Primaire Démocrate: les accusations d’ingérence russe ne sont «qu’une tentative de décrédibilisation»

© REUTERS / Rick WilkingBernie Sanders
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Après celle de Donald Trump en 2016, c’est la campagne de Bernie Sanders pour la primaire qui ferait l’objet d’un appui des Russes. Ingérence réelle ou stratégie de l’establishment Démocrate pour affaiblir un Bernie Sanders en tête des sondages? Gérald Olivier, journaliste spécialiste de la politique américaine, nous aide à y voir plus clair.

La Présidentielle américaine de 2020 risque fort d’avoir des allures de 2016, avant même d’avoir commencé. En 2016 déjà, le duel entre Hillary Clinton et Donald Trump avait fait reculer au second plan le débat d’idées au profit d’une ingérence russe, réelle ou supposée, à laquelle Trump aurait pris part. En 2020, rebelote, dès la primaire cette fois.

​Vendredi 21 février, un jour avant la primaire dans le Nevada, le Washington Post a informé que certaines agences de renseignements comme la CIA avaient briefé les membres du Congrès à propos du fait que la Russie tenterait de faire gagner Bernie Sanders à la primaire. Le premier intéressé a dénoncé ces «tentatives d’interférence», qui «nuisent à la démocratie».

«Franchement, je me moque de savoir qui Poutine veut comme Président. Mon message à Poutine est clair: restez à l’écart des élections américaines», a expliqué le Sénateur du Vermont à la presse américaine.

Néanmoins, Bernie Sanders a critiqué le timing de ces révélations, notamment celles du Washington Post, qui ont été publiées un jour avant le vote dans le Nevada. Pour le sénateur du Vermont, cela ne fait aucun doute, l’article en question s’inscrit dans une logique électorale visant à l’affaiblir face à d’autres candidats plus modérés, qui auraient les faveurs des gros médias affiliés au parti Démocrate. Il a d’ailleurs ironisé en demandant aux journalistes lui parlant des événements: «pourquoi pensez-vous que ça sort maintenant? Le Washington Post? Des très bons amis à moi.»  

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L’information concernant une possible ingérence a été totalement démentie par le Président Trump, qui considère dans un tweet qu’il s’agit là d’«une autre campagne de désinformation qui est lancée par les Démocrates du Congrès, assurant que la Russie me préfère plutôt qu’un des Démocrates-qui-ne-font-rien». En effet, pour une majeure partie du camp Républicain, ces accusations d’ingérences russes ne sont rien d’autre qu’une stratégie politique visant à décrédibiliser les deux candidats anti-establishment.

«Ces accusations sont un non-évènement. Elles doivent d’abord être prouvées, ce qui n’a pas été le cas concernant Trump, donc pourquoi cette fois-ci ça serait vrai? La presse essaye de faire un rapprochement entre ces deux candidats, de les mettre dans le même sac, mais il y en un qui est communiste et l’autre souverainiste, ça n’a pas de sens.
De plus, les agences de renseignement qui émettent ces accusations sont totalement politisées, elles représentent l’État profond contre qui lutte Donald Trump», explique, au micro de Sputnik Georges Clément, président du comité Trump en France. 

Face à ces rebondissements qui risque d’entacher la primaire Démocrate, surtout à mesure que s’approche de la convention Démocrate et que sera désigné le candidat de ce parti, nous dirigeons-nous vers une primaire totalement entachée par une, une fois de plus, interférence russe réelle ou fantasmée? Pour répondre à cette question, Sputnik France a interrogé Gérald Olivier, journaliste et observateur de longue date de la vie politique américaine.

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Sputnik France: Ces accusations d’ingérences sont-elle une réalité qui influe sur la campagne ou résultent-elles plus de la stratégie politique d’un camp donné?

Gérald Olivier: «Cette histoire d’ingérence russe n’est qu’une tentative de décrédibilisation, de Donald Trump en 2016, et maintenant Bernie Sanders. Ces ingérences ne sont pas nouvelles. Du temps de l’Union soviétique, il y avait un office de la désinformation qui œuvrait nuit et jour depuis Moscou pour tenter d’influencer les élections américaines. Tout cela a évolué avec Internet et les réseaux sociaux, c’est un peu plus subtil, mais ça n’a rien de nouveau. Ce qu’il faut retenir, c’est que ce n’est pas Vladimir Poutine qui a inventé cela, et ça n’a pas commencé à l’élection de Donald Trump.»

Sputnik France: Vous pensez donc qu’on exagère ces accusations?

Gérald Olivier: «Bien entendu. On fait une montagne de pas grand-chose. Les services de renseignement américains sont confrontés à ces tentatives depuis bien longtemps. Pourtant, pendant trois ans, le Président Trump a été sous la menace d’une enquête liée à une possible ingérence et collusion avec la Russie en 2016. Le rapport du procureur Mueller a exempté le Président, et pourtant l’affaire continue. Selon moi, c’est de bonne guerre de la part de Donald Trump d’aller taquiner des journaux –ouvertement Démocrates– comme le Washington Post ou le New York Times qui font leur Une sur une ingérence russe favorable à Bernie Sanders.

Les Russes étant ce qu’ils sont, il leur serait plus favorable de voir un Président Sanders qu’un Président Trump, ce dernier étant beaucoup plus agressif sur les questions de relations internationales. Après, dans la perspective d’un candidat Démocrate face à Donald Trump, il est clair que le sénateur Sanders serait beaucoup plus facile à battre tant il a des positions radicales sur certains points.»

Sputnik France: Ne risque-t-on pas de voir les programmes présidentiels et le combat des idées renvoyé au second plan et cette histoire d’ingérence monopoliser l’espace médiatique et politique?

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Gérald Olivier: «Si, bien sûr, mais il faut prendre tout cela avec un grain de sel [avec réserve, ndlr]. Cela ne cessera pas, ni avant, ni pendant, ni après l’élection, quel qu’en soit le résultat. Ce sont juste des manœuvres politiciennes. Les services de renseignement américains sont suffisamment sophistiqués pour contenir cette ingérence. Après, que les Russes essayent d’affaiblir la démocratie américaine, c’est de bonne guerre, ça fait partie de la rivalité qui existe entre ces deux pays.»

Sputnik France: Ces services de renseignements comme la CIA, la NSA, ou le FBI sont censés être des agences nationales indépendantes. Le sont-elles vraiment?

Gérald Olivier: «C’est une question cruciale. On a eu quelques éléments de réponses à l’occasion des différentes enquêtes qui ont été menées depuis l’élection de Donald Trump. Il est probable que différentes commissions du Sénat s’intéressent au déroulement de ces enquêtes et à la façon dont certains agents ont pu outrepasser leur fonction, ou ont laissé leur fonction être guidée par leur idéologie, tant à la CIA –qui est le renseignement extérieur– qu’au FBI –qui est le renseignement intérieur–. C’est la vraie inconnue qu’il faut élucider.»

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