Soufflet pour Ottawa, des chefs autochtones «sollicitent l’aide de professionnels de santé cubains»

© AFP 2023 KYMBER RAEL'hôpital de Nipawin au Canada.
L'hôpital de Nipawin au Canada. - Sputnik Afrique
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Des leaders autochtones du Canada se sont récemment rendus à La Havane pour lancer un partenariat avec des professionnels de santé cubains. Pour Michelle Chantal Dubois, initiatrice du projet, et Jerry Daniels, grand chef de l’organisation des chefs du Sud du Manitoba, l’État canadien peine à assurer la santé des Premières Nations. Entrevue.

Même s’il figure dans le top 10 des plus riches pays au monde, le Canada serait-il incapable de fournir des soins et services de santé essentiels aux citoyens amérindiens vivant sur son territoire? C’est du moins le dur constat qu’ont posé des leaders autochtones de l’Ouest canadien. Ils entendent donc établir un partenariat avec les autorités cubaines en vue d’avoir enfin accès localement à des professionnels de santé.

Le 28 février dernier, au célèbre Hôtel National de Cuba, à La Havane, s’est déroulée une importante conférence de presse, durant laquelle Jerry Daniels et David Ledoux ont pris la parole. MM. Daniels et Ledoux sont respectivement grand chef de l’organisation des chefs du Sud du Manitoba et chef de la nation de Gambler.

«Premièrement, nous aimerions qu’ils [les services de santé cubains, ndlr] nous envoient des médecins professionnels pour que ceux-ci travaillent dans nos communautés et fournissent des services de santé. [...] Dans les endroits où les citoyens des Premières Nations ont accès aux soins de santé fournis par le gouvernement, ils subissent de la discrimination et ne reçoivent pas l’attention qu’ils méritent», a déclaré le grand chef Daniels lors de cet événement.

En entrevue avec Sputnik France, le grand chef Daniels a tenu à réitérer son intérêt pour ce projet inédit, qu’il espère voir se déployer rapidement.

«Il y a des ratés systémiques dans le système de santé public au Canada par rapport aux personnes indigènes. [...] Nous sollicitons donc l’aide de professionnels de santé cubains. Nous voulons élaborer des plans stratégiques. Nous voudrions aussi que des personnes de nos communautés bénéficient du programme de formation des professionnels de santé cubains», souligne M. Daniels à notre micro.

L’initiatrice du futur partenariat et attachée de presse du grand chef Daniels, Michelle Chantal Dubois, explique que le Canada n’a tout simplement pas la capacité de former des médecins qui seront par la suite habilités à aller pratiquer sur les territoires autochtones, souvent très éloignés des centres urbains.

​«Même si le Canada avait la volonté de le faire, il serait incapable de former suffisamment de médecins afin de répondre aux besoins. Il n’y a déjà pas assez de médecins et d’infirmières pour l’ensemble du Canada. [...] 38% des médecins qui pratiquent au Canada sont des médecins étrangers. Parmi ces 38%, un grand nombre de médecins ont été formés à Cuba», souligne Michelle Chantal Dubois au micro de Sputnik.

Le 5 décembre 2019, répondant à des échanges avec des membres des Premières Nations du Canada, la vice-ministre de la Santé de Cuba, Marcia Cobas, s’est rendue dans la capitale canadienne, Ottawa, pour prononcer un discours devant les représentants des Premières Nations canadiennes. Il s’agissait de l’une des premières étapes dans la mise en place de ce projet.

«Cuba a un remarquable programme de partenariat en santé avec de nombreux pays, et c’est pourquoi nous voulons travailler avec ce pays. [...] Le Canada dispose d’un nombre très limité de ressources. Nous devons être en mesure de rentabiliser au maximum les ressources disponibles au Canada, mais nous voulons aussi travailler directement avec Cuba pour développer une stratégie dans ce domaine», nous précise le grand chef Daniels.

Le 2 mars dernier, un tout premier médecin cubain est arrivé sur le territoire de la nation Gambler, au Manitoba. Si l’expérience est concluante, Michelle Chantal Dubois et le grand chef Daniels espèrent le déploiement de plusieurs centaines de médecins cubains sur les territoires des Premières Nations. Selon Michelle Chantal Dubois, ils sont en effet beaucoup mieux préparés que leurs homologues canadiens à intervenir dans des milieux difficiles. De fait, une majorité de communautés autochtones souffre de nombreux problèmes sociaux que les pouvoirs publics ont beaucoup de mal à enrayer. Pauvreté, alcoolisme, toxicomanie et inceste sont quelques-uns des plus graves problèmes recensés.

«Les médecins cubains prennent le temps d’apprivoiser les communautés où ils vont et de s’y intégrer. À l’inverse, les médecins canadiens semblent peu intéressés à la réalité autochtone... Actuellement, quand les ressources le permettent, ils débarquent par avion sur les territoires, normalement pour une durée de deux jours. Les médecins canadiens vivent un grand choc culturel. Ils forment une élite peu préparée aux conditions de vie des Premières Nations», observe l’attachée de presse.

Michelle Chantal Dubois pense également que l’approche des services de santé cubains est mieux adoptée à la réalité des Autochtones:

«La vision cubaine de la santé est principalement axée sur prévention. Le but est de prévenir les problèmes. C’est vraiment ce dont nous avons besoin. Les médecins cubains sont aussi sensibles à la réalité du suicide, qui est une grave problématique dans les communautés autochtones», a-t-elle conclu. 
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