Le Covid-19 peut-il mettre un frein aux combats en Libye?

© Sputnik . Andreï Stenine / Accéder à la base multimédiaLes forces de l’opposition libyenne (archive photo)
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Depuis le début du mois, un nouvel ennemi s’est invité dans les combats en Libye, le Covid-19. S’il ne calme pas les belligérants ni ne bouleverse les rapports de forces, d’autres acteurs espèrent changer la donne, comme la Turquie. Avec Claudia Gazzini, de l’International Crisis Group, Sputnik fait le point sur le bourbier libyen.
«Le maréchal Khalifa Haftar a toujours laissé entendre que la résolution de la situation libyenne passait davantage par une solution militaire que politique», expliquait à notre micro David Rigoulet-Roze, rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques, avant la conférence de Berlin en janvier dernier.

Près d’un an après le début de l’offensive lancée par le Maréchal Haftar pour récupérer l’intégralité du territoire libyen, celui-ci bute toujours sur Tripoli, la capitale du pays. Un nouvel acteur s’est pourtant invité dans les combats: le coronavirus. En témoigne la mort, ce 5 avril, de Mahmoud Jibril, ancien leader de révolution libyenne de 2011, terrassé par le Covid-19. Mais il ne semble pas que la pandémie ait stoppé les combats, bien au contraire, ils sont même plus violents qu’avant cette crise sanitaire mondiale.

Un navire turc impliqué dans les combats

Alors que le coronavirus a plutôt conduit à une désescalade sur d’autres théâtres d’opérations, comme en Syrie, ce n’est pas le cas en Libye. Le pays est toujours coupé en deux entre le camp du maréchal Haftar, basé à l’Est du pays, et celui de Fayez el-Sarraj, basé à Tripoli. Ni l’un ni l’autre ne comptent faire baisser la tension du fait de la crise sanitaire, qui a déjà fait 70.000 morts dans le monde.

«Au contraire. Depuis la mise en place par les autorités compétentes de mesures de confinement, les combats se sont multipliés à Tripoli même, mais aussi sur d’autres fronts, comme celui à l’ouest de Tripoli», confie Claudia Gazzini, analyste spécialisée sur la Libye à l’International Crisis Group, au micro de Sputnik.

Des échanges de tirs ont lieu régulièrement, malgré les appels au confinement par les autorités sanitaires mondiales et locales. Un avion militaire qui acheminait du matériel militaire et médical aux forces du maréchal Haftar a même été abattu par un drone turc au sud de Tripoli ce 5 avril.

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Plus alarmant encore, le déploiement de matériel lourd et plus performant technologiquement inquiète au plus haut point les institutions internationales. Comme l’explique Claudia Gazzini:

«Nous voyons d’ailleurs plus d’équipements militaires être utilisés depuis le début de cette crise sanitaire: des drones turcs, il y aurait prétendument des avions de chasse étrangers opérants en Libye pour soutenir les forces du maréchal Haftar. Il y a même un vaisseau de la marine turque qui a été déployé à l’ouest de Tripoli et a été utilisé contre les forces loyales à Haftar… Depuis la crise sanitaire mondiale, les combats se sont intensifiés.»

À Moscou et à Berlin en janvier, les puissances étrangères impliquées en Libye ont essayé tant bien que mal de trouver une possible issue politique à ce conflit, ou au moins un cessez-le-feu. Aucune n’y est arrivée durablement. Si l’intensité des combats s’est amoindrie après ces réunions, elles ont repris de plus belle depuis la crise du coronavirus.

Une solution politique impossible?

L’envoyé spécial de l’Onu en Libye, Gassan Salamé, au cœur des négociations pour arriver à une solution politique depuis plusieurs années, a même jeté l’éponge le 3 mars dernier. Officiellement, cette démission est le fait de problèmes de santé, mais de nombreux observateurs attribuent cette démission à la stagnation de la situation.

«Si nous ne faisons rien, je redoute un bain de sang. Nous nous sommes rencontrés avec le Conseil de sécurité de l’Onu et nous ne pouvons mettre d’accord les membres de ce Conseil sur un cessez-le-feu», mettait en garde Ghassan Salamé, ancien envoyé spécial de l’Onu en Libye, lors d’une conférence. 

Cette démission de Ghassan Salamé porte en effet, un sérieux coup à la possibilité d’un processus politique en Libye.

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«Depuis sa démission, il n’y a eu aucune réunion en vue d’un gel des combats ou d’une solution politique. Il est donc très urgent de lui trouver un remplaçant et une nouvelle stratégie, car nous sommes de retour à la case départ en Libye», déplore Claudia Gazzini.

Un mort et 18 cas de coronavirus officiellement confirmés en Libye

Si la possibilité d’une solution politique au conflit est aujourd’hui virtuellement inexistante, qu’en est-il du rapport de forces? Un camp est-il en passe de prendre le dessus sur l’autre? Là aussi, tout est au point mort.

In this March 18, 2015 file photo, Gen. Khalifa Haftar speaks during an interview with The Associated Press in al-Marj, Libya.  - Sputnik Afrique
«Le maréchal Haftar a toujours laissé entendre que la résolution du conflit libyen passait par une solution militaire»

Même si des combats ont lieu, et qu’ils sont parfois particulièrement violents, les lignes de front ne bougent quasiment pas:

«Sur ce plan, la situation n’a pas dramatiquement évolué depuis quelques mois, et elle est restée la même. Un jour, le GNA (gouvernement d’entente nationale) du maréchal Haftar gagne un peu de terrain pour le reperdre le lendemain au profit de l’ALN (armée nationale libyenne). Les lignes de front ne bougent donc que très légèrement et il n’y a pas de réelle perspective de percée de part et d’autre, coronavirus ou pas», affirme Claudia Gazzini.

La Libye reste donc toujours un pays sans réel gouvernement d’union nationale, avec un territoire en proie au chaos et au contrôle de milices et des djihadistes dans certaines régions. Jusqu’ici épargnée par le coronavirus, au moins officiellement, la propagation inévitable du Covid-19 dans le pays risque de causer d’énormes soucis, en marge de la guerre, à une population qui est déjà dans une situation chaotique au niveau sanitaire et médical depuis près de 10 ans.

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