Pornodivulgation à la Griveaux: «une multiplication de ce type d’affaire n’aurait rien d’étonnant»

© REUTERS / Kacper PempelL'Allemagne étend son contrôle des réseaux sociaux
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Selon une étude Ifop, la pratique du sexe virtuel, à l’origine de la chute de Benjamin Griveaux, serait plutôt fréquente chez les jeunes Français. Mais la diffusion de vidéos privées met en lumière la pornodivulgation et inquiète toute une génération. Interrogé par Sputnik, François Kraus, directeur du pôle Politique à l’Ifop, fait le point.

Benjamin Griveaux n’est pas le seul à s’adonner aux plaisirs du sexe virtuel, qui lui ont valu sa chute. Selon une étude Ifop pour CAM4 et Hotvideo réalisée du 14 au 17 février dernier sur plus de 1000 personnes, ils seraient 46% chez les moins de 30 ans à se stimuler façon 2.0 et 44% chez les moins de 25 ans. Un pourcentage quatre fois plus important qu’en 2014, à quoi est-ce dû?

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Près de 35% des Français de moins de 30 ans ont déjà envoyé des images X à quelqu’un via internet
Selon François Kraus, directeur du pôle Politique/Actualités à l'Ifop, cette génération a grandi et évolué en même temps que la technologie, à tel point que les jeunes ont intégré les nouvelles technologies, les réseaux sociaux et les outils numériques dans leur vie sociale qu’elle soit amicale ou affective. L’utilisation généralisée des smartphones et autres applications de messagerie comme Snapchat ont favorisé l’échange à caractère sexuel ou pornographique dans la mesure où les photos ont vocation à être conservées dans un court lapse de temps.

«Les échanges de photos, de vidéos, s’inscrivent dans une logique de séduction, de préliminaires où on montre à autrui son intérêt et son excitation pour l’autre. Donc on est dans cette logique de séduction mais cela repose sur un principe de confiance. L’affaire Griveaux montre bien que la confiance ne dure pas éternellement et qu’elle peut être terrible pour ceux qui en sont victimes», avertit François Kraus.

Si l’enquête a montré que près de la majorité des hommes et femmes de moins de 30 ans ont déjà pratiqué ce genre d’échanges, est-il possible que l’affaire Griveaux se répète dans les prochaines années? Depuis 2017, la classe politique a véritablement rajeuni et a vu des trentenaires et de jeunes quadragénaires se placer à des postes importants:

«Or, ces gens-là ont des pratiques numériques semblables à celles des jeunes de leur âge donc il ne serait sans doute pas étonnant qu’on ait une multiplication d’affaires de ce type au cours des prochaines années tout simplement parce qu’on n’est plus sur une classe politique qui avait 60 ou 70 ans, qui pouvait certes être confrontée à des scandales de mœurs mais pas à la force qu’a ce genre d’images ensuite dans l’opinion.»

Les réseaux sociaux responsables?

À l’origine de l’affaire Griveaux, deux personnes. Si Piotr Pavlenski a diffusé les vidéos «pour dénoncer l’hypocrisie» des politiques et y voit un acte politique, la destinataire des images, Alexandra de Taddeo, l’aurait fait par vengeance. La pornodivulgation, ou revenge porn en anglais, une pratique illégale, a depuis soufflé un vent de panique chez 53% des Français interrogés. Pour rappel, la publication d’images à caractère sexuel sans le consentement d’une personne est passible de deux ans d’emprisonnement et de 60.000 euros d’amende.

​Mais si l’anatomie de l’ancien porte-parole du gouvernement a été révélée par deux personnes, Piotr Pavlenski avait même tenté de faire publier les vidéos par plusieurs grandes rédactions, en vain. Les réseaux sociaux ont quant à eux permis une diffusion plus large sans l’aval d’un rédacteur en chef et sous couvert d’anonymat. François Kraus y voit un cadeau empoisonné pour les politiques.

«Les réseaux sociaux participent à une désacralisation un peu de l’élu et de l’acteur politique dans la mesure où chacun d’entre eux est un média en puissance qui dépend de son nombre d’abonnés. Cela a un côté positif dans le sens ou cela diminue un peu le rôle qu’avaient les grands médias et autres rédactions de presse vu que ça permet de communiquer à tous. Mais l’autre souci, c’est que ça expose à ce genre d’affaire tout un ensemble d’acteurs surtout si ils ont déjà envoyé, comme une partie des Français, des photos, des images à caractère sexuel qui peuvent les compromettre.»

Que cela concerne les politique ou non, les réseaux sociaux et notamment l’anonymat qui prévaut sur Twitter ou Instagram par exemple, reste ce qu’il y a de plus dangereux. À l’ère des réseaux sociaux, un phénomène de lynchage médiatique subsiste et arrive de plus en plus souvent. Récemment, l’affaire Mila a défrayé la chronique, posant ainsi la question de la création d’un parquet numérique au même titre qu’un parquet financier, avec des spécialistes dans la justice et dans la police qui auraient des moyens plus efficaces, selon François Kraus qui rajoute, que «la réelle problématique c’est l’anonymat et les pseudos qui font que les gens se croient tout permis, jusqu’à aller à des injures voire pire comme on l’a vu dans l’affaire Mila».

La fin de l’anonymat sur les réseaux sociaux amènerait-il réellement vers la fin du lynchage?

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