La France, future championne européenne du coronavirus?

© Sputnik . Vladímir Astapkovich / Accéder à la base multimédiaEmmanuel Macron
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L’Italie s’est mise sous cloche afin d’endiguer la propagation du Covid-19. Au regard de l’évolution de la maladie en France et de la stratégie de «réponse graduée» adoptée, se peut-il que l’Hexagone rattrape la péninsule italienne et ne lui vole son triste titre de second pays le plus touché par l’épidémie après la Chine?

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Les mesures de confinement observées en Italie et en Chine «ne peuvent être exclues», bien que jugées comme n’ayant «pas lieu» aujourd’hui en France. Telles étaient les déclarations mardi 10 mars d’Emmanuel Macron à propos de la propagation du coronavirus.

Le même jour, 60 millions d’Italiens se réveillaient dans une péninsule transalpine décrétée «zone protégée» par le chef du gouvernement Giuseppe Conte. Ce dernier avait annoncé la veille au soir la signature du décret «Io resto a casa» (Je reste chez moi) élargissant à «l’ensemble du territoire» les mesures sanitaires mises en place le 8 mars dans le nord du pays afin de contenir l’épidémie. La fermeture des écoles, lycées et universités était ainsi prorogée jusqu’au 3 avril en plus d’une interdiction de tout rassemblement «en plein air et dans les lieux ouverts au public».

Une mesure d’envergure qui n’a pas effrayé les marchés. La bourse milanaise (MIB), tout comme ses homologues européennes, se ressaisissait dans un premier temps mardi matin, après un lundi noir… avant de replonger en raison des inquiétudes de Wall Street (qui, elle, clôturera finalement en forte hausse) vis-à-vis des mesures budgétaires que Washington devait annoncer pour soutenir l'économie américaine contre l'impact de l'épidémie.

Lundi, la mise en «zone rouge» du nord de l’Italie (Lombardie, Vénétie et Émilie-Romagne) avait sur fond de désaccord russo-saoudien sur la production pétrolière fait souffler un vent de panique sur les places boursières. Le dispositif concernait alors 15 millions de personnes, le tout dans le poumon économique du pays. Des démarches des autorités italiennes jugées «courageuses» par le directeur de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui a salué les «véritables sacrifices» consentis par l’Italie dans sa lutte contre le coronavirus, bien qu’elles n’aient pas empêcher de nombreux résidents des zones concernées de fuir vers d’autres régions afin d’échapper aux mesures restrictives. En effet, si ces dernières, élargies depuis à toute l’Italie, furent présentées comme érigeant «un vrai mur de Berlin en Lombardie», elles ne constituent pas une interdiction stricte de déplacement, mais une incitation à la population à agir de façon plus raisonnable face à l’expansion de l’épidémie.

Confinement en Italie: des demi-mesures?

«Il nous faut changer nos habitudes maintenant», soulignait le président du Conseil italien Giuseppe Conte, invitant ses compatriotes à limiter au strict nécessaire leurs déplacements, à savoir les «impératifs professionnels dûment vérifiés» ou pour des motifs de santé et faire ses courses. Les entreprises restent ainsi ouvertes, tout comme les bars, restaurants, magasins, supermarchés et marchés avec quelques restriction horaires et règles en matière de distance de sécurité entre les clients à respecter. Les transfrontaliers qui travaillent en Suisse sont toujours libres de s’y rendre et si tous les événements culturels et sportifs ont certes été reportés, les transports en commun ne sont pas concernés par le décret «afin de garantir la continuité» de l’activité économique. «En 200 kilomètres, nous n’aurons jamais été contrôlés» témoignait la correspondante de RTL qui avait rejoint en voiture Florence depuis Rome.

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Ce sont donc avant tout les déplacements personnels qui sont visés, comme aller déjeuner ou dîner chez des amis ou des membres de sa famille (exception faite pour leur apporter des soins ou si ceux-ci ne sont pas autonomes). On est loin du couvre-feu que la Lombardie a demandé le 10 mars, non confiante dans ce qu’elle considère comme des «demi-mesures».

Malgré la volonté affichée des pouvoirs publics italiens, la péninsule s’est hissée au rang de pays le plus touché dans le monde derrière la Chine. L’Italie a raflé ce triste titre à la Corée du Sud où la propagation de l’épidémie fut pourtant particulièrement véloce dans un premier temps. Mauvaise nouvelle pour nous, on l’a rapidement compris, mais la progression de l’épidémie que l’on observe de l’autre côté des Alpes depuis la détection des premiers foyers du Covid-19 fin février se reproduit dans l’Hexagone. Il faut dire que l’isolation des foyers est rendue difficile par le temps d’incubation du virus d’une quinzaine de jours, ainsi que par les nombreux cas asymptomatiques, mais tout aussi contagieux.

«Les personnes infectées sont très souvent asymptomatiques (56% d’entre elles n’ont aucun accès de fièvre dans les premiers jours et seulement 68% ont des quintes de toux)», soulignent ainsi nos confères de Libération qui interrogeaient notamment le professeur Gilles Pialoux, chef de service de l’unité des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Tenon (Paris XXe), qui insiste sur le fait que l’encore méconnu Covid-19 n’a rien d’une «grippette».

En observant l’évolution du nombre de cas et de morts imputables au virus, on obtient une avance à la louche de l’Italie sur la France d’environs huit jours. Lorsque l’Italie observait 200 cas et six décès le 24 février, la France avoisinait un tel niveau le 2 mars avec 191 cas et trois décès. Même constat lorsque l’Hexagone compte «officiellement» 1.784 malades pour 33 décès le 10 mars, l’Italie avait franchi cette barre le 2 mars, avec la veille 1.694 cas recensés pour 34 morts.

Toutefois, la France a adopté une politique de dépistage bien plus restrictive que l’Italie en ne testant que les patients hospitalisés et qui «présentent des critères de sévérités» et les personnes rentrant de zones jugées à risque. Une sélection que ne fait pas l’Italie et qui laisse à penser que la France compte bien plus de cas de Covid-19 sur son territoire que ceux officiellement annoncés.

En Italie, l’épidémie a une avance d’environs huit jours sur la France

Pour l’heure, on imagine très mal la France mettre en place des mesures qualifiées dans les médias de «privation de libertés» telles qu’on les décrit. Outre le parallèle dressé sur le plateau de BFM TV entre l’Allemagne d’après-guerre et la Lombardie par le correspondant à Paris de la principale agence de presse italienne (ANSA), les articles n’avaient pas manqué à l’époque où l’on jugeait injustifié le maintien en quarantaine par les autorités japonaises du paquebot Diamond Princess après la découverte de plusieurs cas à bord. La quarantaine a en effet mauvaise presse dans nos contrées où l’on remet en cause son principe même en s’interrogeant sur la nécessité de garder des personnes saines enfermées avec des malades.

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D’ailleurs, ce mercredi 11 mars, le ministère égyptien du Tourisme annonçait le rapatriement dans la nuit «à la demande de leurs pays» d’une cinquantaine de touristes français et américains bloqués depuis une semaine sur leur bateau de croisière à Louxor où 45 cas de coronavirus avaient été dépistés au sein des passagers et des membres d’équipages.

Lorsque l’épidémie s’est déclarée en Italie, la France et ses voisins européens ont tenu à se montrer rassurants en ne mettant en place aucune mesure particulière à leur frontière avec l’Italie, à commencer par les aéroports où les passagers en provenance des zones touchées, comme Milan, ne furent nullement contrôlés. Seuls des flyers leur étaient proposés. Par la suite, la grande majorité des premiers cas recensés dans l’Hexagone était des gens qui avaient séjourné dans la péninsule transalpine. Ce point marque une autre différence de taille entre les deux pays: si la majorité des malades en Italie se trouve dans le nord, en France, une grande partie des régions présentent aujourd’hui d’importants foyers de malades.

Des zones où beaucoup sont également interpellés par ce qui est perçu comme une réticence des autorités françaises à passer les échelons dans leur plan de lutte contre la maladie. On observe notamment que si l’Italie a décrété la fermeture de tous les lieux publics dans les zones touchées par le Covid-19, la France ne décidera de fermer les crèches et les lycées dans les «clusters» (regroupement élevé de cas à un même endroit), en l’occurrence l’Oise et le Haut-Rhin, que huit jours après que ce premier département n’a été officiellement identifié comme foyer de l’épidémie.

Aujourd’hui encore, on observe que le maintien des cours dans les écoles, et parfois même les classes, où des cas de coronavirus ont été détectés reste la norme. Les enfants sont certes les moins exposés à la maladie (ils sont les plus asymptomatiques), mais ne peuvent-ils pas contaminer leurs parents qui iront contaminer leur famille et leurs collègues?

«Lavez-vous les mains et tout ira bien»

D’autant que les écoles semblent particulièrement vulnérables. En effet, si les médecins généralistes se plaignent de ne pas avoir de masques, tout comme les laboratoires d’analyses vers lesquels le gouvernement renvoie les Français pour y effectuer des tests de dépistages payants, les écoles semblent quant à elles cruellement manquer de… savon. Pourtant, se laver les mains régulièrement constitue encore la principale mesure annoncée par le gouvernement français. Une situation qui étonne certains d’autant plus que lors de la canicule de l’été 2019, des dispositions exceptionnelles de fermeture de centaines d’établissements scolaires furent décrétées face aux grosses chaleurs, des dispositions qui ne durèrent toutefois que quelques jours.

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Tout ceci pose la question des moyens. Face à l’engorgement des hôpitaux, l’Italie entend rappeler ses médecins à la retraite (et donc à risque face à la maladie) et mobiliser ses étudiants en dernière année de médecine pour les concentrer sur les zones les plus durement touchées. Un cas de figure sur lequel se penchent les autorités françaises qui ont annoncé la mobilisation de la réserve sanitaire.

Il faut dire que le système de santé italien a été durement éprouvé par la maladie, non seulement parce que 10% des soignants ont eux-mêmes contracté le virus, mais également parce que face à l’important afflux de patients nécessitant une aide respiratoire (5% des cas), ces derniers restent en moyenne 20 jours intubés en réanimation. Une durée d’hospitalisation qui pourrait se voir encore prolongée, comme le souligne le docteur Jean-Paul Marre, reprenant une étude du Lancet, selon laquelle un tiers des malades excréteraient le coronavirus jusqu’à quatre semaines après les premiers symptômes, soit une semaine après la guérison.

Face à l’importance des moyens techniques nécessités pour faire face à tous les cas jugés graves, des choix particulièrement difficiles attendent les autorités sanitaires italiennes: sélectionner les patients devant être placés sous aide respiratoire suivant leur espérance de vie. Une situation qui ne peut qu’accentuer la mortalité, déjà particulièrement élevée, du coronavirus chez «nos aînés». La Chine — dont le président a jugé le 10 mars lors d’un déplacement à Wuhan que l’épidémie était «pratiquement jugulée» — enverra ce jour du matériel médical à l’Italie, dont 1.000 appareils d'assistance respiratoire. Wuhan, berceau du Covid-19, où les mesures de confinement ont été allégées.

​La différence entre l’Italie et les autres pays qui ont été touchés au même moment qu’elle est sensible. À titre de comparaison, la Corée du Sud, qui comptabilisait pendant un temps «presque» autant de cas que l’Italie (7.513 contre 9.172 en date du 9 mars), enregistrait au même moment sept fois moins de morts (54 contre 463 en Italie) Un écart qui s’est depuis creusé, avec près de 168 morts supplémentaires en Italie. Même l’Iran, qui comptait 7.161 cas le 9 mars, dénombrait alors deux fois moins de morts que l’Italie et trois fois plus de malades guéris (2394 contre 724 dans la péninsule).

Après les affiches de Buzyn, les schémas de Véran

Un risque de surchauffe du système de santé, des capacités d’accueil des malades les plus graves limitées... La problématique est clairement identifiée par le gouvernement et justifierait d’ailleurs sa politique actuelle face à la maladie. Le ministre de la Santé Olivier Véran a même réalisé un schéma sur le plateau de BFM TV pour expliquer que le but était de retarder le pic épidémique afin de lisser dans le temps le volume de maladie et éviter l’engorgement face à la circulation du virus décrite comme «un phénomène naturel». Une manière de temporiser, le temps que l’épidémie passe. Il est en effet d’usage de nous expliquer que l’épidémie devrait s’atténuer dès lors qu’une part importante de la population (30%) aura développé des défenses immunitaires face à ce nouveau virus. Un état d’esprit, et des déclarations ministérielles, allant ainsi à l’encontre des recommandations de l’OMS qui appelle à tout faire pour endiguer le virus dont le taux de létalité (mortalité chez les malades) dépasse les 4% en Italie. Au regard de ce seul chiffre, il est difficile de concevoir le prix que la population devrait consentir à payer pour se débarrasser naturellement du Covid-19.

​La France, dont la classe politique n’est pas épargnée, avec cinq députés et un ministre (de la Culture, Franck Riester) contaminés, ce qui au regard de la représentation nationale peut paraître beaucoup proportionnellement au nombre de cas déclarés en France.

Quoi qu’il en soit, alors qu’hier la France se refusait à prendre des mesures à ses frontières, aujourd’hui d’autres pays les prennent à l’égard de ses ressortissants. C’est notamment le cas du Brésil, qui a mis en place des contrôles pour les passagers des vols en provenance de France. En Égypte, que Sibeth Ndiaye accusait de mal dépister les cas, les Français doivent à présent remplir une fiche d’information sanitaire et se soumettre à un contrôle de température à leur arrivée.

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En Colombie, au Laos, à Macao, aux Samoa, au Burundi, au Congo, au Tchad, en Ouganda, au Liberia, au Vietnam ou encore dans la ville de Moscou (décret promulgué le du 5 mars), c’est la quarantaine qui attend ceux qui rentrent de France. Par ailleurs, le Népal ne délivre plus de visa aux ressortissants Français. Quant à Israël, qui impose une quarantaine à domicile, elle interdit l’entrée des non-résidents arrivant de l’Hexagone. Le Salvador, la Jordanie, l’Irak ou encore les îles Marshall ont quant à eux interdit toutes entrées de Français sur leur territoire.

Reste à savoir quel impact auront les nouvelles mesures prisent pas les autorités italiennes sur l’expansion du virus sur son territoire et si la France parviendra, avec son principe de réponse graduée, à ne pas emprunter le même chemin épidémique que son voisin. Un autre pays européen apparaît désormais particulièrement touché: l’Espagne, où le nombre de cas a explosé ces derniers jours, dépassant ce 11 mars le seuil des 2.000 malades pour 47 morts. De son côté, la Corée du sud, longtemps pays le plus touché en dehors de la Chine avant d’être dépassée par l’Italie en nombre de malades, avait pris des mesures drastiques en matière de dépistage et de lutte active contre le virus. Les images de l’armée désinfectant des gares ont largement circulé sur les réseaux sociaux afin de critiquer les mesures prises en France.

«Nous sommes au tout début de cette épidémie», prévenait le 10 mars Emmanuel Macron, qui s’adressera aux Français jeudi 12 mars au soir.

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