«Vins de France»: quand le marketing des vins de table laisse un goût amer

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Le succès des «vins de France» ne se dément pas: +37% de ventes en 2018 pour ceux que l’on appelait autrefois vins de table. Un succès qui n’est pas du goût de tous, vignerons et consommateurs réunis. Patrice Bersac, viticulteur et président associatif, dénonce un marketing outrancier et une appropriation des savoir-faire ancestraux. Explications.

+37% en 2018: les vins de France connaissent un succès foudroyant, qui ne se dément pas depuis 10 ans que cette appellation existe. Des enseignes comme Monoprix ont même consacré un rayon à ceux que l’on appelait autrefois les vins de table.

Derrière cette dénomination, l’Union européenne, qui a adopté en 2009 une réglementation permettant à chaque État membre de disposer d’une catégorie de vins nationaux. En quoi consiste-t-elle?

«Les réglementations concernant les vins de France consistent simplement à garantir un taux d’alcool minimum ainsi qu’une acidité minimale et ça s’arrête là», explique Patrice Bersac,  Président de SYVIF (Syndicat des Vignerons d'Île-de-France).

L’appellation «vins de France» crée cependant un ressentiment chez certains producteurs et certains consommateurs aguerris, car ils participent selon eux à usurper la réputation d’un savoir-faire français.

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Les vins vendus traditionnellement, en dehors des «vins de France», les vins à l’indication géographique protégée (IGP) et appellation d’origine contrôlée (AOC)

«sont sujets à un travail bien plus important, qui nécessite que les producteurs se rassemblent pour définir la qualité et établir le lien entre cette qualité et l’origine des territoires qu’ils définissent. Il y a une attitude des vins de table qui consiste à profiter du travail de fond qui a été fait par les IGP et AOC en France», regrette le viticulteur.

D’autre part, pour le viticulteur, le fait que les producteurs soient libres de mentionner un cépage sur l’étiquetage des bouteilles «vins de France» contribue aussi à dévaloriser le travail des viticulteurs par une démarche purement marketing:

«Présenter les cépages sur ces “vins de table” permet de grappiller des parts de marché aux AOC et IGP. Or, le consommateur a trouvé utile de s’appuyer sur un nom de cépage pour se faire des références gustatives dans le domaine du vin de table, comme des AOC et IGP, par exemple: Pinot noir ou Chardonnay… Cela réduit le champ des possibles à une dizaine de cépages mondiaux ultra-populaires –lesquels sont normalement extrêmement diversifiés. Il y a des centaines de nuances au Chardonnay et pas un goût standard.»

Exit donc la finesse de choix des cépages, les délicats assemblages qui font la spécificité de chaque terroir. Et le viticulteur d’enfoncer le clou:

«Avec ces vins, on est vraiment dans le marketing: on a une marque qui crée l’image que le consommateur doit en avoir, alors que le produit n’est pas censé exister. On arrive à une forme d’industrialisation du processus de production, qui établit un standard de goût que l’on peut reproduire à l’identique d’année en année.»

CC BY 2.0 / Paul Joseph / vignoble
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Pour Patrice Bersac, une démarche honnête ne consisterait pas à interdire la production –légitime– de ces «vins de France» qu’il nomme encore «vins de table». Il s’agit simplement de préciser la nature de ceux-ci:

« Il faut accepter qu’un vin de table ne porte pas les signes et les mentions que l’on doit réserver à ceux qui font l’effort de réaliser des vins qui sont un peu plus sophistiqués, pour lesquels il y a un savoir-faire plus important», analyse-t-il, avant de poursuivre: «L’honnêteté intellectuelle serait de dire: je fais un vin de table, donc je m’interdis de mentionner des cépages ou des millésimes. Les IGP et AOC, eux, vont mentionner un cépage ou un millésime pour valoriser un savoir-faire.»

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