Lyon, Rouen, Roubaix… une finale de la CAN encore émaillée de violences, les médias minimisent-ils?

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Malgré les pillages, agressions et deux morts lors des célébrations de la victoire de l’Algérie à la CAN, la presse française évoque un bilan globalement «positif» avec quelques «incidents». Retour sur une énième soirée marquée par des violences en marge d’un évènement footballistique.

Sans «incident majeur», avec «beaucoup de joie partout en France», telle fut la manière dont certains grands médias français ont présenté dès samedi matin la soirée du vendredi 19 juillet qui a vu l’équipe d’Algérie remporter la finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) face au Sénégal. 

​Dans Paris, 2.500 policiers étaient mobilisés et à Marseille, le dispositif de sécurité était dépeint comme «digne d’un 14 juillet». Ainsi, au matin, la préfecture annonçait 102 personnes interpellées (dont 86 placées en garde à vue) dans la capitale, soit près du double des chiffres communiqués pour la soirée du 14 juillet. Du côté des vidéo-verbalisations dressées pour conduite dangereuse dans les rues de Paris, les chiffres restent similaires: 171 le 19 juillet contre 202 le soir de la fête nationale; à l’échelle nationale, le chiffre était également en baisse, avec 198 interpellations, contre 282 dimanche dernier.

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Pour autant, si dans la capitale et la cité phocéenne, où l’on redoutait des débordements, ceux-ci furent bien moindres que les 14 (demi-finale) et 11 (quart de finale) juillet, on ne peut pas en dire autant pour les villes de province et les banlieues.

Pillages de boutiques, incendies de voitures, de transports en commun, d’immeubles, destructions de mobilier urbain, agressions… ainsi qu’un accident et une agression mortels, sont malheureusement à porter au bilan de cette soirée de la victoire des Fennecs (surnom de l’équipe de football d’Algérie) en France.

Lyon particulièrement touchée

«Quelques incidents» sont venus ponctuer une «célébration joyeuse» à Lyon. En effet, la cité rhodanienne et sa banlieue ont été le théâtre de divers débordements. Notamment place Bellecour (IIe arrondissement) où le Monop’ et la brasserie Bocuse Le Sud, située un peu plus loin, ont été saccagés, près de la Guillotière (VIIe arrondissement) c’est un magasin de vélo a été pillé. à Vénissieux, une voiture a été retournée et incendiée sur les voix du tramway.

Neuf blessés parmi les forces de l’ordre sont à déplorer. Un «bilan de cette nuit reste relativement bon selon la préfecture, compte tenu de l'importante affluence dans les rues de Lyon», relatent nos confrères du service public.

​Lyon, où une enquête a été ouverte pour «violence aggravée, dégradation aggravée et menaces de mort à caractère raciste» après l’agression d’une famille venue célébrer la victoire algérienne. Arrivée en voiture dans le centre-ville de Lyon, leur véhicule a été frappé à coups de battes de baseball par une bande d’individus cagoulés et vêtus de noir qui leur ont crié «bande de sales bougnoules».

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Aux habituels rodéps sauvages, destructions de vitrines, feux de poubelles ou de voitures et autres «dégradations de mobiliers urbain», tel cet arrêt de bus à Roubaix, l’incendie dans le métro de Villeneuve-d’Ascq, dans la banlieue de Lille, ou encore la destruction partielle de la statue du Général de Gaulle à Évreux, s’ajoutent des agressions violentes. Comme à Bordeaux, où un homme a été frappé à coup de casque de moto, en pleine rue, par des supporters algériens à qui il aurait demandé de faire moins de bruit.

À Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), à proximité du quartier du Plessis, un jeune homme de 21 ans circulant sur un deux-roues a été tué par une voiture roulant à contresens. Le conducteur du véhicule a pris la fuite. Notons également que le deux-roues de la victime a été volé avant l’arrivée des secours. Un drame qui rappelle celui survenu 11 juillet à Montpellier, dans un contexte de «liesse collective» (pour reprendre les mots du procureur), où une famille avait été fauchée par un franco-marocain qui roulait «à vive allure». La mère de famille avait été tuée sur le coup, son bébé en poussette grièvement blessé et sa fille aînée blessée. Si le chauffard, rapidement arrêté avant d’être promptement relâché, avait nié être un supporter des Fennecs, des témoignages allaient à l’encontre de cette version, avait détaillé le procureur.

Agression mortelle à Rouen

Autres circonstances pour la mort tragique le 19 juillet à Rouen de Mamoudou Barry. Ce jeune chercheur guinéen de l’université de Rouen, qui venait de soutenir sa thèse de doctorat, a été tué dans une altercation devant sa femme. Bien que plusieurs témoins affirment que la victime et sa femme ont été traitées de «sales noirs», certains médias français s’interrogeaient toujours lundi matin sur la nature raciste de l’agression, faisant preuve d’une extrême prudence. Il aura fallu que des médias francophones africains, essentiellement guinéens, s’émeuvent de l’affaire pour qu’elle soit abondamment reprise dans la presse nationale française.

​«On va vous niquer ce soir!» aurait notamment proféré l’agresseur de Mamoudou Barry, une allusion qui établit clairement un lien avec la finale de la CAN, qui débutait quelques minutes plus tard. Le suspect a été appréhendé lundi 22 juillet et la presse a alors mis en avant les «antécédents psychiatriques» du prévenu et sa nationalité turque. Placé en garde à vue dans la matinée, l’individu a été relâché pour raison médicale.

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