Paris: la capitale où se loger devient un enfer

© Photo Pixabay/dnovacParis
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Peu d’offres, prix exorbitants, trouver un logement à Paris relève du parcours du combattant. La barre des 10.000 euros le mètre carré a été franchie et les loyers atteignent des sommets. Une flambée qui pourrait se poursuivre, selon les professionnels du secteur. Sputnik France fait le point sur l’inaccessible capitale.

«Je n’ai jamais vu ça.»

Aude n’en revenait pas. Cette jeune étudiante originaire d’Aix-en-Provence n’imaginait pas que la quête d’un logement à Paris s’apparenterait à une véritable bataille rangée. «Montée sur la capitale» pour poursuivre ses études de graphisme, elle a dû se résoudre à trouver une colocation, après avoir abandonné l’idée de vivre seule.

«J’avais un budget d’environ 800 euros, je me suis parfois retrouvé dans des visites d’appartement avec des dizaines et des dizaines d’autres candidats. Parfois, les queues faisaient penser à ce que l’on peut voir dans les concerts!», explique-t-elle.

Avec des prix dépassant les 30 euros au mètre carré pour un studio dans certains quartiers, les loyers parisiens sont à un niveau qui ne permet plus à de nombreux Franciliens d’habiter seuls.

​Les colocations se multiplient et certains sont obligés de s’exiler en banlieue de plus en plus lointaine, quitte à passer plusieurs heures par jour dans les transports en commun.

«Les propriétaires demandent de plus en plus de garanties. Nous sommes obligés de refuser de nombreux dossiers faute de garants. Pour beaucoup de jeunes qui n’ont pas la chance d’avoir des parents aisés, c’est une véritable galère», raconte Christophe*, employé d’une agence immobilière du Nord-ouest parisien.

Même son de cloche du côté de Florian Brosse, gestionnaire locatif à l’agence immobilière Orpi, cité par Lavieimmo.com:

«J’ai reçu plus de 100 mails et 80 appels en moins de 24 h pour une annonce publiée hier. On n’arrive pas à répondre à tout le monde.»

«Il n’est pas rare de voir défiler des dizaines et dizaines de candidats sur une seule journée pour un studio», explique Christophe*. Afin de limiter la hausse des loyers, et grâce à la Loi logement, la mairie de Paris a remis en place l’encadrement des loyers depuis le 1er juillet. La justice avait cassé ce dispositif il y a deux ans.

«Lors de son application à Paris de 2015 à 2017, le dispositif avait permis de stabiliser les loyers parisiens, qui avaient connu une hausse continue de 50% durant la décennie précédente 2005-2015», assure la mairie de Paris.

Mais les montants des loyers sont toujours très élevés. «Sur Paris, c’est presque impossible de trouver un studio à moins de 600 euros, même avec l’encadrement des loyers», affirme Soumicha Hammouti, assistante de gestion locative chez Century21, citée par Lavieimmo.com. Ian Brossat, adjoint responsable du logement à la mairie de Paris, souhaite donc aller plus loin. Le 11 septembre, il a affirmé sur CNews sa volonté de «bloquer les loyers à Paris»:

«En France, un maire n’a pas le pouvoir de bloquer les loyers. Il a besoin de l’État pour le faire. L’État devrait nous donner les moyens de remettre de la régulation dans ce secteur privé qui est devenu fou.»

Un tel dispositif sera mis en place à Berlin en 2020, mais pas à Paris si le candidat LREM Benjamin Griveaux emportait les municipales en mars prochain.

«Quand on choisit de laisser les clés à Ian Brossat, on applique le communisme municipal. Résultat: Paris perd 12.000 habitants par an depuis cinq ans. Essentiellement les classes moyennes», a-t-il lancé à nos confrères du Parisien.

Si vous avez l’ambition d’acheter un logement à Paris, vous avez intérêt à être à l’aise financièrement. En moyenne, il vous faudra débourser plus de 10.000 euros le mètre carré.

«10.000 euros le mètre carré à Paris, [...] cette barre a été atteinte au mois d’août», a affirmé le notaire parisien Thierry Delesalle.

L’augmentation des prix est bien plus sensible à Paris que sur le reste du territoire. Selon Meilleurs Agents, sur dix ans, les prix n’ont gagné que 10% sur l’ensemble du territoire et un peu moins de 30% dans les 10 autres principales métropoles françaises. À Paris, la hausse est de… 60%.

​D’après Thierry Delesalle, l’offre de logement social est responsable de cette situation:

«Ca crée encore un peu plus de tension», a-t-il expliqué, avant de souligner que les prix parisiens avaient encore pris plus de 6% en un an au second trimestre (contre +3,2% pour l’ensemble de la France) et notant que le marché se déporte plus que jamais sur une petite couronne «archi-dynamique», soit les départements limitrophes: 92, 93 et 94.

«En 2018, 86% des acheteurs appartenaient aux catégories socioprofessionnelles les plus favorisées contre 69% en 1998, selon les notaires du Grand Paris. Les ouvriers et les employés ne pèsent, de leur côté, plus que 5% des transactions immobilières (contre 15% en 1998)», notent pour leur part nos confrères du Figaro.

D’après une étude du courtier en crédit immobilier Vousfinancer.com, pour acheter un appartement de 50 m² à Paris, financé par un emprunt sur 20 ans avec 10% d’apport, il faut gagner… 7.300 nets par mois.

Et le Brexit pourrait faire encore accélérer la hausse des prix, surtout dans l’immobilier de luxe. «Le réseau d’agences immobilières haut de gamme Barnes, constatait déjà fin novembre [2018 ndlr] dans une analyse publiée sur son site, que “depuis environ six mois, 5% à 10% de ses ventes réalisées dans le Marais, les VIe, VIIe, IXe et XVIIIe arrondissements se faisaient auprès de Français qui rentrent de Londres et d’Européens de Londres qui s’installent à Paris”», notait nos confrères de LCI en janvier dernier.

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Hausse record du pouvoir d’achat en 2019? Pour qui? Et surtout… comment?

La frénésie acheteuse risque d’être encouragée par des conditions de crédit historiquement favorables, politique monétaire ultra accommodante de la Banque centrale européenne oblige. D’après l’observatoire Crédit Logement/CSA, les taux d’intérêt immobiliers français sont tombés à un plancher historique (1,17%) en août.

Selon Thomas Lefebvre, directeur scientifique de Meilleurs Agents, la hausse des prix dans la capitale est partie pour durer: «On imagine mal le marché caler à Paris au cours des 12 prochains mois.» Son site table sur une nouvelle hausse de 6% d’ici à un an.

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