Cameroun: libération d’une partie des opposants, un pas vers le dialogue politique? 

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Trente-neuf partisans du mouvement de l’opposition MRC ont été libérés le vendredi 12 juillet. Mais le leader de ce mouvement, Maurice Kamto, reste en prison. Certains y voient le début d'une avancée dans la crise politique au Cameroun.

Trente-neuf militants du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) ont été libérés dans la nuit du vendredi 12 au samedi 13 juillet dernier. Le tribunal militaire de Yaoundé a rendu la décision à la suite d'un «non-lieu partiel», en l'absence de preuves suffisantes contre les prévenus. Ces militants du MRC avaient été arrêtés fin janvier lors de manifestations destinées à réclamer la victoire, selon eux, de leur leader, Maurice Kamto à la présidentielle du 7 octobre dernier. Interrogé par Sputnik, le Dr Sosthène Médard Lipot, conseiller politique et communication du président national du MRC et secrétaire national à la Communication du parti se réjouit de cette vague de libération:

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«Les pressions nationales et internationales exercées sur le régime autoritaire de Yaoundé ont poussé le chef de l’État à libérer une partie de ses citoyens. Le candidat du régime impopulaire de Yaoundé a perdu l'élection présidentielle du 7 octobre 2018, usant et abusant de fraudes électorales, pour barrer la voie à Maurice Kamto. Ses militants ont été arrêtés à leur domicile de façon brutale et arbitraire, en violation du code de procédure pénale en vigueur au Cameroun. Pire encore, le régime illégitime de Paul Biya a fait le choix de juger des civils au tribunal militaire de Yaoundé», commente Sosthène Médard Lipot au micro de Sputnik.

Une soixante de personnes bénéficient de cette mesure du tribunal militaire de Yaoundé. Hormis les 39 militants remis en liberté vendredi 12 juillet, les autres inculpés concernés par la décision du tribunal "comparaissaient libres". Cependant, cette décision ne concerne pas une centaine d’autres militants et sympathisants du MRC, dont le leader Maurice Kamto, tous accusés «d'insurrection, de rébellion, et d’hostilité contre la patrie». Ces derniers sont toujours détenus à la prison centrale de Yaoundé. Si certains voient en cette vague de libération, un signe de fléchissement du régime de Yaoundé, le Pr Mathias Eric Owona Nguini, proche du pouvoir, ne partage pas cet avis:

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«Ces libérations prouvent que les personnes relâchées ne seraient pas concernées par les poursuites qui visent le leader Maurice Kamto et une centaine d’autres opposants. Sinon elles auraient été libérées», précise le politologue au micro de Sputnik.

Bien que dans l’opinion, certains observateurs espèrent que ces libérations vont s’étendre progressivement à l’ensemble des personnes arrêtées, et notamment à Maurice Kamto, Mathias Eric Owona Nguini, nuance:

«Si c’était le cas, Maurice Kamto aurait été libéré cette fois-ci. Ceci accrédite la thèse selon laquelle il y aurait, au cours de l’enquête, un certain nombre d’éléments qui permettraient de juger le président du MRC, ses collaborateurs et les membres de sa formation qui ont été maintenus en détention. Le fait de libérer certains détenus et d’en maintenir d’autres, avec l’intervention directe des autorités qui sont en charge du dossier, peut plutôt être l’expression de ce que le procès aura bel et bien lieu», pense-t-il.

Au sujet de l’hypothèse d’une libération prochaine de Maurice Kamto par le régime de Paul Biya, Sosthène Médard Lipot préfère rester prudent.

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«L'usure du pouvoir et les pratiques de mal-gouvernance de ce régime autocratique ne le prédispose pas à vouloir libérer son principal opposant, Maurice Kamto en l'occurrence», tient à préciser le porte-parole du MRC au micro de Sputnik.

Même s’il demeure convaincu que la libération du leader du MRC permettrait une avancée dans la recherche de solutions aux crises que connait le pays, dont le conflit séparatiste en cours dans les régions anglophones, il estime que: 

«Le leadership de Maurice Kamto est une évidence qui ne peut être niée. En six ans seulement, dans un environnement politique à la fois difficile et très hostile, Maurice Kamto a fait du jeune parti MRC, l'une des plus importantes forces politiques du Cameroun. Le pacte républicain qui est l’élément le plus important de l'action du MRC indique clairement l'existence du problème anglophone, alors que le vieux parti au pouvoir a toujours été dans le déni et l'arrogance concernant des revendications éminemment politiques des compatriotes anglophones», précise Sosthène Médard Lipot.

Un leadership que tente de minorer Mathias Eric Owona Nguini.

«Je ne crois pas que la libération de Kamto changera grand-chose à la situation du pays. Les populations continuent à vivre depuis que Kamto et ses partisans sont détenus. Elles continueraient à vivre de la même manière, si les autorités judiciaires et politiques décidaient de les libérer», commente le politologue.

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Même si les défenseurs du régime de Yaoundé tentent de relativiser à propos de l’ancrage politique de Maurice Kamto et de celui de son parti, il n’en demeure pas moins que malgré son emprisonnement, le leader du mouvement de l'opposition continue à attirer l’attention de l’opinion publique et à faire bouger le système en place.

«Maurice Kamto est un prisonnier encombrant pour ce régime odieux qui est arbitraire. Pour avoir revendiqué sa victoire, pour avoir exercé un droit constitutionnel, Maurice Kamto a été traduit devant un tribunal militaire l'accusant "d'hostilité contre la patrie’’», dénonce Sosthène Médard Lipot.

Malgré sa détention depuis fin janvier et son incarcération à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé, Maurice Kamto a choisi de maintenir la pression sur les autorités de Yaoundé. En dehors des marches organisées au Cameroun et à l’étranger par la diaspora, le MRC, qui continue de revendiquer sa victoire à la dernière présidentielle espère toujours une plus grande implication de l’Union africaine (UA) qui a autorisé «un examen préalable à l’éventualité de la saisine de la Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, tel que souhaité» par Maurice Kamto, au sujet du contentieux postélectoral au Cameroun.

«Le dossier de Maurice Kamto introduit à l’UA est solide, il a été complété par des preuves et arguments irréfutables. La recevabilité du dossier était une première victoire. Les organes spécialisés de l'UA devraient faire leur travail en toute indépendance et objectivité. Nous avons du respect pour la Cour africaine et nous rappelons que l'État du Cameroun a ratifié la Charte Africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance (CADEG) depuis juillet 2012. Le peuple camerounais est attentif à la suite des événements. Nous avons espoir que l'Union africaine dressera un constat de fraudes électorales massives et décidera de l'organisation d’élections justes, claires et transparentes au Cameroun», espère le porte-parole du MRC au micro de Sputnik.

En attendant la suite de la procédure devant les institutions de l’UA, le président du MRC, Maurice Kamto, et les autres responsables du parti sont maintenus en détention. Selon les cadres du parti, ils devraient être renvoyés devant le tribunal militaire de Yaoundé pour y être jugés. La date du procès n'est pas encore connue.

 

 

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