«Je vais partir à la retraite à l’âge où je dois être mort», le cri de désespoir d’un égoutier

© SputnikRassemblement de la Police scientifique et la Fonction publique devant l’Opéra Garnier contre la réforme des retraites
Rassemblement de la Police scientifique et la Fonction publique devant l’Opéra Garnier contre la réforme des retraites - Sputnik Afrique
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Des agents de la fonction publique manifestaient à Paris ce 5 février contre la réforme des retraites. Parmi eux figuraient des égoutiers ou des membres de la police scientifique, en colère contre le gouvernement. Environ deux mois après le début de la contestation, ils ne veulent rien lâcher. Notre correspondant était sur place.
«Ensemble, nous allons gagner pour nos retraites solidaires et faire retirer ce projet de loi scélérat!»

L’Opéra Garnier a de nouveau été le théâtre d’un rassemblement contre la réforme des retraites, ce 5 février. Réunis à l’appel d’une intersyndicale rassemblant la CGT, FAFP, FO, FSU et SOLIDAIRES, des membres de la fonction publique sont venus crier leur colère, notamment concernant la reconnaissance de pénibilité.

«Malhonnête comme souvent, le gouvernement tente de faire croire qu’en introduisant le C2P et la retraite progressive dans la fonction publique, il permettra la reconnaissance de la pénibilité et améliorera les conditions de la fin de carrière. Rien n’est plus faux! En effet, depuis longtemps, la catégorie active permet aux fonctionnaires exerçant des missions dangereuses et pénibles de bénéficier de départs anticipés de 5 ans ou de 10 ans. La catégorie active ne serait, au mieux, maintenue qu’aux fonctionnaires exerçant des missions dangereuses. En réalité, avec le projet du pouvoir exécutif, ce sont des centaines de milliers d’agents qui soit perdront tout droit à partir avant l’âge légal, soit partiront au mieux deux ans avant», explique le communiqué de l’intersyndicale qui avait appelé à des actions sur l’ensemble du territoire.

Les manifestants souhaitent pêle-mêle «le maintien, l’extension et l’amélioration de la catégorie active ainsi que sa reconnaissance par corps et cadres d’emploi et pas de manière individuelle, la mise en place de dispositifs permettant de partir à taux plein dès l’ouverture des droits pour les personnels concernés et une véritable réflexion et des moyens engagés sur les secondes carrières, les aménagements de postes en fin de carrière, les cessations progressives d’activité».

Nicolas Joseph, égoutier à la ville de Paris dénonce l’«amateurisme du gouvernement» et un projet de réforme des retraites «bâclé». Au micro de Sputnik, il s’est dit en colère que le gouvernement ne prenne pas mieux en compte la pénibilité de son métier:

«Cela fait 18 ans que je me lève à 4h45 pour évoluer dans un environnement de travail difficile. Qu’est-ce qu’un égout? Un ouvrage qui reçoit ce qui vient de vos toilettes, de vos éviers et de la chaussée. À Paris, nous collectons et transportons les eaux usées. Cela représente deux millions et demi de mètres cubes par jour, que l’on amène aux stations d’épuration. Le tout afin d’éviter les problèmes de maladie, de permettre le fonctionnement de vos chasses d’eau ou encore que la pluie se dirige dans les égouts. C’est un métier très pénible qui fait que nous travaillons dans des endroits exigus, dans l’obscurité tout étant soumis aux gaz et aux risques bactériologiques.»

Étaient également présents sur les lieux des membres de la police scientifique, qui multiplient les actions depuis plusieurs semaines. Ces derniers demandent la reconnaissance de la dangerosité de leur métier et dénoncent la différence de leur statut par rapport à celui des autres policiers de terrain. Ils ont mis en place une fausse scène de crime afin d’interpeller sur leurs conditions de travail.

​Le 15 janvier, ils avaient déjà organisé une action coup de poing à proximité de la Pyramide du Louvre. Xavier Depecker, secrétaire national responsable des personnels scientifiques de la police nationale au SNIPAT, dénonce auprès de Sputnik le silence du gouvernement:

«Le ministère avait prévu de nous recevoir 10 jours après notre action du 15 janvier. Nous sommes le 5 février et toujours rien. On nous explique que le ministre de l’Intérieur est en train d’examiner des solutions. Sur les plateaux de télévision, des membres du gouvernement ont reconnu que nous avions un métier dangereux, mais on ne voit rien venir.»

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D’après l’intersyndicale, «la possibilité d’être à temps partiel en percevant une partie de sa retraite ne serait ouverte qu’à 62 ans». Selon elle, «ce n’est donc pas du tout la cessation progressive d’activité dont [nous] revendiquons le rétablissement avant l’âge légal de départ à la retraite».

«Des études scientifiques montrent que les égoutiers vivent en moyenne 17 ans de moins que la population normale. Donc si je prends mon cas, mon espérance de vie est de 62 ans. Or ce qu’on me propose avec cette réforme c’est de partir à la retraite à 62 ans, soit théoriquement l’âge où je dois être mort. La radicalité c’est ça. Je risque de mourir au travail», souffle Nicolas Joseph.

Cela fait environ deux mois que les opposants à la réforme des retraites multiplient les actions, allant des grèves aux manifestations en passant par les blocages. Pour le moment, si le gouvernement a consenti à un certain nombre de reculs concernant plusieurs professions (police, pompiers, personnels navigants, etc.), il semble toujours déterminé à faire passer son projet. «Pour nous faire entendre d’un pouvoir qui refuse la moindre concertation, il n’y a que la voie du rapport de force», prévient l’intersyndicale organisatrice du rassemblement du 5 février. Pour Nicolas Joseph, pas question d’abandonner, même si la victoire est loin d’être assurée:

«Je viens d’être papa. J’ai un petit garçon de quatre mois. Quand il me demandera qu’est-ce que j’ai fait pour éviter ça, je lui dirai: “J’ai essayé.”»
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