«Le Français»: ce film tend un miroir aux années 1950 qui reflète notre époque

© Sputnik . Vitaly Gaspariantz / Accéder à la base multimédiaLes participants du VI Festival international de la jeunesse du 1957, à Moscou
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«Le Français», film d’Andrei Smirnov, a reçu un nombre record de nominations pour le Nika, le principal prix du cinéma en Russie. Sputnik France a demandé au premier rôle de ce film nostalgique et réaliste ce que le spectateur pouvait apprendre sur notre époque à travers cette œuvre qui nous plonge dans les années 1950.

Le film «Le Français» d’Andrei Smirnov, maître incontesté du cinéma intimiste et lyrique russe, pratique ce que l’on appelle dans le montage un «raccord direct». Des quais de Seine à une ambiance ensoleillée surexposée, on est transposé à Moscou, où l’aube du dégel de Khrouchtchev pointe à l’horizon.

Dans ce film, qui a raflé le plus grand nombre de nominations pour le Nika, le plus prestigieux prix du cinéma en Russie, Pierre, un jeune communiste français, interprété par le Français Antoine Rival, arrive à Moscou en 1957. Fils d’une émigrée russe, il parle russe presque sans accent et se fond dans la vie moscovite.

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La légèreté apparente de sa vie d’étudiant dans un campus universitaire, ses virées dans les clubs de jazz (encore clandestins à l’époque) et ses rencontres avec la bohème moscovite alterne en contrepoint artistique avec les images d’un passé douloureux de l’ère stalinienne encore palpable. Ses recherches obstinées des traces d’un certain Tatichtchev, une silhouette sur une photo froissée, font passer Pierre par des rencontres souvent sombres et lourdes de sous-entendus. Il croise ainsi deux vieilles sœurs tout juste sorties du goulag, qui connaissent le mystérieux Tatichtchev, un écrivain «officiel» du régime, ses camarades étudiants un peu zélés ou fayots…

Antoine Rival avoue que son implication dans le film l’a «beaucoup impacté»: «Je suis directement passé de la théorie à la pratique», confie l’acteur, dont la mère et la grand-mère sont russes.

«Les historiens éprouvent peut-être la même sensation, réfléchit Antoine, au moment de se plonger dans une époque, ses chiffres et ses dates… Mais quand tu joues la routine des gens, tu essayes le “costume de vie” de cette époque, c’est comme une machine à remonter le temps.»
© Sputnik . Oxana BobrovitchAntoine Rival lors du VI Festival du film russe à Paris, en mars 2020
«Le Français»: ce film tend un miroir aux années 1950 qui reflète notre époque - Sputnik Afrique
Antoine Rival lors du VI Festival du film russe à Paris, en mars 2020

Pour cet acteur qui vit en Russie depuis 10 ans, pays où il est également connu comme vlogueur, tourner dans un premier grand projet cinématographique a été l’occasion de «faire un parallèle avec les évènements qui arrivent aujourd’hui» et de retracer «intimement» la vie de sa famille. Il pense notamment à sa grand-mère, qui habitait près du lac Baïkal, dans la bourgade de Zakamensk, en Bouriatie, où sa mère est née. «Ils ont déménagé à Nijni Novgorod et ont vécu toute leur vie dans la débrouille, raconte le jeune acteur. Pour ma mère, c’était juste une partie de son enfance. Plonger dedans m’a permis de mieux la comprendre en tant que personne, de comprendre ses réactions d’aujourd’hui face à certains faits sociétaux.»

«C’est important de connaître l’histoire. C’est un film qui permet aux jeunes d’aujourd’hui de mieux comprendre leurs parents, ça rapproche», assure l’acteur pas encore trentenaire.

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Parmi les personnages secondaires, c’est le photographe et dissident Valeri Ouspenski, interprété par Evgueni Tkatchouk, qu’Antoine Rival croit «reconnaître dans l’intelligentsia moscovite d’aujourd’hui» du milieu théâtral. «Il me rappelle les jeunes que je fréquente, souffle l’acteur. Il a conscience dans quel pays il vit, mais n’a pas conscience à quel point ce pays est différent de la France.»

«Actuellement, c’est la même chose: quand je parle de la situation en France, les Russes comprennent qu’il y a une différence, mais ils ne la saisissent pas en finesse. Et même certains faits sociétaux français peuvent paraître osés aux libéraux russes», détaille Antoine.

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Il y a beaucoup de similitudes entre le comédien et son personnage: aucun des deux n’a d’accent, certains ne croient même pas qu’ils soient Français. «Pour la plupart de mes potes à Moscou, je suis Russe, parce qu’au début de ma vie à Moscou, je vivais en galère, rit Antoine. La Russie attire toujours, même si à chaque fois qu’on entend parler de Russie en France, c’est en mal.»

«Quand tu vas en Russie, il y a plein de choses qui se débloquent de par le système russe “allez, go! On y va!” J’y ai réalisé plein de choses que je n’arrivais pas à réaliser en France, poursuit Antoine Rival. En France, on est très soutenu. J’aimerais bien que mes amis acteurs russes aient le même système de protection sociale. Mais en Russie, la vie vous donne un petit coup au cul et on retrousse ses manches.»

Le film peut être pour le spectateur l’occasion de faire à son tour des parallèles entre «hier et aujourd’hui», d’imaginer ce que sont devenus les jeunes des années 1950 et leurs idéaux, de se projeter dans l’univers «des Français qui vivent comme des Moscovites, simplement». «Ce qui est sûr, c’est que tous les Français que je rencontre à Moscou sont des personnes intéressantes», estime Antoine Rival.

«Les Russes aiment les Français et restent ouverts. Je pense que pour les Français aussi, un certain “Russian dream” existe», conclut l’acteur français.
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