À Cannes, «une proposition subordonnée complexe», le court-métrage qui dérange

© Sputnik . Asatur Esayants  / Accéder à la base multimédiaГость на красной дорожке 71-го Каннского международного кинофестиваля
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On qualifie parfois la Cinéfondation -un laboratoire de création investi par la jeunesse- de «tête chercheuse» du Festival de Cannes. Parmi les perles des cinéastes en devenir sélectionnées par cette institution, une russe. Rencontre avec l'équipe du film «Slojnopodtchinennoe», un court-métrage dérangeant et universel.

Cette année, la Cinéfondation, créée en 1998 à l'initiative de Gilles Jacob, ancien président du Festival de Cannes, et qui soutient les nouvelles générations de cinéastes, a présenté à Cannes une sélection de 17 films d'étudiants en cinéma, choisis parmi 2.000 candidats en provenance de 366 écoles de cinéma dans le monde.

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«Slojnopodtchinennoe», le titre du film présenté par le groupe d'étudiants de l'Université d'État de cinéma et de télévision de Saint-Pétersbourg, est carrément imprononçable pour un Français et signifie «une proposition subordonnée complexe». Mais ni le «sujet complexe» ni le titre en soi ne font pas peur aux cinéphiles aguerris par les titres qui ont fleuri cette année à Cannes. Les festivaliers ont largement été servis en titres complexes, entre le finlandais «Koirat eivät käytä housuja» (Les chiens ne portent pas de pantalon) présenté à la Quinzaine des réalisateurs et «Gisaengchung» (Parasite), Palme d'Or pour le réalisateur sud-coréen Bong Joon-ho.

L'auteur de cette «proposition subordonnée complexe», Olessia Yakovleva, vient de Vladivostok, ou plutôt d'Oussouriisk. «C'est là où sont les tigres, les crabes et la Chine est à portée de main», comme elle le dit elle-même. Le «sujet complexe» du film se résume, en termes simples, à une personne —un professeur de lycée- qui évolue dans une province à laquelle il ne correspond absolument pas. C'est cette personne qui en a décidé ainsi, elle a choisi elle-même son style. Cela irrite et la province a l'intention de rapidement le mettre au pas. On ne vous en dirait pas plus, c'est la volonté de la réalisatrice.

«Je n'ai pas envie de limiter le descriptif de notre film à "un film sur la province", confie à Sputnik Olessia Yakovleva. La petite ville provinciale, ce n'est que la toile de fond.»

Pour la jeune réalisatrice, le film, dont elle détermine le genre de «film dramatique», ne traite pas d'un drame social lié à un contexte précis. Elle le voit comme universel et «croit sincèrement que cette histoire aurait pu avoir lieu n'importe où, en Europe, en Asie…» Bien que dans une interview avant le festival, Olessia Yakovleva ait essayé de mettre les points sur les i en décrivant le concept comme «une histoire qui casse les hiérarchies et remet en question toute subordination, une histoire sur la soumission» et sur «l'idéalisme masochiste», elle avoue sincèrement que

«si le spectateur sort de la salle avec des questions, si ce film continue à germer dans votre âme encore pendant un certain temps, je considère cela comme une victoire. On a tenté d'"attraper cette vie réelle" sans donner de recette. C'est au spectateur de réfléchir.»

© Photo Oxana BobrovitchL'équipe du film «Sujet complexe» à Cannes (de g. à d.): l'actrice Nelli Popova, le producteur Danila Yakovlev et la réalisatrice Olessya Yakovleva
L'équipe du film «Sujet complexe» à Cannes (de g. à d.): l'actrice Nelli Popova, le producteur Danila Yakovlev et la réalisatrice Olessya Yakovleva - Sputnik Afrique
L'équipe du film «Sujet complexe» à Cannes (de g. à d.): l'actrice Nelli Popova, le producteur Danila Yakovlev et la réalisatrice Olessya Yakovleva

C'est Nikolaï Komiaguine, leader du groupe de musique «Shortparis», formé à Saint-Pétersbourg en 2012, qui tient le rôle principal. Il est non seulement devenu l'interprète parfait de son personnage non conformiste, mais il a également influencé le scénario.

«J'ai d'abord écouté la musique du groupe, puis j'ai appris que Nikolaï était professeur d'histoire, raconte Olessia Yakovleva. Cela a coïncidé avec notre scénario. J'ai compris que c'était lui. Je ne peux pas appeler mes héros des "acteurs", Bresson les appelait "modelés". Pour moi, il est important qu'ils apportent quelque chose dans mon histoire. Notre scénario a été très souple, il a changé jusqu'au dernier jour du tournage. Et même au montage.»

Et on sent à travers tout le film le regard attentif et perçant de la jeune réalisatrice, qui met au centre de son attention le héros, avant même l'histoire. «Voir un homme», voir «dans l'homme», sans se focaliser sur son métier, est un procédé presque expérimental d'Olessia Yakovleva, qui sert son «objectif de garder la complexité de la vie» à l'écran.
Un objectif tenu en joue également par Nelly Popova, la seule actrice professionnelle de ce projet d'étudiants, que l'équipe a associé au film, après l'avoir vu dans «Médée» d'Euripide:

«Le personnage de la directrice d'études, c'est une Iron Lady qui représente notre système scolaire, mais au détour de l'histoire, sa solitude et son besoin d'amour se révèlent, explique Nelly Popova. Elle est attirée par ce professeur non conformiste, qui ne se plie pas à la routine et aux règles préétablies de l'école, qui attire des gens autour de lui par son charisme.»

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Sputnik France est partenaire média du Pavillon russe du Festival de Cannes.

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