Boycott des élections locales au Cameroun, l’opposition dans la tourmente?

© AFP 2023 ALEXIS HUGUET / Des officiers d'Elections Cameroon, l'organe chargé d'organiser les élection au Cameroun.Des officiers d'Elections Cameroon, l'organe chargé d'organiser les élection au Cameroun.
Des officiers d'Elections Cameroon, l'organe chargé d'organiser les élection au Cameroun. - Sputnik Afrique
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Après Maurice Kamto qui a clairement appelé au boycott, Joshua Osih du SDF et Cabral Libii du PCRN menacent à leur tour de se retirer de la course électorale du 9 février 2020 pour des raisons divergentes. Alors que l'opposition n’a pas cessé de se plaindre, le gouvernement juge les raisons infondées. Iront-ils ou pas à ces élections? Décryptage.

Alors que le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto appelle clairement au boycott des élections municipales et législatives du 9 février prochain, le Social Democratic Front (SDF), l’une des principales forces politiques du pays, menace de se retirer du processus si la paix n’est pas rétablie dans les régions anglophones.

Cabral Libii, arrivé troisième à la présidentielle d’octobre 2018 et président du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN), se plaint quant à lui d'entraves administratives qui auraient «empêché que son parti puisse déposer au moins la moitié des dossiers» de candidature. L’opposant a posé comme condition de sa participation la prorogation du délai de dépôts des candidatures par le conseil électoral d’Elections Cameroon, l’organe en charge de l’organisation des élections.

«En l’absence d’une telle mesure visant à rééquilibrer le jeu politique, le Parti camerounais pour la réconciliation nationale pourrait se résoudre à ne plus participer aux élections du 9 février 2020», a-t-il déclaré face à la presse.

Entre exigences et menaces des partis politiques, le gouvernement de Yaoundé n'a accédé à aucune revendication. Lors d’une conférence de presse ce lundi 2 décembre, le porte-parole du gouvernement trouve «infondé» l’argument des tensions dans les régions anglophones du Nord-Ouest et Sud-Ouest évoqué par certains partis politiques, notamment le MRC, pour appeler au boycott des élections de février 2020.

«Le Président de la République (Paul Biya, ndlr) a dûment pris en compte l’évolution actuelle de la situation dans les régions concernées, et il saura prescrire toutes les mesures nécessaires pour garantir le bon déroulement des élections dans ces régions», a affirmé René Emmanuel Sadi, ministre de la Communication.

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De même, le gouvernement estime que la requête formulée par certains partis politiques pour une prorogation des délais de constitution des dossiers de candidature est impossible au regard de la loi et qualifie également d’«infondées» les déclarations de certains leaders politiques «tendant à imputer aux pouvoirs publics leurs difficultés à respecter les dispositions réglementaires, et donc à être à jour dans les temps impartis aux différents protagonistes».

Interrogé par Sputnik au lendemain de cette sortie du gouvernement, Anne Féconde Noah, porte-parole de Cabral Libii, estime que ce n’est pas à l’administration de Yaoundé de répondre à leur requête concernant la prolongation du délai de dépôts des candidatures, mais plutôt au conseil électoral.

«Si le gouvernement veut dire par là au monde entier que le conseil électoral est à sa botte pour connaître des opérations préélectorales, sa position ne nous intéresse pas […] Il est curieux que le gouvernement nous réponde lorsque nous nous adressons au conseil électoral qui est censé être un organe indépendant», a-t-elle souligné au micro de Sputnik.

Avant de préciser que leur requête est toujours en attente de traitement, «nous sommes toujours en pourparlers avec le conseil électoral».

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Si d’aucuns évoquent la crise meurtrière dans les régions anglophones et exigent un code électoral consensuel comme condition de participations aux législatives et municipales du 9 février prochain au Cameroun, Hilaire Kamga, coordonnateur du mouvement de la société civile Offre orange, trouve cela ambigu car les mêmes partis, affirme-t-il, ont pris part à la dernière présidentielle dans les mêmes conditions.

«La crise anglophone avait déjà cours et personnellement, j'ai renoncé à candidater parce que ma candidature participerait à consacrer la partition du Cameroun. En 2018, le code électoral était le même. Tout le monde sait qu'il n'est pas bon du tout. Mais Maurice Kamto a quand même pris part à l'élection présidentielle dans ces conditions. Je pense que monsieur Kamto a des raisons de ne pas aller aux élections, c'est un acte averti, mais les arguments évoqués me semblent un peu tirés par les cheveux», commente-t-il au micro de Sputnik.

Boycotter les élections ou pas? Dans le pays, la question fait encore débat. Jean-Bruno Tagne, journaliste et écrivain camerounais, évoquant l’histoire des derniers boycotts dans le pays pense que «chaque parti politique doit pouvoir y répondre en fonction de ses objectifs politiques et surtout en faisant preuve de réalisme».

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«En ce qui me concerne, l’histoire montre que le boycott n’a souvent rien apporté et, au contraire, a servi au parti au pouvoir et à ses alliés», commente l’auteur de l’ouvrage Accordée avec fraude, au micro de Sputnik.

Hilaire Kamga partage d’ailleurs cette lecture et se souvient qu’en «1992, les partis politiques de l'opposition qui incarnaient le rêve du changement, notamment le SDF, ont décidé de ne pas aller aux élections législatives et municipales. Paul Biya et ses amis y sont allés et se sont partagé les sièges à l'issue du scrutin. La même chose s'est produite en 1997».

Si, au MRC, la décision de boycotter ces sélections est déjà actée, le SDF et PCRN n’ont pas encore pris de position ferme. Le parti de Cabral Libii dit encore attendre les réponses à leur requête mais il n’écarte pas l’hypothèse d’un retrait de la course électorale si un délai supplémentaire ne leur est pas accordé pour le dépôt de leur candidature.

«Notre décision sera connue en temps opportun. Ce sera une forme de protestation, une manière de dire au parti au pouvoir "puisque vous tenez tellement à aller seuls dans la compétition allez-y"», conclut Anne Féconde Noah au micro de Sputnik.
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