Un «tsunami de dette»: les entreprises américaines empruntent à un rythme record

© AFP 2023 Timothy A. ClaryCompteur new-yorkais de la dette publique américaine
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Les corporations mondiales ont emprunté 150 milliards de dollars en une semaine, battant ainsi tous les records historiques. Près de la moitié de cette somme concerne les sociétés américaines, qui attirent les emprunts le plus rapidement. Est-ce le signe d'une crise imminente?

Pendant les sept premiers jours de septembre, les corporations américaines, européennes, chinoises et japonaises ont accumulé 150 milliards de dollars de dette. Les Américains sont en tête de file: leurs entreprises ont emprunté 74 milliards de dollars.

Il s’agit d'un record depuis la création de ces statistiques en 1972. En trois jours, le marché américain a vu apparaître plus de titres de dette que pendant tout le mois d’août.

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A première vue, cette activité importante des investisseurs témoigne de la bonne santé des marchés financiers. En réalité, ce n'est pas forcément le cas.

L’économie américaine ralentit. En août dernier, la production a diminué pour la première fois depuis trois ans, alors que les ventes de maisons préfabriquées ont chuté à leur niveau minimal depuis huit ans. 

La baisse rapide du volume des transports de marchandises par la route est encore plus éloquente: près de 50% depuis un an. Qui plus est, les tarifs ont diminué de pratiquement 20%.

Par conséquent, le secteur a fait face à une vague de faillites et de licenciements. Selon la société d’analyse Broughton Capital, 640 entreprises de transport automobile ont fait faillite au cours du premier trimestre de l’année aux États-Unis (contre 310 entreprises pour toute l'année 2018). 4.500 chauffeurs routiers américains ont perdu leur emploi en juillet-août.  

On constate un ralentissement même dans l’industrie de schiste, qui était devenue ces derniers temps le symbole de la prospérité économique du pays. Selon les statistiques d’emploi, le secteur pétrogazier a licencié 11.000 salariés depuis un an.

L’industrie du raffinage fait preuve de la réduction de production la plus forte depuis la crise mondiale de 2009: de près de 250.000 barils par jour.

Qui plus est, le ministère du Travail a reconnu que l’économie affichait en réalité 501.000 emplois de moins par rapport aux chiffres annoncés auparavant, alors que le sondage mené par la société Langer Research Associates pour la chaîne ABC indique que 60% des Américains considèrent une chute économique comme «probable» ou «très probable» en 2020. A titre de comparaison, en novembre 2007, un an avant la crise économique, 69% des personnes sondées envisageaient une crise.  

Une monnaie de moins en moins chère

La Fed tente de soutenir l’économie à l’aide de crédits bon marché. En juillet, le régulateur américain a baissé ses taux pour la première fois depuis plus de dix ans.

Dans tous les cas, il est aujourd’hui trop risqué d’investir dans la production. Les entreprises-clés des secteurs traditionnels de l’économie américaine font face à des problèmes colossaux.

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Ainsi, l’agence de notation Moody’s a baissé le 10 septembre la note de Ford Motor Co. jusqu’au niveau «pourri». General Electric vend activement ses actifs pour payer ses créanciers. La crise de Boeing se poursuit: la reprise éventuelle des vols des 737 Max est toujours en question. La situation des géants technologiques américains laisse elle aussi à désirer: ils vont faire face à de nouvelles inspections par les organes antimonopole et, très probablement, à de nouveaux impôts.

Dans ce contexte, très peu d'acteurs osent acheter des actions, et ce sont donc principalement de grandes entreprises qui réalisent ces transactions. C’est pourquoi, pour la plupart des investisseurs, l’outil principal réside dans les titres à rendement fixe, tout d’abord publics. L’afflux d'argent sur ce marché s’est soldé par la chute du rendement des bons du Trésor à un niveau record.

Comme les titres publics servent de repère pour tout le marché des obligations, les investisseurs se sont mis à acheter activement des obligations corporatives, ce qui s’est soldé par des emprunts moins coûteux pour les entreprises. Les sociétés problématiques ont immédiatement profité de la situation afin d’attirer, grâce à l’émission d'obligations, des fonds nécessaires pour restructurer leur dette existante. Cette attitude a suscité un «tsunami de dette» sur le marché.    

La dernière bouffée d’air

La situation ne cessera de s’aggraver au cours des mois à venir car les banques centrales occidentales, préoccupées par la perspective d’une crise globale, s'orientent vers un assouplissement de la politique monétaire. La BCE a baissé la semaine dernière de dix points son taux de dépôt et a annoncé un programme d’achat d'actifs pour 20 milliards d’euros par mois.

Seulement 30 minutes après, Donald Trump a critiqué la Fed sur Twitter en exigeant l’assouplissement de sa politique monétaire sur l’exemple européen.

​«La Banque centrale européenne agit rapidement et baisse son taux de dix points, a souligné le maître de la Maison-Blanche. Ils tentent - avec succès - de dévaluer l’euro par rapport au dollar TRES fort, portant ainsi préjudice aux exportations américaines. Et la Fed reste assise sans rien faire».

Les critiques de Donald Trump sont en retard par rapport aux faits: la Réserve fédérale a acheté en juillet 14 milliards de dollars d'obligations américaines aux investisseurs privés, en relançant de fait l’assouplissement quantitatif.     

Les experts doutent cependant que cela puisse sauver l’économie de la récession. Ils citent notamment l’expérience du Japon, où la banque centrale achète des actifs depuis des années. 

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Le seul résultat de cette politique a été que la banque centrale japonaise est devenue l’actionnaire majoritaire de la plupart des entreprises nationales. Mais la croissance n’a pas du tout augmenté.

C’est pourquoi on peut dire avec certitude que l’assouplissement de la politique monétaire de la Fed ne fera que pousser les entreprises américaines de niveau secondaire encore plus loin dans l’abîme de dette. Plus bas sera le taux de la Fed, moins coûteux seront les emprunts et plus improbable sera l’acquittement des dettes de ces entreprises.

Le danger de cette situation réside notamment dans le fait que l’équilibre instable entre le ralentissement cyclique de l’économie et les stimulations financières de la Fed sera certainement perturbé, et très rapidement. Ce qui sera une catastrophe pour les entreprises américaines endettées.

Si la Fed «gagnait», ses taux augmenteraient et il serait impossible d’attirer de nouveaux fonds pour assurer la restructuration. Les entreprises seraient donc obligées de faire faillite.

Si les tendances cycliques prenaient le dessus sur la politique de la Fed, la récession serait inévitable et les investisseurs réorienteraient les flux monétaires vers les actifs de protection, tels que l’or. Privés d’emprunts, des milliers d’entreprises américaines feraient également faillite.

Qui plus est, l’argent bon marché se solde par l’apparition de nouvelles bulles de marché, dont l’une se développe actuellement sur celui de l’immobilier. Ainsi, les prix de l’immobilier à New York, à Los Angeles et à San Francisco ont augmenté de manière si drastique que les Américains déménagent en masse de ces villes vers les États centraux, où les coûts sont moins importants. Beaucoup de personnes se retrouvent tout simplement dans la rue, car elles ne peuvent pas se permettre de payer un loyer énorme. 

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