilleure manière de s'installer dans un pays», souligne Euryale Chatelard. «Généralement, quand une entreprise décide de venir s'installer dans un pays, ils mettent six mois au minimum à signer un premier contrat, même pas avec de grands groupes. Si on peut réduire ce temps, ce qui est le but de ces événements, c'est gagné», ajoute-t-elle.

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Un événement dont l'organisation ne fut pas une mince affaire. En effet, convaincre les poids lourds de l'économie française et sélectionner un panel de pépites en mesure de satisfaire leurs attentes n'a pas été une mince affaire, d'autant plus que le planning a été particulièrement serré. «On n'a pas eu de problèmes organisationnels, c'est juste qu'on a eu très peu de temps entre fin janvier et le 15 avril pour tout organiser», relate Euryale Chatelard, qui revient sur les principaux défis posés par la tenue du Trianon startups. «De début février au 15 mars, il fallait déjà qu'on ait tous les participants», insiste-t-elle. Un délai qui, au-delà du processus de sélection des startups russes, réduit de «plus d'une cinquantaine» à trente, inclut l'invitation des grandes entreprises françaises.

«Il fallait construire un programme, convaincre les Russes de venir ici, il fallait convaincre les Français de savoir les accueillir et je pense que déjà c'est un succès», saluait d'ailleurs à notre micro Catherine Pégard, présidente du Château de Versailles, ravie qu'un tel événement mettant en avant l'innovation ait lieu dans un lieu aussi symbolique.

«Parmi les 30 startups qui sont présentes aujourd'hui, tous les grands groupes nous ont donné la liste de celles qu'ils voulaient rencontrer et ils ont même été étonnés de la qualité de la sélection», relate Euryale Chatelard.

Plus qu'une volonté d'unir innovation et patrimoine, avec des rencontres professionnelles au format speed dating dans l'enceinte d'une ancienne résidence royale, ce forum «Trianon startups» donne une forme concrète à l'initiative lancée par Emmanuel Macron au printemps 2017. Un forum qui, tant par sa forme que son fond, a visiblement mit tout le monde d'accord.

«La matinée était extrêmement productive parce qu'on a pu rencontrer un certain nombre de startups de très bonne qualité. On a vu énormément de choses, dans beaucoup de domaines différents», se félicite auprès de Sputnik un cadre d'Air Liquide.

«Air Liquide en Russie, c'est environs 600 personnes présentent sur 15 sites. Une présence depuis 1989», souligne le représentant du groupe industriel français, soit «une empreinte sur le territoire russe et l'économie russe suffisamment importante pour qu'on s'intéresse à l'innovation dans ce pays-là», ajoute-t-il. Une recherche de partenariats, tant scientifiques que commerciaux, «en Russie ou ailleurs», précise-t-il avant de conclure,

«Ravis de voir que les échanges et les partenariats entre l'Europe et la Russie sont constamment en amélioration. C'est vraiment extrêmement important pour nous. On est convaincu du socle scientifique extrêmement fort de la Russie et donc on est extrêmement optimistes sur le fait qu'on trouvera en Russie des choses qu'on ne trouvera pas ailleurs.»

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«C'est très intéressant pour nous», confie à Sputnik un représentant de Lacoste. «C'est un très bon format, parce que souvent un quart d'heure, vingt minutes, cela nous permet de voir pas mal de startups, d'avoir une idée de l'écosystème, des solutions», ajoute-t-il. «C'est très ouvert, je n'arrive pas avec une liste de courses, c'est justement ça qui est intéressant.»

Même son de cloche du côté de Bouygues Construction, dont l'objectif est de «capter de la valeur», tant pour les projets du groupe en France qu'à l'international. «L'interaction est hyper-riche», se félicite également une responsable de Pernaud Ricard, entreprise qui, avec Total, figure parmi les sponsors de l'événement. «L'accélération est vraiment incroyable à Moscou. Cette énergie-là, ce serait bien de savoir comment la canaliser en tant que grande entreprise», ajoute-t-elle.

«Ce sont des opportunités qui se créent», insiste le cadre de Lacoste, relatant les rendez-vous plus approfondis qui pourraient découler de cette journée. «En général, à l'issue de ces journées-là, on crée un contact et on va peut-être avoir une, deux, trois pistes que l'on va suivre,» explique-t-il à Sputnik avant de filer en rendez-vous.

Une satisfaction également unanimement partagée du côté des startuppeurs russes, venus à Versailles pour l'occasion. «Ce sont des rencontres très productives», nous relate Anastasia, venue représenter Pravoved, une jeune entreprise russe évoluant dans le conseil juridique en ligne. «C'est comme un rêve pour moi, je n'ai jamais été à l'intérieur de Versailles. C'est un réel plaisir d'être ici», nous confie-t-elle. Comme pour les grands groupes, l'objectif premier de la journée est pour elle de «premièrement, créer de bons contacts».

Même satisfaction pour Daria, qui l'accompagne dans le dédale de couloirs du château. Elle travaille pour Skyeng, une startup spécialisée dans l'enseignement de l'anglais à destination des entreprises. «Tout le monde a besoin de l'anglais», explique cette jeune entrepreneuse, dont la société compte déjà une clientèle de 70.000 particuliers et 2.700 entreprises.

«Nous visons différents marchés à travers le monde, en premier lieu la Chine […] Bien sûr, nous nous intéressons aux entreprises françaises», relate Daria. «Nos solutions s'adressent à tout le monde […] à toutes les entreprises qui souhaitent vendre leurs produits dans le monde entier», abonde de son côté Anastasia.

«Nous travaillons avec différentes entreprises, tous secteurs confondus», nous relate Elena, vice-présidente du développement international de Just AI, elle aussi emballée par le forum, «c'est parfait! c'est très intéressant d'être là» lâche-t-elle à notre micro. Société spécialisée dans les technologies d'intelligence artificielle (AI) conversationnelles, permettant un dialogue entre un homme et une machine, Just AI est notamment à l'origine de Yandex Alisa, l'assistant personnel du moteur de recherche russe.

«Nous avons une croissance de 300% d'une année sur l'autre… je pense que nous nous en sortons très bien», se félicite-t-elle. Sa jeune entreprise compte déjà 80 collaborateurs, dont 60 ingénieurs, répartis entre la Russie, le Royaume-Uni, la Chine et Chypre. Comme les autres entrepreneurs ayant fait le déplacement depuis la Russie, elle espère que les solutions portées par son entreprise séduiront les grands groupes français. À l'heure où nous l'avons interviewée, sa collègue Yulia et elle-même avaient déjà fait le tour de quasiment toutes les grandes entreprises.

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Une stratégie qui n'est pas celle de toutes les jeunes pousses russes. Shahin, directeur de PetroBoost, une petite startup spécialisée dans les technologies de traitement des hydrocarbures non conventionnels, nous confie s'être quant à lui principalement concentré sur Total. Évoluer dans le secteur de la chimie n'est pas pour autant un facteur limitant, BMG (BioMicroGel) Intepco Limited, qui propose des solutions pour contrer les effets des nappes de pétroles sans recourir à leur dispersion en haute mer n'a pas hésité à démarcher d'autres groupes, qui pourraient avoir un tout autre usage de leurs technologies. «Nous voulons croître à l'international, où que ce soit», nous résume Vladislav Perunov, directeur du développement commercial de BMG Intepco Limited.

Quoi qu'il en soit, pour les grosses entreprises comme pour les startups, l'objectif du jour est d'établir un premier contact. «Nous nous attendons à ce que certaines de nos réunions se transforment en partenariats commerciaux», déclare à Sputnik Artem, fondateur de HintEd, une société de coaching et soutien informatique à destination des professionnels. Travaillant déjà avec un grand groupe bancaire français en Russie, celui-ci se demande pourquoi il ne se lancerait pas à l'assaut du marché français.

Une situation qui n'est pas pour déplaire aux représentants de la fondation Skolkovo, à la tête du centre d'innovation éponyme et d'où 90% des startups russes présentent ce jour-là, sont issues. «Notre rôle était de réunir les startups pertinentes pour cet événement», précise son président, Maxime Romanov. «Nous les aidons à s'étendre à l'international […] pour trouver des partenaires pertinents. C'est pourquoi nous nous félicitons de cette initiative», ajoute-t-il. Le Président de Skolkovo espère ainsi que sa fondation sera d'une manière ou d'une autre associée à la tenue de l'événement retour, à Moscou: «c'est très important pour nous et pour nos startups d'établir des connexions aujourd'hui pour travailler à leur futur développement.»

«Skolkovo est le principal centre d'innovation en Russie. C'est en fait une ville dédiée à l'innovation qui s'étend sur 400 hectares, qui loge 2.000 startups et qui accueille sur 95.000 m² le plus grand parc technologique d'Europe de l'Est», détaille Maxime Romanov, président de Skolkovo au micro de Sputnik.

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Reste à savoir ce qu'il en est de la pérennisation de ce format de rencontres. «C'est une énergie pour l'organisation qui est assez intense», confie à Sputnik Euryale Chatelard, qui concède qu'elle a «quand même deux entreprises à gérer en Russie.» Toutefois, l'entrepreneuse française ne ferme pas la porte à cette éventualité «si j'arrive à trouver quelqu'un pour prendre le relais, volontiers, pour que cela ait lieu régulièrement.»

Rappelons que le Dialogue de Trianon est une initiative française visant à «rapprocher» les sociétés civiles française et russe. Un format de coopération qui fut présenté par Emmanuel Macron à l'occasion de la visite de Vladimir Poutine dans l'ancienne capitale royale le 29 mai 2017. Aujourd'hui, notamment via ce forum, les acteurs de ce dialogue aspirent à concrétiser davantage leurs ambitions:

«À l'évidence, nous avons des entreprises brillantes et en France nous avons des multinationales extraordinaires qui réussissent très bien, mais vous constaterez que les entreprises américaines et chinoises dominent vraiment l'agenda technologique», nous confie Dmitry Korobkov.

Il tient à rappeler les rapports historiques entre la France et la Russie et la bonne réputation des écoles russes en matière d'enseignement des mathématiques. Pour lui, il est dans l'intérêt des Français et des Russes de collaborer.

«Tout le monde est fasciné par ce que font les États-Unis et la Chine, mais nous pouvons faire aussi beaucoup de choses», ambitionne Pierre Morel.

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