Pourquoi l'Iran s'inquiète-t-il de la position russe à l'OPEP?

© Sputnik . Alexey Druzhinin / Accéder à la base multimédiaLe prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane al-Saoud et Vladimir Poutine
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La Russie et l'Iran restent alliés sur les différents fronts en Syrie, cépendant l'entente entre Vladimir Poutine et le prince saoudien Mohammed ben Salmane pour une restriction de la production pétrolière «tue l'Opep» selon Téhéran. Mais est-ce le sort du cartel qui préoccupe réellement l'Iran?

«La Russie et l'Arabie saoudite tuent l'Opep»: c'est ce qu'a déclaré lundi le ministre iranien du Pétrole Bijan Zanganeh lors d'une conférence de presse en prévision de la réunion de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole à Vienne, où se décidait le sort de l'accord sur la réduction de la production pétrolière. «L'Iran ne se retire pas de l'Opep, mais je suis convaincu que l'Opep meurt. A cause de ce processus», a répondu Bijan Zanganeh à la question de savoir comment le renforcement du pouvoir de Moscou et de Riyad au sein de l'alliance impacterait la coopération au sein de l'Opep. Selon le ministre, le cartel pétrolier doit régler le problème de la prise unilatérale de décisions par l'organisation. «C'est une grande question pour moi, pourquoi la décision [de prolonger les restrictions] a été de facto prise à Osaka», dit-il.

A la veille du G20, Vladimir Poutine avait noté dans une interview au quotidien britannique Financial Times que l'accord sur la stabilisation de la production pétrolière conclu avec l'Arabie saoudite et l'Opep «avait dans l'ensemble un effet positif pour la stabilisation et la prévisibilité du marché». Le lendemain déjà, le Président russe avait rencontré à Osaka le prince héritier de l'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane, après quoi les représentants des deux pays avaient décidé de travailler sur la prolongation de l'accord, comme l'a confirmé plus tard le porte-parole du président russe Dmitri Peskov.

Les craintes du ministre iranien ne sont pas dénuées de fondement: le 1er juillet, à Vienne, les membres de l'Opep ont convenu de prolonger de neuf mois l'accord sur la réduction de la production pétrolière; et le 2 juillet déjà cette décision a été adoptée par tous les pays hors Opep, mais membres de l'accord au format Opep+.

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De cette manière, si rien d'inattendu ne se produisait dans les négociations, les pays de l'Opep+ prolongeraient jusqu'en mars 2020 l'accord qui a permis de réduire la production pétrolière de 1,95 million de barils par jour au premier semestre 2019 - contre le plan de 1,2 million de barils.

Les accords au format Opep+ sont très bénéfiques pour Moscou car ils permettent de maintenir le prix du baril à un niveau confortable pour la Russie.  Comme le souligne le journal Vzgliad, en seulement deux ans et demi de coopération dans ce format, le budget russe avait bénéficié de 5.000 milliards de roubles supplémentaires (environ 70 milliards d'euros), et les compagnies pétrolières de 2.000 milliards de roubles (près de 28 milliards d'euros).

Sergueï Pikine, directeur de la Fondation pour le développement énergétique, pense qu'actuellement les décisions dans le cadre de l'Opep+ sont effectivement prises par deux pays: l'Arabie saoudite et la Russie.

«C'est précisément un reproche, et non un constat du fait que le mécanisme de l'Opep ne fonctionne pas. Tout simplement, les deux plus grands producteurs, ayant le plus grand poids en termes de production mondiale, prennent les décisions. Nous ne prenons pas en compte les États-Unis parce qu'ils travaillent en dehors de toute alliance et entente», a ainsi commenté l'expert la réaction de l'Iran.

Le déséquilibre du marché et la nécessité de prolonger les accords étaient déjà compréhensibles avant cette dernière annonce.

«La question était de savoir si la Russie était prête à se joindre à l'accord. Le Président Poutine a confirmé cette disposition. C'est à Osaka que l'entente a été conclue. Cela n'a rien de criminel: c'est simplement un fait», souligne l'interlocuteur.

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C'est la raison pour laquelle la déclaration du ministre iranien n'est pas tant une critique qu'une «rancune» sur fond de sanctions américaines et de chute de la production en Iran, ce qui fait perdre des revenus à Téhéran.

Pour sa part, le directeur général de la Fondation pour la sécurité énergétique nationale Konstantin Simonov pense que la réaction iranienne est due à la situation où Téhéran bénéficie de conditions spéciales dans le cadre de cet accord, qui sont nivelées par les sanctions contre la République islamique.

L'expert a rappelé qu'au tout début de l'accord, quand il fallait attirer l'Iran dans la structure de l'Opep, Téhéran avait bénéficié de conditions spéciales permettant d'accroître sa production pétrolière.

«L'Iran disait à l'époque qu'il faisait l'objet de sanctions, et maintenant que les sanctions étaient levées il devait produire du pétrole. L'Iran pouvait se sentir vainqueur parce que même les Saoudiens l'avaient autorisé à augmenter sa production au lieu de la réduire», poursuit Konstantin Simonov.

D'après ce dernier, à l'heure actuelle l'Iran tente de trouver une issue car il ne tire aucun profit de l'accord et doit se tourner vers les fournitures illégales en Chine pour tenter de contourner les sanctions.

L'expert suppose que les dirigeants iraniens pensent que la Russie et les États-Unis, dans le cadre d'un «grand accord», pourraient procéder à un «échange de politesses»: Moscou contribuerait à l'affaiblissement de l'influence de l'Iran sur la Syrie, alors que de son côté Washington lèverait les sanctions contre Damas.

Toutefois, il n'y a pas de raisons politiques de nourrir une telle inquiétude. Vladimir Poutine a qualifié plusieurs fois l'Iran «d'allié» et de «partenaire important» de la Russie. C'est également l'avis exprimé récemment par le secrétaire du Conseil de sécurité de Russie Nikolaï Patrouchev durant un entretien avec ses homologues israélien et américain.

«Nous ne marchandons pas nos alliés, nos intérêts ou nos principes. L'Iran était et reste un allié et partenaire avec lequel nous développons continuellement des relations aussi bien sur le plan bilatéral que dans le cadre des formats multilatéraux», avait souligné Nikolaï Patrouchev.

«Mais malgré toute la bravoure affichée, l'Iran s'est effectivement retrouvé sous une forte pression», constate Konstantin Simonov.

C'est, entre autres, la raison pour laquelle le ministre iranien s'est permis à Vienne une telle attaque contre Moscou.

«Ce n'est pas une déclaration sur le pétrole, mais plutôt sur les préoccupations de l'Iran quant au fait que la Russie bénéficie de nouvelles options et possibilités d'actions politiques dans cette région», conclut l'expert.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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