Plan de paix: «Les Palestiniens ont déjà refusé des propositions bien plus favorables»

© REUTERS / Mohamad TorokmanA Palestinian woman burns a picture of U.S. President Donald Trump and Israeli Prime Minister Benjamin Netanyahu during a protest against a U.S. decision to cut funding to the United Nations Relief and Works Agency (UNRWA), in Ramallah, in the occupied West Bank September 4, 2018.
A Palestinian woman burns a picture of U.S. President Donald Trump and Israeli Prime Minister Benjamin Netanyahu during a protest against a U.S. decision to cut funding to the United Nations Relief and Works Agency (UNRWA), in Ramallah, in the occupied West Bank September 4, 2018.  - Sputnik Afrique
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L’accord de paix au Moyen-Orient a été présenté en grande pompe après trois ans de suspense. Qualifié de «deal du siècle» par Donald Trump, est-il pour autant réaliste? Comment est-il perçu du côté palestinien? Et du côté israélien? Sputnik France a posé ces questions à l’historien Gil Mihaely.

Comme Donald Trump aime à le répéter, son livre «l’art du deal» est son deuxième ouvrage préféré après la Bible. On comprend pourquoi quand on étudie ses relations avec les différents acteurs internationaux, ce qui s’est encore vérifié dans ce qu’il a appelé le «deal du siècle».

Un plan de paix au Moyen-Orient censé enterrer la hache de guerre entre Israéliens et Palestiniens, mais qui est –Trump ne s’en cache pas– favorable à l’État d’Israël. C’est d’ailleurs là l’aspect transactionnel: je fais un cadeau à mon homologue israélien et je récupère les bénéfices aux États-Unis. Gagnant-gagnant.

Colonies, Jérusalem, désarmement, suppression du Hamas, le plan demande des concessions énormes aux autorités palestiniennes. Celles-ci n’ont d’ailleurs pas participé à son élaboration. Pourtant, compte tenu du rapport de forces, des moyens de pression dont disposent les États-Unis et de l’architecture de sécurité actuelle au Proche et Moyen-Orient, les Palestiniens pourraient être amenés de force à la table des négociations.

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Cela suffira-t-il à conclure un accord qui mettrait un terme à ce conflit de près de 70 ans? Pour y répondre, Sputnik France a tendu le micro à Gil Mihaely, historien et directeur de la publication des revues Causeur et Conflits.  

Sputnik France: Pensez-vous que le plan de paix proposé hier par la Maison-Blanche soit réaliste?

Gil Mihaely: «Non. Ce n’est pas réaliste de penser que des autorités palestiniennes représentatives sont susceptibles de signer cet accord ou quelque chose qui y ressemble. Est-ce que ce plan peut-être le point de départ pour des négociations? J’ai du mal à y croire aussi. Les Palestiniens ont déjà refusé des propositions qui étaient bien plus favorables à leurs exigences.»

Sputnik France: Pensez-vous que ce deal puisse forcer la main aux autorités palestiniennes pour venir à la table des négociations?

Gil Mihaely: «Le rapport de forces n’a jamais été aussi défavorable à la partie palestinienne. Preuve en est que trois ambassadeurs membres de la ligue arabe (Oman, Bahreïn et Émirats arabes unis) étaient présents lors de la conférence de presse de Donald Trump et Benjamin Netanyahou. Il a été publié depuis que l’Arabie saoudite et l’Égypte ne sont pas hostiles à ce plan. C’est un changement majeur.

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Du temps de la Guerre froide, la cause palestinienne servait les intérêts des alliés soviétiques dans la région. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, il n’y a qu’une superpuissance et ce sont les États-Unis. Aucune grande puissance ne soutient activement la Palestine, ni la Chine ni la Russie, qui a une position équilibrée. Le problème, c’est que les Palestiniens ont fait le choix du rapport de force par le passé et qu’aujourd’hui, la balance leur est totalement défavorable.»

Sputnik France: Justement, s’ils pèsent si peu, n’est-ce pas une occasion idéale de leur forcer la main? Surtout si des alliés américains du Golfe sont favorables à ce plan, il semble y avoir là une vraie fenêtre de tir…

Gil Mihaely: «Je ne pense pas. La société palestinienne pourrait se résigner sans trop de violences, mais je ne vois pas comment un gouvernement palestinien pourrait accepter ce plan, ou un plan qui irait dans ce sens. C’est un peu le paradoxe et la tragédie du peuple palestinien.»

Sputnik France: … Même sous la pression politique et économique de différents acteurs?  

Gil Mihaely: «Ce ne sont pas ces critères qui motivent les gens. Les premières motivations des Palestiniens gravitent autour des questions de dignité, de fierté… C’était possible au XIXe siècle de vendre la Louisiane aux États-Unis, mais aujourd’hui, ce n’est pas possible. Et la société palestinienne n’est pas prête à abandonner ses exigences pour du confort économique.»

Sputnik France: Comment ce plan de paix a-t-il été accueilli du côté de la société israélienne? En prenant en compte toute l’hétérogénéité de celle-ci…

Gil Mihaely: «Trois réactions principales se dégagent en fonction des camps politiques. Le premier, globalement, c’est la gauche. Elle pense que c’est une tragédie et qu’Israël ne pourra pas indéfiniment contenir les Palestiniens. Selon eux, c’est le début de la fin du projet sioniste, car ça sera soit l’apartheid soit la démocratie et donc la fin d’une majorité juive en Israël.

Le deuxième, l’image miroir, c’est la droite israélienne, celle des colons. Ceux-ci ont peur, car Israël reçoit beaucoup, mais renonce à beaucoup de choses aussi. Pour les colons, ce n’est pas acceptable. Ce qui arrangeait la droite dure de Netanyahou, c’était de garder cette ambiguïté, sur les colonies notamment. Et sans cette droite dure, il ne peut pas gouverner. Il aurait pu essayer de siphonner du soutien chez Benny Gantz au centre droit, mais ses déboires politiques l’en empêchent.

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Le troisième, c’est ce qu’il y a entre les deux. En gros, le parti Bleu-Blanc de Benny Gantz, qui représente tout de même la moitié des députés de la Knesset, soit plus de la moitié de la population. Et ce bloc est plutôt content de la situation. Pour eux, l’état actuel des choses est convenable et depuis le retrait de Gaza, ils ne pensent plus qu’une solution négociée avec les Palestiniens est possible. Pour eux, le niveau des violences récent était supportable, et en plus il y a maintenant cet accord qui nous convient sur la table, donc tout baigne!»

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