Le spectre d’un dur conflit entre Autochtones et «Blancs» renaît au Québec

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Au Canada, la tension monte entre la ville d’Oka et une nation autochtone, ce qui fait craindre le pire: un précédent conflit avait mené à une intervention de l’armée. Le maire d’Oka, Pascal Quevillon, dénonce au micro de Sputnik le climat de censure autour de cette crise.

Oka, poudrière québécoise? De récentes tensions autour de différends fonciers entre cette municipalité et la nation mohawk ravivent de douloureux souvenirs.

En effet, les événements de juillet à septembre 1990 ont marqué l’histoire de la région. Baptisés «crise d’Oka», ils ont opposé les Mohawks aux gouvernements québécois et canadien. Au cœur du litige: la dispute d’un territoire jugé sacré par les Amérindiens. Quand un promoteur a annoncé qu’il allait agrandir un terrain de golf avec l’appui du maire d’Oka, les Mohawks se sont massivement mobilisés, notamment en bloquant des routes. Après une intervention ratée de la Sûreté du Québec, l’armée canadienne a dû intervenir. Petite ville à majorité «blanche», Oka est située tout près d’une terre autochtone où s’appliquent des lois différentes.

Mais voilà que de nouvelles tensions sont apparues entre les deux groupes. Récemment, la possibilité de céder une parcelle de territoire aux Mohawks de Kanesatake a suscité les craintes de citoyens d’Oka et de son maire, Pascal Quevillon. Ils craignent que ne soient bâtis près de la ville des magasins de cigarettes et de marijuana, communément appelés «cabanes à cigarettes» et «cabanes à pot». La vente de tabac est l’une des principales activités économiques des nations amérindiennes. Et depuis la légalisation récente de la marijuana, des Autochtones se sont aussi lancés dans la distribution de ce produit.

«Il y a plus de cabanes de cannabis sur le seul territoire de Kanesatake qu’il n’y a de Sociétés québécoises du cannabis sur l’ensemble du territoire québécois [les échoppes vendant légalement le cannabis au Québec, ndlr]. […] Nous sommes inquiets pour notre économie locale. Notre municipalité vit essentiellement de l’industrie récréotouristique. Il y a de jeunes familles qui viennent dans la région, notamment pour y faire du vélo. Disons que nous n’attirons pas la même clientèle que les vendeurs de cigarettes et de cannabis», a pointé M. Quevillon en entrevue avec Sputnik France.

Sans parler de crime organisé, le maire d’Oka estime que les méthodes de certains commerçants de cannabis ne sont pas totalement licites. Des méthodes qui pourraient selon lui faire fuir les touristes et nuire à l’image de la ville:

«Je vous confirme aussi que le cannabis qui se vend à Kanesatake ne pousse pas à Kenesatake. Il y a donc plusieurs zones grises au niveau de la légalité. […] Le grand chef de la nation mohawk, Serge Simon, s’est souvent fait menacer par des gens de sa communauté. Quand le grand chef et son conseil veulent prendre des décisions [liées à la vente de marijuana, ndlr], on le menace de brûler sa maison. À la base, il y a une problématique de contrôle sur le territoire», a précisé le maire.

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«À Oka, les citoyens se sont prononcés: on ne veut pas ça [des commerces de cannabis près de la ville, ndlr]. Présentement, il n’y a aucun contrôle qui se fait sur le territoire de Kanesatake», avait répété M. Quevillon sur la chaîne de Radio Canada. Lorsqu’il a publiquement fait part de ses inquiétudes, le grand chef Simon a accusé le maire d’Oka de faire preuve de racisme à l’égard des Autochtones. Des accusations que réfute totalement le principal intéressé:

«Le grand chef Simon me traite de raciste depuis plusieurs semaines. Ce n’est pas le cas du tout: je ne suis aucunement raciste. J’ai plusieurs amis qui font partie de la communauté mohawk. J’ai même des gens de ma famille qui sont mohawks, des cousins de mon père sont mohawks. Tout ce que j’ai dit, ce sont des faits et la majorité des citoyens d’Oka partagent mes propos», s’est défendu M. Quevillon à notre micro.

À la suite de ses commentaires, M. Quevillon a également été rabroué par Justin Trudeau. Aux dires du Premier ministre canadien, les commentaires du maire «manquent de respect et de compréhension, qui sont nécessaires à la réconciliation».

Pour Justin Trudeau, les Canadiens doivent accorder leur «soutien inconditionnel» aux Amérindiens «de la même manière qu’un parent doit offrir son amour inconditionnel à son enfant –bien qu’il n’y ait pas de dynamique parent-enfant dans la situation actuelle», a-t-il affirmé le 19 juillet dernier.

Une sortie peu surprenante du Premier ministre, qui promet toujours de réconcilier les Autochtones avec les Canadiens d’origine européenne. D’ailleurs, le 3 juin dernier, le rapport sur les femmes autochtones disparues et assassinées a enfin été déposé, marquant une étape importante de son mandat. Selon le maire d’Oka, par cette déclaration, Justin Trudeau a tenté de sauver son image. Il estime même que cette nouvelle saga pourrait rebondir pendant la campagne fédérale, qui va prochainement débuter, et dénonce le climat de censure qui entourerait cette affaire:

«On essaie de me faire passer pour le maire irresponsable et on veut me faire taire, pour que la prochaine campagne fédérale se déroule sans anicroche. […] C’est facile actuellement d’accuser quelqu’un de racisme. Présentement, il y a comme une vague du genre “soyons amis avec les Autochtones”. Je ne suis pas contre ce mouvement, mais j’aimerais rappeler que nous sommes aussi sur ce territoire depuis 300 ans, alors le gouvernement fédéral doit aussi nous prendre en considération. […] C’est clair qu’il va y avoir des répercussions sur la campagne électorale», estime l’élu.

Le maire Quevillon et le grand chef Simon ont fait appel au gouvernement fédéral pour tenter de trouver une issue à cette crise. Une première séance de médiation est prévue dans les jours à venir.

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