France-Algérie: Jean-Yves Le Drian en mission d’éclaireur

© Sputnik . Maxim Blinov / Accéder à la base multimédiaJean-Yves Le Drian
Jean-Yves Le Drian  - Sputnik Afrique
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Après plusieurs mois de tensions, Paris et Alger devraient reprendre contact, au plus haut niveau, dès la semaine prochaine. Jean-Yves Le Drian effectuera en effet une visite à Alger immédiatement après la tenue de la conférence sur la crise libyenne. Conférence durant laquelle Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron devraient se rencontrer.

Alger et Paris s’apprêtent à reprendre le dialogue. La semaine prochaine s’annonce importante pour les relations entre les deux pays. Dimanche, les chefs d’État algérien et français se rencontreront à Berlin à l’occasion de la Conférence internationale sur la paix en Libye. Ce sera d’ailleurs la première sortie internationale d’Abdelmadjid Tebboune. Puis, immédiatement après, le ministre des Affaires étrangères français se rendra à Alger pour une visite de travail d’une journée. «Nous n’avons pas encore la date précise de la venue de Jean-Yves Le Drian, mais elle aura lieu probablement en fin de semaine», a appris Sputnik d’un diplomate français en poste à Alger. Le Drian devrait être reçu par le Président Tebboune et aura des entrevues avec son homologue Sabri Boukadoum et avec Abdelaziz Djerad, le Premier ministre algérien.

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Paris s’exprime pour la première fois sur la situation politique en Algérie depuis le départ de Bouteflika
Les relations entre les deux pays ont été particulièrement tendues ces derniers mois, de hauts responsables algériens ont d’ailleurs accusé la France d’intrusion dans les affaires internes de leur pays. Durant la campagne électorale pour la présidentielle, Abdelmadjid Tebboune avait accusé Paris d’ingérence. L’ex-chef d’état-major de l’armée algérienne, le général Ahmed Gaïd Salah (décédé le 23 décembre 2019) avait lui aussi laissé entendre que la France tentait de « déstabiliser le pays ». Naoufel Brahimi El Mili, politologue et auteur du livre «Histoire secrète de la chute de Bouteflika» (Editions Archipel), explique qu’à l’approche de la fin du règne d’Abdelaziz Bouteflika, la France a totalement «perdu pied en Algérie».

«Paris avait soutenu l’option de la prolongation du quatrième mandat de Bouteflika. Deux émissaires français, dont l’avion a atterri à la base militaire de Boufarik, ont rencontré en toute discrétion le général Bachir Tartag (ancien coordinateur des services de renseignements) et Saïd Bouteflika, le frère du Président. Lors de cette réunion, Saïd a présenté son idée de prolongement du mandat présidentiel. La France, par la voix de ses deux fonctionnaires, a soutenu cette idée mais à la condition que les autorités algériennes engagent de profondes réformes politiques», souligne Naoufel Brahimi El Mili dans une déclaration à Sputnik.

Selon le politologue, c’est au lendemain de cette réunion, soit le lundi 11 mars, qu’Abdelaziz Bouteflika rendait public une déclaration dans laquelle il annonçait son intention de renoncer à un cinquième mandat, d’annuler l’élection présidentielle prévue le 18 avril et d’organiser une Conférence nationale inclusive et indépendante. Lakhdar Brahimi, ancien médiateur des Nations unies et de la Ligue arabe en Syrie, a joué un rôle central dans la mise en œuvre du plan des frères Bouteflika. Plan que le général Ahmed Gaïd Salah a fait échouer deux semaines plus tard. 

20 декабря 2018. Президент РФ Владимир Путин на четырнадцатой большой ежегодной пресс-конференции в Центре международной торговли на Красной Пресне. - Sputnik Afrique
Ingérence en Algérie: les services secrets russes auraient averti la France
Bien des évènements se sont produits depuis. L’élection présidentielle programmée pour le 4 juillet a été annulée, une initiative de dialogue attribuée à la «société civile» a été lancée durant l’été et a abouti à l’élection présidentielle du 12 décembre 2019. Des changements politiques qui ont eu très peu d’effets sur la détermination des Algériens engagés dans le Hirak, le mouvement populaire pacifique qui a pris forme vendredi 22 février. D’ailleurs, le mouvement et le pouvoir politique (fortement influencé par le général Gaïd Salah) ont au moins un dénominateur commun: le rejet de toute ingérence française dans les affaires internes du pays. Une situation inédite qui a fait perdre à Paris ses marques en Algérie. Journaliste à Jeune Afrique, Farid Alilat considère que l’arrivée d’Abdelmadjid Tebboune à la présidence de la République va imposer une «remise à plat des relations  entre les deux pays».

«Nous assistons à une fin d’un cycle et au début d’un autre. Durant des années, les relations France-Algérie étaient gérées par le Président Bouteflika en personne. Puis, durant le 4e mandat, les officiels français se sont retrouvés face à un Président aphone. Emmanuel Macron n’a pu communiquer avec son homologue, il n’y a eu que des échanges protocolaires. Ahmed Ouyahia était son seul interlocuteur, d’abord en qualité de directeur de cabinet de la présidence de la République puis comme Premier ministre», note-t-il dans une déclaration à Sputnik.

Farid Alilat, auteur d’une biographie du Président déchu, «Bouteflika, l’histoire secrète» (Édition du Rocher), perçoit une volonté d’insuffler «une nouvelle dynamique dans l’appareil diplomatique algérien».

«Abdelmadjid Tebboune a rencontré le Président du Conseil italien, le ministre italien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, le Président du Conseil présidentiel du GNA libyen et le ministre turc des Affaires étrangères. Il participera à la Conférence internationale sur la paix en Libye à l’invitation de la chancelière allemande. Et pour la première fois depuis huit ans, un Président algérien sera présent au sommet de l’Union africaine».

La semaine prochaine, Jean-Yves Le Drian se retrouvera donc face à un personnel diplomatique conduit par son homologue Sabri Boukadoum, personnage particulièrement tatillon lorsqu’il s’agit de la souveraineté de l’Algérie. Les deux ministres devraient aborder les dossiers traditionnels inscrits dans le registre des relations algéro-françaises: coopération dans la lutte antiterroriste au Sahel, libre circulation des personnes, coopération économique…

Naoufel Brahimi El Mili estime que deux autres points seront inscrits à l’ordre du jour de cette visite: la crise libyenne et la mosquée de Paris. 

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L’Algérie et l’Italie affirment que leurs positions «convergent» sur la Libye
«La France sait que l’Algérie est incontournable dans le dossier libyen. Mais là encore, Paris a fait un choix illogique en soutenant Khalifa Haftar se mettant ainsi dans une situation de violation de l’accord de Skhirat qui reconnaît la légitimité du gouvernement de Tripoli. Nous avons donc un pays membre du Conseil de sécurité de l’Onu qui viole un processus de paix placé sous l’égide des Nations unies. Nous constatons un réel engagement des autorités algériennes pour un règlement pacifique de la crise libyenne. Alger compte bien le faire comprendre à ses interlocuteurs. Pour ce qui est de la mosquée de Paris, la nomination de Chems-Eddine Hafiz a fait grincer des dents de l’autre côté de la méditerranée », précise Naoufel Brahimi El Mili.  

Les autorités algériennes estiment que l’intronisation de Hafiz est «un coup d’état» contre Mustapha Chérif, penseur et philosophe algérien spécialiste du dialogue entre les religions et les civilisations. Le nouveau recteur de la mosquée de Paris, qui a succédé à Dalil Boubakeur, a été à la tête du comité de soutien du candidat Bouteflika lors de la présidentielle de 2014. Il aurait également la réputation d’être «trop proche de certains cercles de décision parisiens».

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