Raif Badawi emprisonné en Arabie saoudite: ses proches «extrêmement préoccupés»

© AFP 2023 TOBIAS SCHWARZDes membres de l’ONG Amnesty International brandissent des portraits de Raif Badawi devant l’ambassade d’Arabie saoudite à Berlin, le 8 janvier 2016.
Des membres de l’ONG Amnesty International brandissent des portraits de Raif Badawi devant l’ambassade d’Arabie saoudite à Berlin, le 8 janvier 2016. - Sputnik Afrique
S'abonner
Emprisonné en Arabie saoudite pour avoir critiqué le régime, Raif Badawi a récemment été hospitalisé à la suite d’une grève de la faim. Privé de médicaments, il dénonce ses conditions de détention. Pour la cofondatrice de la Fondation Raif Badawi, Évelyne Abitbol, ses proches estiment que c’est «extrêmement inquiétant». Entrevue.

En décembre 2019, le blogueur saoudien Raif Badawi entamait une quatrième grève de la faim, sans savoir qu’elle serait la plus longue et ardue de sa vie.

Emprisonné depuis 2012 après avoir été condamné pour apostasie et insulte à l’islam, il est devenu au fil du temps une célèbre figure de la liberté d’expression dans le monde. Également condamné à recevoir 1.000 coups de fouet, conformément aux lois islamiques en vigueur, il en a reçu 50 jusqu’à présent.

Cofondatrice de la Fondation Raif Badawi pour la liberté, organisation active sur toute la planète, Évelyne Abitbol rappelle que les autorités avaient pourtant offert un meilleur traitement au blogueur début novembre 2019. C’est après cette période que les autorités lui ont retiré l’accès à ses médicaments contre l’hypertension, maladie dont il souffre.

«On ne sait pas exactement pourquoi, mais Raif Badawi et son avocat, Waleed Abu al-Khair, ont été placés en isolement. Et dans cette situation, leurs médicaments ne leur sont pas fournis. M. Badawi souffre d’hypertension et son avocat de diabète. Pour protester contre cette privation, ils ont entamé une grève de la faim. Chaque fois qu’ils ont arrêté leur grève de la faim, ils ont été conduits à l’hôpital. À leur retour en prison, ils étaient replacés en isolement et recommençaient leur grève de la faim», explique Mme Abitbol au micro de Sputnik.

L’avocat de Raif Badawi, Irwin Cotler, ministre canadien de la Justice entre 2003 et 2006, a tenté d’appeler en prison pour rejoindre son client, mais sans succès. Basé à Montréal et président du Centre Raoul Walenberg pour les droits humains, M. Cotler rencontrera le 18 février prochain le Haut-Commissaire aux droits de l’Homme des Nations unies, Michelle Bachelet. Dans une lettre signée du 29 janvier 2019 et dont Sputnik a obtenu copie, M. Cotler exhorte l’ONU à se pencher de toute urgence sur ce dossier.

«M. Abu al-Khair et M. Badawi ont déjà été victimes d’innombrables violations de leurs droits par des acteurs étatiques et font maintenant face à des situations mettant leur vie en danger, en raison de leur isolement injuste», peut-on lire dans la lettre adressée à Mme Fionnuala D. Ní Aoláin, Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste.

Réfugiée au Canada avec leurs trois enfants, la femme de Raif Badawi, Ensaf Haidar, est très inquiète pour la santé de son mari, constate Évelyne Abitbol, avec qui elle a cofondé la Fondation Raif Badawi. Ensaf Haidar et ses trois enfants ont obtenu l’asile politique au pays de l’érable. Devenue également une figure mondiale de la liberté d’expression, Mme Haidar habite aujourd’hui la ville québécoise de Sherbrooke, où toute la famille parle couramment français. Depuis son arrivée en 2013, Mme Haidar travaille activement à la libération de son mari en multipliant les conférences, interventions publiques et rencontres avec les politiciens de tous les partis.

«Ensaf Haidar n’a pas eu de nouvelles de son mari depuis quinze jours. Elle a essayé de le rejoindre, mais n’a pas pu lui parler plus d’une trentaine de secondes. C’est extrêmement inquiétant. Nous nous sentons impuissants. Mme Haidar et leurs enfants ne vont pas bien. [...] Le fils de Raif Badawi, Tirad Badawi, essaie d’interpeller le régime et le Prince Mohammed Ben Salmane en publiant des tweets. C’est sa manière de réagir à la situation», confie-t-elle.

Ce développement survient dans un contexte où les relations entre Ottawa et Riyad sont loin d’être excellentes. En 2017, l’arrivée de la nouvelle ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a changé la dynamique diplomatique entre le Canada et l’Arabie saoudite. Mme Freeland avait adopté un ton beaucoup plus ferme que son prédécesseur envers le régime saoudien, ce qui n’a guère plu à ce dernier. Mme Freeland n’occupe toutefois plus le poste de ministre des Affaires étrangères, mais bien celui de Vice-Première ministre et ministre responsable des relations intergouvernementales.

En janvier 2019, l’accueil par le Canada d’une jeune réfugiée saoudienne qui fuyait sa famille avait poussé Riyad à condamner «les politiques provocantes et immatures» d’Ottawa. Sur Twitter, le porte-parole du Comité des Relations publiques de l’Arabie saoudite aux États-Unis avait écrit que l’attitude d’Ottawa «pourrait conduire les pays arabo-musulmans à revoir leurs relations avec le Canada». Les observateurs ont parlé d’une véritable crise diplomatique.

Pour Évelyne Abitbol, si les chances de faire libérer Raif Badawi sont toujours aussi minces, cela serait sans rapport direct avec la dégradation des relations diplomatiques entre les deux pays.

«Le dossier n’a pas beaucoup avancé. La situation se détériore. Le fait que Raif Badawi doive entreprendre des grèves de la faim n’est pas très positif... Il y a beaucoup de travail diplomatique qui est effectué, mais le dossier stagne. Nous sommes extrêmement préoccupés, notamment par la santé de Raif Badawi [...] En revanche, je ne suis pas convaincue que la nouvelle situation soit attribuable à ces tensions passées», a conclu Mme Abitbol.  
Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала