Mobilisation politique ou pas, les touristes algériens continuent à se ruer sur la Tunisie

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Le tourisme algérien poursuit sa progression immuable en Tunisie et ce en dépit de la forte agitation pacifique que connaît le pays depuis le 22 février. Une aubaine pour un secteur qui table sur 9 millions d’entrées en 2019 et dont un bon tiers sera vraisemblablement algérien.

Les rues d’Algérie ne désemplissent pas depuis le 22 février… et le tourisme algérien en Tunisie non plus. Paradoxalement, sur les trois premiers mois de l’année 2019, les touristes algériens ont continué d’affluer de manière constante en Tunisie, enregistrant une croissance de +10,7% par rapport à la même période en 2018. Près d’un demi-million d’Algériens (495.635 entrées) se sont ainsi rendus en Tunisie de janvier à mars 2019, d’après les chiffres communiqués à Sputnik par le ministère tunisien du Tourisme.

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Une évolution restée stable, malgré le déclenchement des mouvements de protestation inédits contre le pouvoir du désormais ex-Président Abdelaziz Bouteflika que connaît l’Algérie depuis le 22 février. Par exemple, sur la période allant du 21 au 31 mars, le nombre d’Algériens à s’être rendus en Tunisie a continué d’augmenter à un rythme constant, pour atteindre +9,6% (soit 96.066 d’entrées), par rapport à la même période en 2018.

Sur les trois premiers mois de l’année, les Algériens conservent ainsi la première marche du podium en nombre d’entrées, talonnés par les Libyens (473.371), mais loin devant les Français (127.053) ou les Anglais qui n’arrivent qu’en quatrième position avec 26.299 entrées.

«Il n’y a pas de changement affectant la trajectoire du tourisme en provenance de l’Algérie, jusqu’à présent. Il y a une augmentation, qui sera vraisemblablement conservée. Cela confirme que le marché algérien maintient sa place comme une valeur sûre dans le tourisme tunisien. Le fait que les événements que connaît ce pays aient été pacifiques y a certainement contribué», se félicite Moez Kacem, expert international en tourisme et directeur du magazine en ligne spécialisé TourismView, dans une déclaration à Sputnik.

En 2018, les Algériens s’étaient déjà imposés comme premier marché émetteur, avec plus 2,7 millions d’entrées, soit une progression de +9,2% par rapport à 2017. La tendance est perceptible depuis 2011, à mesure que les Algériens venaient à la rescousse d’un tourisme tunisien boudé par les Européens et dont les voyagistes se sont vus imposer des restrictions de voyage par leurs gouvernements. Imperturbables, le seuil d’appréhension est différent pour les Algériens, cuirassés par les affres de la décennie noire. Une «résilience», note Moez Kacem, qui s’est tout particulièrement manifestée pendant les années 2015-2016, quand la Tunisie a été frappée par une série d’attaques terroristes particulièrement meurtrières.

Pour répondre à la demande algérienne qui a supplanté les marchés traditionnels européens, le secteur touristique tunisien s’est adapté. Les barrières tarifaires ont été revues à la baisse pour devenir plus accessibles au pouvoir d’achat algérien, avec une attention toute particulière accordée aux offres familiales. La circonstance que le tourisme algérien est principalement un tourisme familial fait d’ailleurs espérer à Moez Kacem une croissance encore plus significative pour l’année 2019.

«On devrait assurer une croissance plus grande en 2019 parce que les épreuves de baccalauréat et le mois de Ramadan, qui structurent les départs des Algériens en vacances, vont avancer de deux semaines par rapport à 2018. Ce qui étalera la saison touristique de deux semaines supplémentaires et pourrait se traduire par quelque 6% ou 7% d’arrivées supplémentaires, avec une progression globale annuelle de l’ordre de 13% ou 14%», prévoit l’expert tunisien.

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L’engouement algérien pour la Tunisie s’explique par l’accessibilité de cette destination, mais aussi par le bon rapport qualité/prix, source d’attractivité importante pour les Algériens, notamment au regard de la faible allocation touristique dont ils jouissent (de l’ordre de 100€), contrainte généralement réglée par le recours au marché informel du change.

Mais le pullulement des circuits informels empruntés par les Algériens constitue un défi majeur pour les autorités tunisiennes, souligne Moez Kacem, dans la mesure où les recettes informelles sont soustraites à l’économie nationale.

C’est notamment le cas de la taxe locative, puisque «plus des deux tiers des Algériens optent pour des hébergements informels», note-t-il. C’est ce qui explique par ailleurs que l’année 2018 a enregistré une baisse de —1,6% dans les nuitées hôtelières des Algériens, alors même que leur nombre n’a cessé d’augmenter. Il s’agit là d’un manque à gagner conséquent pour un secteur représentant pas moins de 7% du PIB du pays. Entre-temps, le département du tourisme tunisien a annoncé tabler pour l’année 2019 sur 9 millions de touristes. Autant dire qu’il ne saura compter sans les Algériens.

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