Fraude à la TVA sur les plateformes de commerce en ligne: quand l’État se laisse plumer

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98% des vendeurs étrangers opérant sur les plateformes de commerce en ligne ne factureraient pas de TVA à leurs clients. Si les GAFA sont pointés du doigt pour leur optimisation fiscale, les manquements de l’administration française en matière de lutte contre la fraude permettent à beaucoup de passer outre les règles fiscales les plus élémentaires.

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538 sur 24.459, c’est le nombre de vendeurs… en règle sur les plateformes de commerce en ligne (Amazon, Cdiscount, etc.), selon un rapport de l’Inspection générale des Finances (IGF) que s’est procuré la rédaction de Les Échos.

Ainsi, selon les chiffres de Bercy, 98% des vendeurs enregistrés sur ces «marketplaces», mises en place par les géants de l’e-commerce en France, ne seraient pas immatriculés à la TVA en France et ne la factureraient pas à leurs clients. Le quotidien économique souligne que le fisc, suspectant «une fraude massive à la TVA», avait transmis les informations à la Justice. Il faut dire que l’IGF évalue le marché du e-commerce en France à pas moins de 92,6 milliards d’euros.

Si les prix n’en sont ainsi que plus alléchants pour les acheteurs, c’est un manque à gagner conséquent pour l’administration fiscale. Manque à gagner qui n’est pas sans conséquence pour l’ensemble des contribuables, à l’heure où les réformes se multiplient pour tenter d’endiguer les déficits chroniques du pays. C’est également un nouveau coup dur, à quelques jours de Noël, pour les commerçants français qui dénoncent depuis des années la concurrence agressive –et ici clairement déloyale– que leur mènent les acteurs de l’e-commerce.

«Les vendeurs “bénéficient ainsi d’un avantage de prix de 20% par rapport aux sociétés qui remplissent leurs obligations fiscales en matière de TVA, créant une distorsion de concurrence majeure”», soulignent nos confrères des Échos, citant le rapport de l’Inspection générale des Finances.

Ces vendeurs fraudeurs seraient principalement localisés en Asie: «on compte plus de 100.000 boutiques en ligne en 2019, soit quatre fois plus qu’il y a deux ans, parmi lesquelles 40% sont domiciliées en Chine», précise le quotidien économique.

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Un constat, d’échec d’autant plus difficile à défendre que la France conforte sa place de championne du monde en matière de prélèvements obligatoires (46% du PIB en 2018). En somme, alors que les entreprises françaises sont les plus taxées du globe, l’administration fiscale qui veille à les imposer semble réaliser aujourd’hui que dans le commerce, la quasi-totalité des concurrents étrangers de ces mêmes entreprises tricolores ne se conforment tout simplement pas aux obligations fiscales les plus élémentaires sur les plateformes en ligne.

Ainsi, si on accuse régulièrement les géants du net de recourir à des tactiques d’optimisation fiscale agressives (mais légales), jouant sur les disparités entre les législations nationales en matière d’imposition au sein d’une même zone économique afin de faire fondre l’imposition de leurs bénéfices, on découvre que faute de contrôles efficaces des services de l’État, n’importe quel vendeur professionnel étranger peut vendre en ligne des produits dans le pays le plus imposé au monde sans s’acquitter de la plus élémentaire des taxes.

L’État français, mauvais collecteur d’impôts

Fin novembre, un rapport de la Cour des comptes dénonçait les manquements, tant dans les services compétents de Bercy en matière de lutte contre la fraude fiscale, qu’au plus haut sommet de l’État. Soulignant qu’aucun travail sérieux d’évaluation de la fraude fiscale en France n’avait été entrepris, contrairement à d’autres puissances économiques (Canada, États-Unis, Grande Bretagne), les sages de la rue Cambon regrettaient une adaptation «trop lente» des services en charge de la lutte contre cette fraude ainsi que la «modestie de l’impulsion interministérielle» donnée dans ce domaine. En somme, alors qu’il est le champion du monde de l’imposition, l’État français est un mauvais collecteur d’impôts.

Un constat sur la fraude à la TVA que le gouvernement a estimé «très sévère». Ce dernier donne jusqu’au 1er janvier 2021 aux vendeurs contrevenants pour se mettre en conformité avec la loi, date à laquelle Bercy envisage de prélever la TVA directement auprès des plateformes utilisées par ces vendeurs étrangers, aujourd’hui à 98% hors-la-loi.

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Aller chercher ces 20% dus, une mesure qui serait «sans aucune augmentation de prix pour le consommateur» précisait le ministre du Budget sur le plateau de BFMTV. S’il se gargarise d’une telle mesure, celle-ci n’est en réalité qu’une transposition en droit français d’une directive européenne, qui rendra les plateformes en ligne redevables de la TVA pour leurs vendeurs en ligne. En clair, ces acteurs extraeuropéens de la sphère numérique (tels Amazon ou Alibaba) devront –comme toute autre entreprise– se charger de collecter cette fameuse taxe imputée au consommateur final. Au vu de la situation, pour l’heure chaotique, il apparaît difficile que cela se fasse «sans aucune augmentation de prix», du moins pour les clients recourant aux vendeurs peu scrupuleux…

La Marketplace d’Amazon représente 58% de son activité

Au-delà de ces vendeurs qui ne respectent pas les règles sur les plateformes de vente en ligne de géants du numérique, cette actualité intervient dans un contexte international tendu autour de ces mêmes acteurs économiques. Depuis plus d’une semaine, la tension monte entre Paris et Washington autour de la manière de faire payer aux entreprises du Net, en grande majorité américaine, leur dû aux pays où elles effectuent réellement leurs chiffres d’affaires.

Un bras de fer transatlantique qui pourrait bien aboutir à un nouveau train de sanctions, de l’administration américaine à l’encontre des produits français exportés vers les États-Unis, voire à un échec des négociations devant l’OCDE en vue de réformer les règles de fiscalité internationale. Pour Amazon, principale entreprise ciblée par la mesure, le «marketplace» représente à présent 58% de sa propre activité…

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