Violences en Haïti: «l’année 2020 sera décisive»

© AP Photo / Dieu Nalio CheryManifestations à Haïti
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2020, année déterminante pour Haïti? Depuis février 2019, la perle des Antilles connaît une grave période d’instabilité politique. Émeutes, écoles et hôpitaux fermés, forces de l’ordre attaquées: le pays est au bord du gouffre. Sputnik fait le point avec Franck Vaneus, avocat haïtien, fondateur du cabinet Équité et Droit à Port-au-Prince.

Haïti débute une nouvelle année sous le signe de l’insécurité, voire du chaos.

Depuis février 2019, des citoyens multiplient les manifestations pour dénoncer la corruption et l’économie en chute libre. Les opposants au Président Jovenel Moïse l’accusent notamment d’avoir détourné des fonds du Petrocaribe, un prêt accordé à Haïti par le Venezuela. Une enquête de la Cour supérieure des comptes a déjà conclu que le Président avait participé à cette fraude.

Le 23 septembre 2019, le sénateur Jean-Marie Ralph Fethière tirait même à bout portant sur des manifestants ayant pris d’assaut le parlement. «La légitime défense est un droit sacré», se justifiait par la suite l’élu.

L’affaire du Petrocaribe, l’étincelle qui a mis le feu aux poudres

Pour l’avocat haïtien Franck Vaneus, qui s’exprime régulièrement dans les médias, il est très improbable qu’une solution à ce nouveau conflit soit trouvée en 2020. Pays antillais de 11 millions d’habitants, Haïti se trouve plus que jamais dans une impasse, estime-t-il. Une impasse politique et économique rappelant malgré tout d’autres sombres épisodes de l’histoire haïtienne.

 

«L’année 2020 sera décisive pour Haïti. Le 1er janvier dernier, des manifestations spontanées ont éclaté un peu partout le jour de la commémoration de notre indépendance. La cérémonie officielle prévue aux Gonaïves, cité de l’indépendance, n’a pas eu lieu, le Président craignant pour sa sécurité. Pour le peuple haïtien, les enjeux n’ont pas changé. La mobilisation reprendra là où elle s’est arrêtée en 2019», analyse M.Vaneus au micro de Sputnik.

 

Comme Frantz Voltaire, directeur du Centre international de documentation et d’information haïtienne, caribéenne et afro-canadienne, l’avocat principortain observe qu’aucun des deux camps n’est en mesure de prendre le dessus sur son rival. De même, il observe que la crise s’enracine dans une remise en question de la classe politique dans son ensemble, des députés d’opposition étant également accusés d’avoir trempé dans des affaires de corruption. Rappelons que Jovenel Moïse et l’ancien Président Michel Martelly (2011-2016) appartiennent à la même formation, le Parti haïtien Tèt Kale.

«La crise perdure parce que le pouvoir est soutenu par les maîtres du monde et l’opposition par une partie du peuple. Les forces en présence ne font pas l’unanimité. L’opposition au Parlement abrite des politiciens corrompus qui ont soutenu le prédécesseur de Jovenel Moïse, Michel Martelly. La mobilisation prend la forme d’une révolte antisystème contre les corrompus de tous poils», poursuit l’avocat.

 

La corruption et la mauvaise gestion des finances publiques représentent donc les principales sources de la colère populaire. Une frustration à laquelle s’ajoutent les pannes d’électricité récurrentes et les pénuries en nourriture, eau et carburant. L’emprise du crime organisé, le chômage et la pauvreté extrême aggravent évidemment la situation.

 

«Jovenel Moïse parle de remplacer le système alors qu’il incarne le système. D’ailleurs, le bruit court qu’il voudrait rendre le pouvoir à son maître, Michel Martelly. Chanteur populaire à l’origine, Martelly s’était engagé à changer la manière de faire de la politique en Haïti. Le Parti haïtien Tèt Kal était censé marquer une rupture. Mais à l’évidence, le régime Martelly a atteint des sommets en matière de corruption, dilapidant des milliards de dollars dans des projets insensés», déplore M.Vaneus.

Devant l’ampleur de la situation, l’avocat ne s’explique toujours pas pourquoi Washington continue à appuyer le régime en place. En novembre dernier, le Président Moïse a d’ailleurs rencontré l’ambassadrice américaine à l’Onu, Mme Kelly Craft. En février 2019, malgré la grande impopularité du Président, l’ambassadrice américaine en Haïti était même allée lui renouveler son appui dans la capitale.

 

«Washington a soutenu tous les gouvernements non populaires en Haïti dans son histoire. [...] En 1806, des négociants américains avaient soutenu les assassins de l’empereur Jean-Jacques Dessalines. Aujourd’hui, Donald Trump apporte son soutien inconditionnel au régime de Jovenel Moïse», s’indigne-t-il.

 

Franck Vaneus ne croit pas à une guerre civile

Malgré la descente aux enfers de son pays, M.Vaneus ne croit pas à l’éventualité d’une guerre civile en Haïti en 2020.

 

«La guerre civile n’est pas inscrite dans notre ADN. Une intervention de l’Occident sur notre territoire empêcherait rapidement ce scénario d’être déclenché», a conclu Franck Vaneus.
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