Boko Haram poursuit son offensive: des attaques en forme «de répétition générale»

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Six militaires camerounais ont été abattus dans une attaque attribuée à Boko Haram dans la nuit de samedi à dimanche 15 septembre à Soueram, une localité de l’Extrême-Nord du Cameroun. Au Nigeria, une offensive a été repoussée à Maiduguri. Des incursions qui démontrent encore la capacité de nuisance du groupe et anticipent les conflits à venir.

Boko Haram a encore tué dans la région de l'Extrême-Nord du Cameroun. Une attaque du groupe djihadiste a fait au moins six morts dans les rangs de l’armée camerounaise, dans la nuit du samedi à dimanche 15 septembre. D'après les sources sécuritaires locales, l’offensive a visé un poste de la Force multinationale mixte (FMM), une coalition régionale engagée contre les djihadistes de la secte islamiste, dans la localité de Soueram, non loin du lac Tchad, près de la frontière nigériane.

​Cette attaque – l’une des plus lourdes de ces derniers mois – a par ailleurs fait une dizaine de blessés parmi les soldats. Pour Raoul Sumo Tayo, universitaire camerounais, expert des questions de sécurité et de défense à l'université Yaoundé 1, cette résurgence de Boko Haram est la preuve que la menace persiste et que les forces de défense doivent rester vigilantes. 

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«L’attaque de Boko Haram vise à montrer aux populations locales que si les forces de défense avec qui elles sont en train de négocier sont incapables d’assurer leur propre sécurité, elles sont d’autant moins dans la capacité d’assurer celle des citoyens. Les insurgés attaquent généralement les maillons faibles du système de défense, notamment des postes où les militaires, en raison de l’accalmie, ont baissé la garde en adoptant de nouveaux comportements qui deviennent des critères de vulnérabilité», analyse l’expert au micro de Sputnik.

Bien qu’affaibli, Boko Haram reste très actif dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, frontalière du Nigeria. Dans la nuit du 9 au 10 juin dernier, 17 soldats camerounais avaient été tués dans une attaque massive contre leur poste avancé par des membres du groupe à Darak.

Une multiplication des incursions en saison pluvieuse qui, pour Raoul Sumo Tayo, fait craindre des périodes plus sombres en saison sèche, qu’il juge propice aux manœuvres du groupe terroriste.

«Avec l’assèchement des tranchées, les incursions pourraient être assez régulières, les attaques vont se démultiplier et les attaques de Darak pourraient juste être une forme de répétition générale», anticipe l’universitaire. 

Contrairement aux abords des monts Mandara, dans le lac Tchad aujourd’hui, Boko Haram contrôle nombre de localités côté nigérian. 

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«De nombreux anciens combattants de Daech* seraient rentrés dans la bande sahélienne à côté du Niger. La sophistication des attaques et l’évolution des modes opératoires pourraient traduire un transfert des savoirs sur le terrain djihadiste en direction des abords du lac Tchad. Les États de la commission du bassin éponyme doivent prendre toutes les dispositions pour anticiper ce qui pourrait survenir dès la fin des pluies»,poursuit l’analyste au micro de Sputnik.

Pendant ce temps au Nigeria voisin, les combattants islamistes de la secte Boko Haram ont pris d’assaut, dimanche 15 septembre dernier, l’université de Maiduguri. Les assaillants ont été repoussés par une riposte farouche des forces armées nigérianes. Alors que les offensives de Boko Haram se multiplient dans la région, Raoul Sumo Tayo estime que le Nigeria devrait au préalable«reprendre le contrôle de son espace territorial».

«La bande frontalière du Nigeria contiguë au Cameroun constitue, malgré la persistance des opérations transfrontalières, une zone grise où les insurgés peuvent continuer à agir impunément», commente Raoul Sumo Tayo au micro de Sputnik.

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Freiner considérablement les agissements de la secte islamiste dans la région, selon lui, va au-delà de l’usage de l’outil militaire.

«Boko Haram c’est une idéologie, on ne vainc pas une idéologie à coups de missiles et de canons», affirme l’analyste des questions sécuritaires.

Tout en démontrant les limites des moyens militaires, Raoul Sumo Tayo préconise une révision de la stratégie des pays de la région qui consisterait à éradiquer avant tout le sous-développement, notamment en accompagnant les actions opérationnelles sur le terrain avec des actions d’influence «en s’attaquant aux racines du mal, en mettant en œuvre une gamme d’actions qui participeraient à la riposte globale à laquelle les autorités politiques font référence».

«Il faut accompagner. Il faut maintenir certes un outil militaire crédible sur le terrain à travers le renforcement des unités de la FMM, mais il faut également investir dans certains moyens qui ne sont pas nécessairement létaux. Je parlerais de la pauvreté, mais beaucoup plus des événements dont la succession dans la longue durée a conduit au basculement vers l’insurrection de nombreux jeunes de cette région. À cet effet, il faut mener une bataille du cœur et des esprits parce que sans le soutien des populations, la force sera inefficace sur le terrain», conclut Raoul Sumo Tayo au micro de Sputnik.  

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Après une relative accalmie en 2018, les assauts de la secte islamiste Boko Haram s’étaient multipliés dans la région du lac Tchad (Cameroun, Tchad, Nigeria et Niger). Depuis 2009, cette insurrection djihadiste a déjà fait plus de 27.000 morts.

Au nord-est du Nigeria, dans la région du Diffa au Niger, dans la région Extrême-Nord du Cameroun et à l’est du Tchad, des millions de personnes sont victimes de déplacements, massacres, malnutrition aiguë et maladies. Selon l’ONU, 10,7 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire dans cette partie du continent.

*Organisation terroriste interdite en Russie

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