En Algérie, «la contre-révolution peut venir de là où on ne l'attend pas»

© AP Photo / Anis BelghoulManifestations en Algérie
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Dans un entretien accordé à Sputnik, Ali Benouari, ex-ministre algérien du Trésor, a réagi à la campagne de dénigrement visant l’armée et son état-major. Il a affirmé que les acquis du mouvement populaire sont dus à la détermination de l’armée, avertissant les Algériens que «la contre-révolution peut venir de là où on ne l'attend pas».

Depuis le début du mouvement populaire du 22 février en Algérie, l’Armée nationale populaire (ANP) a subi une campagne médiatico-politique l’accusant de vouloir sauver l’ancien système. Les arguments avancés étaient le maintien en poste des responsables (les 4 «B») symbolisant l’ex-pouvoir et surtout l’exigence d’une solution à la crise dans le cadre de la Constitution, à savoir l’organisation d’une élection présidentielle sans passer par une phase de transition. Cette campagne s’est intensifiée depuis l’interdiction de manifester avec le drapeau berbère et l’arrestation de plus d’une trentaine de personnes ayant contrevenu à cette décision. L’état-major de l’ANP est accusé de mener la contre-révolution à l’image du scénario égyptien. Des appels ont été d’ailleurs lancés en direction du général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, le chef de l’état-major de l’ANP, lui demandant de démissionner et le qualifiant de «pire séquelle du bouteflikisme». Cette campagne est massivement relayée par les médias internationaux, notamment français.

​Dans un commentaire à Sputnik, l’ex-ministre algérien du Trésor Ali Benouari et président du parti non agréé Nida el-Watan (L’Appel de la Patrie) a énergiquement réagi à cette campagne qui vise à discréditer tout ce que l’armée accomplit actuellement de positif en Algérie.

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«Pendant que le monde entier salue les manifestations de millions d’Algériens, sans qu’une goutte de sang ne soit versée et que notre peuple se réjouit de voir les principaux responsables du désastre national: Premiers ministres, ministres et presque tout ce que notre pays compte comme oligarques en prison, comment ne pas être frappé par le fait que de nombreux pseudo-représentants du Hirak [le mouvement populaire du 22 février, ndlr] refusent d’admettre que ces acquis importants n’auraient jamais été possibles sans la détermination de l’ANP, qui a su traduire les revendications du peuple en actions concrètes?», a-t-il affirmé.

«Pire encore, de nombreux partis d’opposition, fruits du laboratoire de l’ex-DRS [Département du renseignement et de la sécurité, ndlr] leur ont emboîté le pas, en prêtant le flanc aux accusations les plus graves contre notre armée», a-t-il ajouté, précisant que «le moindre prétexte est exploité, depuis le premier jour du Hirak, pour discréditer son action».

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Sur la même lancée, évoquant les récentes arrestations, dont celle de l’ex-commandant de l’Armée de libération nationale (ALN) Lakhdar Bouragâa, l’ex-ministre a relevé le fait qu’«on parle des détenus d’opinion comme s’ils étaient des milliers». «On s’émeut de leur sort comme s’ils étaient torturés ou qu’ils risquaient de disparaitre comme à l’époque des sinistres chefs du DRS, aujourd’hui sous les verrous», a-t-il ajouté, soutenant qu’«à les entendre, jamais les droits de l’Homme et les libertés n’ont été aussi bafoués dans notre pays, un mensonge pourtant contredit par les faits». Tout en indiquant que le nombre des personnes arrêtées est de seulement quelques dizaines, M.Benouari a souligné «qu’au regard des dizaines de millions de personnes qui sont sorties manifester depuis le 22 février, [ce nombre, ndlr] est absolument dérisoire».

Cependant, reconnaissant qu’il «peut y avoir eu des abus ou des erreurs des forces de l’ordre», Ali Benouari a néanmoins ajouté «qui peut sérieusement penser que les victimes éventuelles de ces abus ne puissent pas être défendues, qu’elles puissent craindre pour leur vie ou qu’elles ne puissent plus revoir leurs proches?»

​«Les forces hostiles à l’ANP seraient plus crédibles si elles reconnaissaient son rôle positif dans l’assainissement de la scène politico-financière», a-t-il souligné, suggérant qu’à ce moment-là, «ils seraient alors fondés à exiger qu’elle fasse mieux, pour accompagner le Hirak».

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Concernant l’interdiction par l’armée de manifester avec le drapeau berbère, l’ex-ministre a déclaré qu’«on a cherché à exploiter le thème sensible de notre identité amazighe pour monter une partie des Algériens contre l’autre». «C’est grave, très grave même, quand on sait qu’au même moment un mouvement indépendantiste se réclamant de cette identité travaille au démembrement de notre pays, avec l’aide de puissances étrangères», a-t-il mis en garde. «La seule explication à cette hystérie inédite contre l’armée et son chef est que ses auteurs veulent affaiblir la seule institution qui est capable de conduire le pays vers les rivages de la démocratie», a-t-il encore expliqué.

​Les détracteurs de l’état-major de l’ANP «clament partout que l’armée ne doit pas s’occuper de politique ni interférer dans les affaires judiciaires». «Si on les prend aux mots, il faudrait donc libérer les généraux Toufik et Tartag [anciens chefs des services de renseignement algériens, ndlr], ainsi que Saïd Bouteflika et leurs complices oligarques et ne pas inquiéter les banquiers véreux qui les ont aidés à vider les caisses du pays, afin qu'ils puissent confisquer la révolution lors des prochaines élections, avec toute la force de leurs réseaux et les milliards de dollars volés au peuple» a rétorqué le président de Nida el-Watan.

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Attirant l’attention des Algériens sur la sensibilité de la situation actuelle et de ses probables conséquences négatives, M.Benouari a affirmé que «si cet agenda échoue, ils n'hésiteront probablement pas à passer à leur plan B, qui est de dresser l’armée contre son peuple, et les Algériens entre eux».

«Il va sans dire que cela plongerait le pays dans l'anarchie et la guerre civile», a-t-il ajouté, soulignant que «les forces centrifuges, à l'œuvre depuis longtemps, se déchaîneront alors pour pousser à l'éclatement du pays». «C’est peut-être celui-là le vrai piège qui nous est tendu», a-t-il averti.

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L’ex-ministre a suggéré que la pression du Hirak ne devrait pas se relâcher, «mais la vigilance s'impose pour barrer la route à la contre-révolution, qui peut venir de là où on ne l'attend pas». «Une vigilance qui doit aussi intégrer la fragilité de notre situation économique, qui impose son propre agenda», a-t-il précisé, indiquant que «l’objectif prioritaire est donc d’aller au plus vite vers des élections libres». «Sans elles rien de sérieux ne pourra être entrepris dans ce domaine», a-t-il conclu.

Dans un discours à la nation, le mercredi 3 juillet, le chef de l’État Abdelkader Bensalah a annoncé le lancement d’un processus de dialogue mené par des personnalités indépendantes et sans la participation de l’État, y compris de l’institution militaire, avec l’objectif de préparer la prochaine élection présidentielle dans de meilleures conditions.

​Le 26 juin, lors du premier jour de sa visite de travail à l’École militaire interarmes de Cherchel, le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, le chef d’état-major de l’armée algérienne, avait affirmé que «les campagnes abjectes et récurrentes, que ne cesse de subir le commandement de l'Armée nationale populaire (ANP), après chaque pas sincère et étudié qu'il fait en toute conscience et perspicacité, ne sont que des campagnes stériles sans aucun résultat, car leurs objectifs sont désormais dévoilés et leurs intentions démasquées».

Il avait par ailleurs réaffirmé que le haut commandement de l’ANP ne nourrissait «aucune ambition» politique.

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