Assange torturé au Royaume-Uni en attendant son procès aux États-Unis?

© Sputnik . Alex McNaughtonAssange
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L'Onu tire la sonnette d'alarme concernant l'état de Julian Assange, qui subit une torture psychologique et une pression permanentes. Cela fait plusieurs mois qu'il attend une décision sur son extradition aux États-Unis dans la prison la plus austère de Londres.

La «Guantanamo britannique»: ainsi a été surnommée la prison de haute sécurité de Belmarsh, à Londres. Y sont détenus les criminels les plus dangereux - des tueurs en série, des terroristes et des braqueurs. Parmi eux s'est retrouvé le journaliste Julian Assange, fondateur du site WikiLeaks qui a dévoilé au monde des secrets gouvernementaux.

Pendant les sept années qu'il a passées à l'ambassade d’Équateur à Londres, il se plaignait souvent d'une connexion internet instable, d'absence de services médicaux et de la possibilité de se promener en plein air. Ses conditions de détention actuelles sont bien plus austères.

Les détenus de Belmarsh ont déploré à de multiples reprises le traitement violent dont ils faisaient l'objet. Selon certaines informations, en 2009 un détenu sur cinq subissait des violences, et pas seulement de la part des gardiens de l'établissement pénitentiaire: cette colonie est connue pour l'hostilité irréconciliable entre les musulmans et les catholiques condamnés. De violents conflits y surviennent.

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Des images de Julian Assange depuis sa prison fuitées en ligne

Mais il ne s'agit pas seulement de la violence physique et des conditions de détention.

D'après le rapporteur spécial de l'Onu sur la torture Nils Melzer, Julian Assange subit une pression psychologique. «Je lui ai rendu visite avec deux experts médicaux. Nous avons conclu qu'il subissait depuis une longue période des tortures psychologiques. C'est une conclusion médicale», a-t-il souligné.

Nils Melzer a indiqué que le comité demandait aux autorités impliquées dans l'affaire, au Royaume-Uni, aux États-Unis, à la Suède et à l'Equateur, d'enquêter sur ces circonstances et de prendre des mesures. Mais elles ont ignoré cet appel en transgression de leurs engagements dans le cadre de la Convention de l'Onu contre la torture.

Nils Melzer a pris en charge cette affaire en mars 2019. Il a reconnu avoir reçu de nombreuses demandes quotidiennes en ce sens, mais refusait de s'impliquer dans la situation à cause de «certains préjugés». Plus tard Nils Melzer a déclaré:

«J'ai été surpris que le jour de son arrestation il a été immédiatement amené au tribunal après tant d'année de séjour à l'ambassade d’Équateur, et immédiatement condamné. Dans la pratique normale, l'individu est d'abord interpellé, puis on lui laisse quelques semaines pour préparer sa défense.»

Il a également noté qu'en 20 ans de travail avec des victimes de la guerre et des criminels politiques il n'avait pas été «confronté à une situation où plusieurs États démocratiques s'étaient sciemment unis pour isoler, diaboliser et enfreindre les droits d'un individu concret, en omettant les principes du droit et la dignité de l'homme».

Un modèle de force d'esprit

Cela fait longtemps que le mauvais état de santé d'Assange est dénoncé. Quand il a été littéralement traîné hors de l'ambassade, il ne ressemblait pas à un homme énergique de son âge - 48 ans. «Julian subit différentes tortures», affirmait alors son père John Shipton. Et de préciser que son fils avait perdu du poids, qu'il tremblait et était nerveux pendant les rencontres.

D'après Carlos Poveda, avocat du fondateur de Wikileaks, son client est complètement isolé, avec seulement une heure de communication par jour. Même si certaines personnes célèbres ont réussi à le voir.

L'actrice et mannequin américaine Pamela Anderson a partagé ses impressions sur leur rencontre: «Il m'a prise dans les bras et soulevée. C'est un modèle de force d'esprit.» D'après l'actrice, la prison de Belmarsh n'est pas un endroit «où l'on voudrait laisser ses proches». Elle est convaincue que le détenu subit une violence psychologique. «Il avait raison: tout ce qu'il avait prédit s'est réalisé», a ajouté Pamela Anderson.

La chanteuse britannique M.I.A. Mathangi Arulpragasam a déclaré aux journalistes que depuis plusieurs mois elle cherchait à transmettre à Assange un livre sur le yoga, mais que son cadeau n'était pas transmis à son destinataire.

«Je pense que c'est trop - empêcher cet homme de lire des livres. Je n'ai même pas été autorisée à lui transmettre des cahier pour écrire», partage-t-elle ses inquiétudes. Le plus terrible dans cette histoire, selon l'artiste, est que le journaliste «s'est retrouvé dans une telle situation pour avoir révélé des crimes de guerre».

En juin, le célèbre dissident chinois Ai Weiwei a rendu visite au fondateur de WikiLeaks, qui connaît à ses dépens le traitement violent dans les prisons. Selon lui, l'état du détenu se détériore de plus en plus, et au moment de la rencontre il se trouvait à l'hôpital pénitentiaire.

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La rédactrice en chef de Sputnik rend hommage à Assange, «le plus grand journaliste de son temps»

Assange y a été placé en mai. Son représentant avait alors déclaré que son état était si grave qu'il ne pourrait pas participer au procès, même par visioconférence. Selon Nils Melzer, le détenu présentait également des problèmes physiques, mais c'était surtout «l'anxiété permanente» qui l'inquiétait.

«Il est évident qu'il ressentait une menace émanant de tout le monde. Il comprenait pourquoi j'étais venu le voir et ce que je faisait, mais il était très excité et plongé dans ses pensées. Il était difficile de mener la conversation avec lui», explique le rapporteur de l'Onu.

En juin, le site Ruptly a publié un enregistrement réalisé par un détenu de Belmarsh à l'intérieur de la prison. Sur cette vidéo, Julian Assange communique activement avec d'autres détenus, se déplace librement et ne semble pas malade ou faible. On y aperçoit un baby-foot, ainsi qu'une cellule avec une fenêtre, un lit avec un matelas, une table de nuit et un écran. Des livres et des carnets s'y trouvent dans le désordre. Mais on ignore qui l'occupe.

De détention en détention

Le scandale impliquant Julian Assange a éclaté en 2010, quand WikiLeaks a publié des documents confidentiels du département d’État américain et d'autres informations sur les campagnes militaires américaines en Irak et en Afghanistan. Craignant des poursuites, le journaliste est parti en Suède.

Mais d'autres désagréments l'y attendaient: des accusations de viol. Assange est alors parti au Royaume-Uni, et Stockholm a délivré un mandat d'arrêt international contre lui. Le suspect a été arrêté à Londres, puis relâché en attendant la décision concernant son extradition en Suède moyennant une caution de 240.000 livres.

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Le soutien à Assange se rassemble devant le siège du Monde à Paris (images)

C'est alors qu'il a demandé l'asile à l'Équateur. Par la suite, Stockholm a retiré les charges contre lui, mais Londres souligne que la loi britannique a été violée.

Immédiatement après la privation du statut de réfugié politique d'Assange par l’Équateur, les autorités britanniques l'ont interpellé pour répondre à la requête d'extradition des États-Unis. Il a été condamné à 50 semaines de prison pour avoir enfreint les conditions de sa libération sous caution.

Sa peine a été purgée le 22 septembre, mais pendant que le journaliste se trouvait à Belmarsh Washington a officiellement demandé à Londres son extradition aux États-Unis, et Assange n'a pas été relâché. 18 chefs d'inculpation pèsent contre lui aux USA, notamment celui de complot afin de pirater des ordinateurs gouvernementaux et de violation de la loi sur l'espionnage. Si le procès américain avait lieu et que sa culpabilité était avérée, il pourrait être condamné à 175 ans de prison.

Des manifestations de soutien à Julian Assange se sont déroulées à travers le monde fin septembre. Les manifestants ont exigé d'empêcher l'extradition du journaliste. La décision de l'envoyer devant la justice américaine n'a pas encore été prise. Le 11 octobre a eu lieu une nouvelle audience préliminaire à Londres. Le suspect répondait aux questions par visioconférence. Il n'a pas fait de dépositions supplémentaires, confirmant seulement son nom et son âge. Il devrait se présenter en personne au tribunal fin octobre.

L'audience principale commencera le 25 février 2020. C'est alors qu'il sera décidé si le journaliste sera libéré ou devra passer le reste de sa vie dans une prison américaine.

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