Pierre Conesa: «Le plus gros succès de communication de l’Arabie saoudite, c’est le 11 septembre»

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Pourquoi Donald Trump est-il si séduit par l’Arabie saoudite? Pierre Conesa, auteur et ancien haut fonctionnaire du ministère de la Défense, décrypte pour le Désordre mondial le lobbying et la guerre hybride que mènent Riyad.

Dès le début de sa présidence, Donald Trump a favorisé le royaume saoudien. Riyad fut même sa toute première visite à l’étranger. Depuis, il semble que Trump ait une vision de la politique étrangère déformée par un prisme saoudien, au point d’envoyer encore davantage de soldats en Arabie saoudite. Il semble vouloir à tout prix éviter d’ébouriffer les plumes du Royaume, alors qu’il tient à sanctionner l’Iran pour tout et n’importe quoi. 

Trump a refusé de tenir l’Arabie saoudite  responsable de son soutien au terrorisme, du meurtre de Jamal Khashoggi, chroniqueur au Washington Post, à l’intérieur de l’un de ses consulats et même d’avoir traîné les pieds pour rembourser le Pentagone pour le coût du ravitaillement dans la guerre que les Saoudiens mènent au Yémen. Comment expliquer l’emprise du pays du Golfe sur ce Président?

Pierre Conesa, ancien haut fonctionnaire du ministère de la Défense et auteur de «Docteur Saoud et Mister Djihad, la diplomatie religieuse de l’Arabie saoudite», aux Éditions Robert Laffont, souligne l’hypocrisie de Donald Trump:

«C’est un homme qui a fait toute sa campagne électorale en dénonçant le financement par l’Arabie saoudite de la Fondation Clinton et puis ensuite, son premier voyage officiel, il le fait en Arabie saoudite.»

D’après Conesa, la décision de Trump d’envoyer des troupes américaines en Arabie saoudite pourrait se montrer dangereuse:

«Envoyer des troupes en Arabie saoudite c’est un exercice risqué. Rappelez-vous qu’après la guerre en 1991, il y avait quelque chose comme 100.000 ou 150.000 soldats américains dans des compounds en Arabie saoudite. Il y a eu des attentats qui ont obligé les Américains à déplacer leur base principale au Qatar.»

Conesa explique comment un puissant lobby saoudien influence les acteurs politiques et économiques aux États-Unis et en Occident:

«Leur ligne de communication n’est pas de vendre l’Arabie saoudite, c’est que l’on ne parle pas de l’Arabie saoudite.»

D’après Conesa, la stratégie de lobbying saoudien est manifestement un grand succès:

«Le plus gros succès de communication et de lobbying de l’Arabie saoudite, c’est le 11 septembre. 15 Saoudiens sur 19 terroristes et en 2002 George Bush fait un discours dans lequel il accuse l’Irak, l’Iran, et la Corée du Nord.»

Mais comment expliquer que des chiens de garde –dont des journalistes– soient eux aussi susceptibles d’être séduits par des opérations de lobbying?

«Le système est tellement monolithique que quand vous annoncez que vous donnez aux femmes le droit de conduire ou d’assister à des matchs de foot, ils disent “oh la la c’est formidable, ça se reforme”. Enfin, le jour où Kim Jong-un ouvrira un McDonald’s à Pyongyang, on dira, “Extraordinaire! La démocratie progresse.”»

Conesa pointe du doigt d’autres vecteurs d’influence, notamment en France:

«Dans les mosquées en France, toutes les publications francophones sont des publications saoudiennes.»

Conesa estime que ces publications promeuvent un «discours d’une intolérance totale». 

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