Forces nucléaires à portée intermédiaire: Moscou espère la poursuite du dialogue avec les autorités françaises

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La Russie pourrait prendre des contremesures si les USA décidaient de se retirer du traité Ciel ouvert. Certaines informations indiquent que les USA pourraient agir ainsi sous prétexte que Moscou aurait violé ce texte, a déclaré à Sputnik le directeur du Département pour la non-prolifération et la maîtrise des armements du ministère russe des AE.

Dans une interview accordée à Sputnik à l'occasion de la Journée russe du diplomate, Vladimir Ermakov, directeur du Département pour la non-prolifération et la maîtrise des armements du ministère russe des Affaires étrangères, explique quelles démarches entreprend Moscou pour préserver le traité Ciel ouvert, s'exprime sur la probabilité de prolongation de l'embargo sur les armes contre l'Iran, et décrit comment l'Occident réagit à la proposition russe de moratoire sur le déploiement de missiles à portée intermédiaire. Interview.

La France a été la seule à réagir à la proposition russe de moratoire sur le déploiement de missiles à portée intermédiaire en Europe: a-t-on entamé une discussion objective avec Paris à ce sujet? Les parties évoquent-elles un éventuel mécanisme de vérification de l'application de ce moratoire?

Depuis que les actions des États-Unis ont entraîné l'effondrement du traité FNI l'an dernier, la Russie a entrepris plusieurs mesures visant à maintenir la prévisibilité et la retenue dans le domaine nucléaire. Au sommet de l’État a été annoncé le non-déploiement de forces terrestres à portée intermédiaire dans les régions où de tels moyens américains ne seraient pas déployés. Il a été proposé aux pays de l'Otan d'adopter ce même moratoire, mais l'Alliance a répondu par la négative.

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Quant à la France, Emmanuel Macron a effectivement confirmé sa disposition à évoquer des solutions possibles pour «maintenir la stabilité dans le monde après le FNI». Malheureusement, cela ne signifie pas que Paris a soutenu notre initiative. Cependant, les Français y ont vu une possibilité de dialogue, ce qui est indéniablement un point positif. Nous espérons que la thématique des forces nucléaires à portée intermédiaire sera abordée au cours des contacts à venir avec les autorités françaises.

Nous partons du principe que notre idée de moratoire reste d'actualité. Sa réalisation permettrait d'éviter de nouvelles «crises des missiles» en préservant une possibilité de dialogue. Nous avons formulé notre proposition et elle reste sur la table.

La Russie s'est également dite prête à évoquer avec les États-Unis une éventuelle inclusion de nouvelles armes russes comme Kinjal, Poséidon et Bourevestnik dans le nouveau traité de stabilité stratégique. Quelle a été la réponse de Washington? Ce thème est-il abordé actuellement avec les Américains où s'agit-il seulement d'efforts pour prolonger le traité START actuel?

Il faut préciser: nous avons dit aux Américains que nous étions ouverts au débat sur les nouveaux armements et les futures technologies militaires dans le cadre d'un dialogue stratégique global, qui doit être mené en tenant compte de nos priorités et préoccupations. Il n'est pas question à l'heure actuelle d'un «nouveau traité» avec Washington car les collègues américains n'y sont manifestement pas prêts.

Depuis que le Président russe a présenté devant l'Assemblée fédérale le 1er mars 2018 les armements que vous avez mentionnés, les Américains ont essayé de soumettre les nouveaux systèmes au START en vigueur. Cependant, ce traité est rédigé de telle sorte que ses termes opérationnels s'étendent uniquement aux missiles intercontinentaux et aux missiles de sous-marins dotés de leurs vecteurs, ainsi qu'aux bombardiers lourds. L'extension du START à tout autre armement nécessiterait des amendements qui devront être ratifiés par les deux pays. Bien évidemment, dans ce cas nous pourrions soulever la question de restrictions supplémentaires portant sur des programmes américains qui préoccupent Moscou.

Des consultations sont-elles menées avec les États-Unis pour le maintien du traité Ciel ouvert? Est-ce que Moscou a élaboré une réponse à une éventuelle sortie des États-Unis de cet accord? Quelle pourrait être cette réponse?

Nous partons immuablement du principe que le traité Ciel ouvert sert à renforcer la confiance et la transparence dans le secteur militaire. Il est difficile de surestimer son importance pour la sécurité européenne, et la nécessité de son fonctionnement à part entière.

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Les autorités américaines n'ont fait aucune déclaration officielle concernant un projet de sortie du traité Ciel ouvert. Néanmoins, nous regrettons l'information concernant une possible intention de le faire sous prétexte de prétendues infractions commises par la Russie.

Si Washington décidait de renoncer au traité, nous serions face à la nécessite de prendre des contremesures appropriées. Nous trouvons prématuré d'évoquer publiquement quelles pourraient être ces mesures. Nous comptons sur le bon sens et la prévoyance des partenaires, nous les appelons à maintenir le traité Ciel ouvert comme l'un des rares piliers restants de l'architecture de sécurité en Europe. D'autant que pendant presque trente ans, les États-Unis et leurs alliés qualifiaient eux-mêmes le traité de mesure de confiance importante, et à une époque ils avaient persuadé la Russie d'y adhérer.

Les collègues américains sont informés de notre position. Malheureusement, au lieu d'une analyse sensée de la situation et de solutions pour préserver le traité, les partenaires américains se limitent à répéter leur liste traditionnelle et complètement infondée d'accusations envers la Russie d'une prétendue «non-application» du traité.

Les tentatives de rejeter la responsabilité sur la Russie sont contreproductives et ne tiennent pas debout. Nous avons également de nombreuses questions concernant l'application du traité Ciel ouvert par les États-Unis et d'autres membres de l'Otan. Cependant, nous préférons ne pas parler de sortie du traité mais d'une recherche commune de solutions pour remédier aux préoccupations réciproques.

L'embargo sur les livraisons d'armes à l'Iran expire en octobre. Est-il question actuellement de le prolonger ou, dans les conditions de la récente escalade autour de Téhéran, faut-il rétablir pour l'Iran la possibilité d'acheter des types d'armes qui lui sont interdits aujourd'hui?

Je peux affirmer qu'aucune discussion officielle sur le changement de la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies n'a lieu, que ce soit au Conseil de sécurité des Nations unies ou sur d'autres plateformes. La résolution mentionnée, qui prévoit, je le souligne, un accord de l'autorité compétente de l'Onu pour la livraison d'armements ou de matériel en Iran ou depuis l'Iran sur sept catégories, ne prévoit pas de tel mécanisme, ni d'option de prolongation.

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Il convient de rappeler que tous les termes de la résolution n'étaient pas initialement destinés à limiter ou à «empiéter» sur les droits légitimes de l'Iran. L'objectif consistait à créer des conditions favorables pour répondre à toutes les questions de l'AIEA envers l'Iran à l'époque. Toutes ces questions ont été définitivement closes et rayées de l'ordre du jour dès en décembre 2015, comme le reflètent les documents de l'AIEA et les décisions de son Conseil des gouverneurs.

Néanmoins, l'Iran a continué de remplir toutes les conditions de l'accord nucléaire conformément à l'équilibre des intérêts créé et en respectant le principe de réciprocité. Comme il l'a fait tout au long de l'année 2018 après la rupture unilatérale par Washington du Plan d'action, qui, violant de ce fait ses engagements dans le cadre de la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies, a rétabli puis a durci ses sanctions nationales contre l'Iran.

Toutes les décisions iraniennes qui ont suivi sur la suspension des engagements volontaires sortant du cadre du Plan d'action et de l'accord de garanties avec l'AIEA étaient une réaction forcée. De plus, dans le cadre de cette suspension, l'Iran agissait en parfaite conformité avec le Plan d'action, sachant que tous les travaux se déroulaient sous le contrôle total de l'AIEA et ne présentaient aucun risque de prolifération. A noter qu'à ce jour l'Iran reste l’État le plus inspecté par l'AIEA. Nous espérons qu'aucun changement n'aura lieu dans sa coopération avec l'Agence, quel que soit le sort du Plan d'action.

Je voudrais souligner que les autorités russes ont toujours suivi à la lettre les termes de la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies, notamment en ce qui concerne les fournitures d'armes. Nous maintiendrons cette ligne compte tenu de tous les délais fixés par le Conseil de sécurité des Nations unies.

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