Le ralentissement économique en Chine fait craindre une nouvelle crise mondiale

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La croissance chinoise n’a fléchi que de quelques dizaines de pour cent au dernier trimestre, mais ce ralentissement relatif a suscité des craintes majeures chez les économistes. Car il s’agit du plus faible taux de croissance de l’Empire du milieu depuis près de 30 ans.

Les experts estiment que la baisse des indicateurs chinois pourrait mener à une nouvelle crise économique internationale, indique le quotidien Vzgliad.

La croissance de l’économie chinoise a atteint 6,4% au premier trimestre, et seulement 6,2% en glissement annuel au cours du deuxième trimestre 2019. Pour la Chine, il s’agit d'un minimum historique, c’est-à-dire depuis l'établissement des statistiques en 1992. Le PIB national avait progressé de 6,4% même en 2008, en pleine crise financière.

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Pour la Chine, les derniers chiffres ont suscité une inquiétude très forte, notamment dans le contexte de l’intensification de la guerre commerciale avec les États-Unis, qui comporte beaucoup de risques et dont l’issue semble toujours incertaine.

Pourquoi autant de craintes?

Les autorités du pays ont fixé en 2010 l’objectif de doubler la taille de leur économie d'ici 2020. Et si la croissance à deux chiffres du PIB chinois avait d'abord suscité admiration et étonnement, ses indicateurs ne cessent de se dégrader depuis quelques années. Ainsi, la progression du PIB chinois s’est chiffrée à 10,4% en 2010, à 6,8% en 2017 et à 6,6% en 2018. La situation est encore aggravée par la guerre commerciale avec les États-Unis, qui menace les exportations de la Chine.  

«L’essentiel réside non seulement dans les chiffres, mais aussi dans la tendance au fléchissement de la croissance. Les investisseurs craignent que nous puissions, à un certain moment, faire face à un ralentissement rapide aux répercussions imprévisibles. Pour l’instant, on arrive à l’éviter et on parle d’un affaissement souple de l’économie chinoise», explique Konstantin Karpov, collaborateur de la société BKS Broker.

La Chine a établi des liens non seulement avec l’Asie, mais aussi avec toutes les économies importantes - y compris avec l’Europe et la Russie.

«Le ralentissement de la croissance chinoise menace les pays émergents et les exportateurs de matières premières d’une chute des prix et d’une diminution éventuelle des achats courants», ajoute Konstantin Karpov. En effet, la Chine est un importateur-clé d’énergie, notamment de pétrole.

«Pour l’instant, malgré le ralentissement de la croissance, la Chine a augmenté ses importations d'hydrocarbures dans le contexte de l’élargissement du marché automobile, du développement des raffineries privées et de la politique d’encouragement des exportations de combustible. Ainsi, ses importations de pétrole russe ont progressé de 19,7% en 2018. Mais nous constatons actuellement une baisse des ventes de voitures neuves et un ralentissement de l’activité économique. Tout cela se reflétera - avec un certain retard - sur les livraisons russes d'hydrocarbures, des principaux métaux et d’autres matières premières», fait remarquer l’expert.

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Les pays développés dépendent également de la Chine, car ils fournissent activement depuis deux ans leurs produits à la classe moyenne chinoise grandissante. Le ralentissement de la croissance chinoise se reflétera donc sur les revenus de leurs entreprises, qui s’orientent de telle ou telle manière vers la Chine.

Par exemple, compte tenu de l’influence considérable de la Chine sur la production industrielle allemande, la banque centrale d’Allemagne prévoit une croissance du PIB national de seulement 0,6% d’ici la fin de l’année.

«Prenant en considération la croissance allemande de 0,4% au cours du premier trimestre de 2019, le régulateur ne s’attend de fait à aucune croissance pendant les neuf mois restants. Selon les pronostics du FMI, l’économie mondiale devrait progresser de 3,3% ce qui constitue son niveau le plus bas depuis la crise de 2008», fait remarquer Guennadi Nikolaev, expert de l’Académie de gestion des finances et des investissements.

La situation touche également les actions de nombreuses entreprises, qui coûtent beaucoup plus cher que le prix juste au regard des bénéfices actuels. Le fait est qu'en évaluant le prix des actions, les investisseurs s’attendaient à des bénéfices importants dans le futur, notamment grâce à la croissance estimée de l’économie chinoise. Mais Pékin a trahi leurs espoirs.

«Les risques de ralentissement de l’économie chinoise affectent l’évaluation des actions. Des ventes au rabais sur le marché des titres pourraient provoquer de nouveaux problèmes à cause des pertes des investisseurs isolés ou des fonds d'investissement», souligne Konstantin Karpov.

Efforts déployés 

Pékin n’est pourtant pas inactif et fait tout son possible pour faire face à la menace américaine, favoriser ses exportations et son économie. Est-ce que cela donne des résultats tangibles? Pékin ne baisse pas son taux directeur - contrairement à la Fed ou la BCE - mais applique une politique monétaire libre en dévaluant le yuan en cas de nécessité.

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La Chine encourage également les investissements. Elle a notamment octroyé 400 milliards de dollars pour la mise en œuvre de projets d’infrastructure et a réduit la TVA et d’autres impôts de près de 300 milliards de dollars. La banque centrale chinoise injecte régulièrement des fonds dans le système bancaire grâce aux opérations de reverse Repo et a réduit à plusieurs reprises la norme de solvabilité imposée par les banques dans leur travail avec les PME. Toutes ces mesures visent à encourager l’octroi de crédits aux entreprises et aux citoyens.

Le gouvernement a également élaboré des mesures d’encouragement à la consommation en direction de la population, notamment sur le marché des produits technologiques.

«Cela explique probablement pourquoi nous constatons actuellement une accélération des investissements, de la vente au détail et de la production industrielle», souligne Konstantin Karpov.

Guennadi Nikolaev estime quant à lui que les efforts des autorités chinoises ont été vains et que nous risquerions de faire face à des bouleversements globaux si la situation ne changeait pas d’ici la fin de l’année.    

Vladimir Rojankovski, expert du Centre financier international, affirme qu’il est encore trop tôt pour paniquer. Il ne pense pas que les statistiques actuelles de la Chine soient mauvaises.

«Il s’agit d’un exemple classique du dilemme du verre à moitié plein ou à moitié vide. Il n’existe qu’un seul argument: si le PIB chinois continuait à croître au rythme actuel, c’est-à-dire de 6,2% par an, il atteindra d’ici 2024 (l’année de la présidentielle américaine) le niveau de l’actuelle première économie mondiale», explique-t-il.

A ses yeux, le fait que la croissance du PIB chinois ralentisse lentement correspond parfaitement à la théorie économique des macrocycles selon laquelle l’économie du pays approche de l'âge mûr. Vladimir Rojankovski estime que les guerres commerciales ne jouent aucun rôle spécial et que tout s’explique par les caractéristiques inhérentes à l’économie chinoise. C’est exactement la raison de la progression de près de 10% des ventes au détail, ce qui a considérablement dépassé les prévisions de consensus (8,5%).

«Il est fort probable que l’économie chinoise est assez flexible pour transformer - ne serait-ce que dans un volume limité - la demande extérieure - dont le potentiel n'est pas totalement réalisé à cause des droits de douane américains - en demande intérieure», fait-il remarquer.

Crise mondiale

Tous les experts soulignent pourtant un problème structurel: comme la croissance rapide de la Chine a exigé énormément de financement, les entreprises ont accumulé des dettes colossales - ce qui pourrait provoquer une nouvelle crise globale.

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Le problème le plus important concerne le secteur privé, notamment les sociétés du bâtiment et les petites banques. Selon les données de la Banque populaire de Chine, le volume des crédits bancaires chinois a atteint depuis le début de l’année 3 230 milliards de yuans (477 milliards de dollars), alors que le total des emprunts octroyés au secteur privé chinois se chiffre à 4 640 milliards de yuans (685,18 milliards de dollars).

La Chine avait lancé en 2016 une politique de diminution de la charge de la dette, mais ce processus a été freiné en 2018 par le début des guerres commerciales, et on constate même aujourd’hui une nouvelle croissance de l’endettement. Ainsi, la Chine pourrait bien faire face à une nouvelle crise de la dette d’ici quelques années, souligne Konstantin Karpov.

«Bien que la Chine dispose des réserves de change les plus importantes du monde - plus de 3 000 milliards de dollars - il lui faut sans doute faire preuve de plus de prudence avec la machine à crédits. Dans tous les cas, la situation dans le pays est loin d’être critique», estime Vladimir Rojankovski. L’économiste éminent Stephen Roach, professeur d’économie à l’Université de Yale et ancien économiste en chef de Morgan Staley pour l’Asie du Sud-Est, est du même avis.

«Le point d’explosion de l’économie mondiale pourrait résider dans n’importe quel problème, de la faillite des banques turques à la chute des revenus des entreprises américaines. Il existe beaucoup d’options, et les guerres commerciales non seulement ajoutent plus de diversité, mais peuvent aussi favoriser la réalisation des uns et empêcher celle des autres. Par exemple, les guerres commerciales permettent d’éviter la surchauffe, parce qu’elles freinent la croissance globale», explique Dmitri Alexandrov, stratégiste en chef du groupe d’investissement Univer.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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