Cartes d’identité ivoiriennes payantes: vers l’exclusion d’une partie de l’électorat?

© Sputnik . Roland KlohiUn aperçu de l’actuelle carte d’identité ivoirienne
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En Côte d’Ivoire, les cartes nationales d’identité sont arrivées à expiration fin juin 2019. Pour les renouveler, chaque citoyen devra s’acquitter de 5.000 francs CFA. Une somme qui, dans un pays où près de 46 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, fait craindre l’exclusion d’une «partie substantielle de l’électorat».

Établies en 2009, un an avant la présidentielle de 2010, les cartes nationales d’identité ont expiré fin juin 2019. Les autorités ivoiriennes ont décidé de proroger leur validité jusqu’au 30 juin 2020. Une mesure censée permettre aux «citoyens d’entreprendre aisément des démarches administratives et de circuler librement», en attendant la production, par l’opérateur belge SEMLEX, des nouvelles cartes à partir d’octobre 2019, comme l’a indiqué en juin le ministre de l’Intérieur Sidiki Diakité, à l’Assemblée nationale.

Pour acquérir la nouvelle carte d’identité biométrique obligatoire dès l’âge de 16 ans et qui, selon le porte-parole du gouvernement Sidi Touré, comportera de «nouvelles caractéristiques techniques et mentions», chaque Ivoirien devra débourser 5.000 francs CFA (7,62 euros). Une situation qui pourrait s’avérer problématique dans un pays où, selon la Banque mondiale, près de 46 % de 23 millions d’habitants vivent avec moins de 750 francs CFA (1,14 euro) par jour.

L’opposition ivoirienne martèle qu’il sera difficile aux plus démunis de s’acquitter des frais d’établissement de la nouvelle carte d’identité.

Lors d’un meeting qui s’est tenu le 6 juillet à Cocody, une commune d’Abidjan, et qui a rassemblé environ 3.000 personnes, la députée Yasmina Ouégnin, porte-parole des trois groupes parlementaires de l'opposition, a clamé que faire payer la carte d’identité à 5.000 francs CFA peut "empêcher une partie substantielle de l’électorat ivoirien de participer aux différents scrutins à venir", notamment la présidentielle de 2020.

La Côte d’Ivoire a connu dans les années 2000 une profonde crise sociopolitique aux relents identitaires qui a débouché sur le conflit postélectoral de 2010-2011. 

En 2009, dans le cadre du processus de sortie de crise dans laquelle la Côte d’Ivoire était embourbée depuis la rébellion armée de 2002, l’opération d’établissement et de délivrance des cartes nationales d’identité avait été gratuite. 

«De façon exceptionnelle, l’État de Côte d’Ivoire a autorisé à la sortie de crise que la carte d’identité soit gratuite, mais de façon exceptionnelle et ponctuelle pour régler un problème au vu d’un certain nombre des. L’exception est passée et nous sommes dans la normalité, les choses doivent revenir à la norme», a expliqué Sidi Touré. 

L’opposition ivoirienne qui ne partage pas cet avis réclame que les frais d’établissement ou de renouvellement de la carte soient supportés par le budget général de l’État.

«La Côte d’Ivoire dispose de ressources techniques, matérielles et du budget nécessaire pour financer la gratuité de la carte nationale d’identité», a estimé dans une vidéo postée sur sa page Facebook le député Alain Lobognon, porte-parole du Mouvement pour la promotion des Valeurs Nouvelles en Côte d’Ivoire (MVCI), un parti politique proche de l’ex-président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro (probable candidat à la présidentielle de 2020, ndlr).

En juin, l’amendement déposé à l’Assemblée nationale par Alain Lobognon pour faire supporter le coût d’établissement de la carte d’identité par le budget général de l’État a été rejeté.

En marge du débat sur le coût de la nouvelle carte d’identité, une partie de l’opposition dénonce le choix par le gouvernement, à la suite d’un appel d’offres restreint qui impliquait quatre prestataires, de la société belge SEMLEX pour l’opération de renouvellement.

SEMLEX, en effet, est visée par une enquête du parquet fédéral belge pour blanchiment d'argent et corruption en Afrique, où elle fournit des documents d’identité à plusieurs pays.

Durant les 12 ans que durera la convention de 700 millions d’euros conclue en avril 2019 avec SEMLEX, la société devra produire au moins 36 millions de cartes, dont 12 millions pendant les deux premières années.

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