Pourquoi Bruxelles n'arrive pas à relancer le commerce avec l'Iran

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L'Union européenne ne parvient pas à accéder à la demande de l'Iran et à rétablir entièrement ses relations commerciales avec ce pays. Des sources diplomatiques européennes l'ont confirmé au journal Izvestia.

Le mécanisme INSTEX devait constituer la mesure de protection principale des compagnies européennes travaillant avec l'Iran contre les sanctions américaines extraterritoriales. Cependant, le ministère des Affaires étrangères allemand a indiqué au quotidien Izvestia qu'il n'a toujours pas été lancé. Cette information a également été confirmée par Thierry Mariani, député français du Parlement européen.

Pendant ce temps, le risque d'une aggravation militaire est toujours présent dans le golfe Persique.

Pas de retour en arrière

L'Iran continuera d'enrichir de l'uranium au-delà de la norme de 3,67% fixée dans le Plan d'action global commun tant que ses partenaires européens, malgré les sanctions américaines, ne garantiront pas les profits économiques promis dans cet accord. C'est ce qu'a déclaré Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale de l'Iran, pendant son entretien avec le conseiller diplomatique du Président français Emmanuel Bonne le 10 juillet à Téhéran.

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Cela signifie que les compagnies européennes doivent maintenir le commerce avec l'Iran au moins au même niveau qu'après l'entrée en vigueur du Plan d'action en 2016. Cependant, les politiciens européens doutent que les contacts économiques entre l'UE et Téhéran puissent atteindre les mêmes indicateurs qu'entre 2016 et 2018. Selon deux sources diplomatiques européennes, compte tenu de la disposition des États-Unis et du refus de grandes entreprises de l'UE de coopérer avec l'Iran, il ne faut pas compter sur une reprise du commerce à part entière.

«Sur ce plan, je suis pessimiste. Aujourd'hui, l'Europe est otage des USA. Après le retrait des États-Unis de l'accord, les gouvernements européens ont déclaré que tout serait fait pour maintenir ce texte. Mais en réalité ils ont volontairement abandonné leurs positions au profit des Américains. C'est pourquoi il est tout à fait logique que l'Iran ait décidé de ne plus se tenir à l'accord», a déclaré à Izvestia le député européen Thierry Mariani.

D'après l'École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), après l'entrée en vigueur du Plan d'action les échanges bilatéraux avaient augmenté progressivement pour atteindre 20 milliards d'euros en 2017, mais après le retrait des USA de l'accord en 2018 ils ont commencé à diminuer. En cause: le départ massif d'Iran des grandes compagnies européennes - de la française Total à l'italienne Eni - sous la menace de sanctions américaines extraterritoriales. 
L'unique moyen qui aurait dû permettre de satisfaire les attentes de l'Iran était le mécanisme européen de paiement INSTEX créé à l'initiative de Londres, de Berlin et de Paris pour commercer sans utiliser le dollar, en contournant les sanctions américaines.

«Ce mécanisme permettra aux pays qui y participeront de poursuivre leurs échanges avec l'Iran dans les secteurs qui ne sont pas frappés par les sanctions américaines, à savoir le commerce de produits alimentaires et de médicaments. Il ne permettra pas d'effectuer des paiements pour le pétrole, les équipements et d'autres produits interdits par Washington. Il n'est pas prévu d'étendre ce mécanisme à ces domaines, mais le commerce dans les seuls secteurs autorisés ne suffit manifestement pas à l'Iran», explique Adlan Margoev, analyste de l'Institut d'études internationales affilié à l'Institut des relations internationales de Moscou (MGIMO).

La Russie a également fait part de sa volonté de rejoindre INSTEX. Plus tôt, dans une interview à Izvestia, le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov avait dit espérer qu'il serait possible de «l'ouvrir sans atermoiement pour les transactions des pays tiers, et pas seulement de l'UE».

D'après le ministère des Affaires étrangères allemand, à l'heure actuelle Berlin, Paris et Londres se préparent seulement pour une première transaction. 

«Ce système ne fonctionne pas. Et tout bute faute de volonté politique. L'UE dit que l'Iran doit respecter les conditions du Plan d'action et qu'elle trouvera des solutions, mais rien n'est fait pour l'instant», constate Thierry Mariani. 

Provoquer pour mieux régner 

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Sur cette toile de fond de contradictions commerciales et économiques, la situation dans le Golfe Persique ne s'apaise pas. Dans la soirée du 10 juillet, la chaîne CNN, se référant à des sources au Pentagone, a rapporté que cinq navires qui appartiendraient à l'Iran auraient tenté d'arrêter le pétrolier britannique British Heritage. Selon la chaîne, les Iraniens auraient exigé de l'équipage du navire de s'arrêter dans les eaux territoriales de la république islamique. 

Cependant, la frégate britannique HMS Montrose est intervenue: après la récente attaque de navires dans le détroit d'Ormuz, Londres a décidé de renforcer la sécurité de ses navires. Après un «avertissement verbal» de la frégate et un appel à laisser passer le pétrolier, les Iraniens ont fait marche arrière. Le ministère britannique de la Défense a confirmé l'information, tout en précisant que les navires iraniens étaient au nombre de trois, et non de cinq. 

Le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a démenti ces accusations et a déclaré que ces allégations visaient une escalade de la tension. Le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) a annoncé «n'avoir interagi avec aucun navire étranger, britannique y compris, au cours des dernières 24 heures». Néanmoins, Téhéran avait menacé plus tôt d'interpeller n'importe quel navire britannique en réponse à l'arrestation du pétrolier iranien au large de Gibraltar ce 4 juillet. 

Comme l'a expliqué à Izvestia Vladimir Fitine, directeur du Centre d'études du Proche- et Moyen-Orient de l'Institut russe d'études stratégiques, «il est presque certain que les États-Unis, pour qui il est bénéfique de semer la discorde entre le Royaume-Uni et l'Iran, se trouvent derrière cet incident». 

«Washington fera tout pour que ses alliés européens cessent de soutenir l'accord nucléaire. Il a manifestement décidé de commencer par Londres, c'est-à-dire choisir la voix de la facilité, parce que le Royaume-Uni souhaite maintenir de bonnes relations avec les USA, notamment dans le contexte du Brexit et du changement de Premier ministre», explique l'expert. 

D'après le spécialiste de l'Iran Andreï Baklitski, du centre PIR, il sera plus facile de persuader Londres si Boris Johnson prend la tête du gouvernement britannique. Ce dernier est loyal envers Washington et peut être considéré comme le candidat le plus approprié pour faire sortir le Royaume-Uni non seulement de l'UE, mais également du Plan d'action. 

«Néanmoins, même si Johnson voulait se retirer de l'accord nucléaire, il ne le ferait pas tout de suite. Il y a des questions plus sérieuses à l'ordre du jour - des législatives anticipées pourraient avoir lieu. Et il sera difficile d'aller à contre-courant de la ligne du Foreign Office qui insiste continuellement sur le maintien du Plan d'action», poursuit l'expert. 

Il a également reconnu que de telles aggravations n'étaient pas une nouveauté pour les relations irano-européennes. Et de rappeler qu'il y a exactement un an, l'UE accusait les collaborateurs de l'ambassade iranienne de préparer des attentats en Allemagne, et qu'en janvier elle avait même décrété des sanctions contre les renseignements iraniens, soupçonnés de préparer des assassinats politiques au Danemark. Mais même ces incidents n'ont pas impacté la participation des Européens au Plan d'action.

Lundi s'écoule le délai fixé par Emmanuel Macron pour déterminer comment établir le dialogue international sur le problème nucléaire. Les dirigeants français et iranien se téléphoneront pour tenter de trouver malgré tout des solutions pour préserver le Plan d'action.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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