Ramadan en Algérie: Le Covid-19 complique l’aide aux plus démunis

© REUTERS / Ramzi BoudinaUne Algérienne prépare le repas pendant confinement.
Une Algérienne prépare le repas pendant confinement. - Sputnik Afrique
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Soutenir les plus démunis durant la période du ramadan est une tradition bien ancrée dans la société algérienne. Mais la pandémie de coronavirus a totalement chamboulé les actions des associations et groupes de bénévoles auprès des classes les plus défavorisées. Certains ont dû s’adapter pour maintenir un minimum d’aide durant la crise sanitaire.

Les restaurants de la rahma (clémence), équivalents en France des Restos du cœur, n’ont pas ouvert à l’occasion de ce ramadan 2020. En Algérie, la pandémie de Covid-19, qui a contaminé jusqu’à présent 3.848 personnes et fait 444 morts, a obligé les autorités à interdire tous les espaces de restauration, y compris pendant le mois le plus sacré pour les musulmans. Les restaurants de la rahma sont généralement gérés par des bénévoles ou des associations.

Un restaurant de la rahma qui offre des repas aux sans-abris et au migrants subsahariens. Sujet Africa News

Le principe d’un restaurant de la rahma est simple: les organisateurs aménagent un espace avec des tables et des chaises ainsi qu’une cuisine. Ils prennent attache avec des bailleurs de fonds, essentiellement des commerçants de leur localité, pour collecter de l’argent ou des denrées alimentaires. Les repas, composés généralement de la chorba (soupe traditionnelle algérienne), d’un plat et d’un dessert, sont préparés sur place et servis au crépuscule, moment de la rupture du jeûne. Il n’y a pas que les plus démunis qui mangent dans ces restaurants puisqu’ils sont ouverts aux ouvriers et aux voyageurs ou à toute personne qui en ressent le besoin. Le principe est d’offrir un repas chaud dans une ambiance conviviale après une journée de privation.

Voilà près de vingt ans que Mounir, 39 ans, organise des espaces de restauration caritatifs durant le ramadan. «Cette année 2020 restera gravée dans ma mémoire. Jamais je n’aurais imaginé passer un ramadan sans pouvoir aider mon prochain, c’est essentiel pour moi», explique-t-il à Sputnik. Mais Mounir, avocat de profession, n’est pas resté les bras croisés.

«Dans l’impossibilité d’ouvrir un restaurant de la rahma, j’ai décidé de préparer des repas chez moi pour une quinzaine de personnes. Ce sont des manœuvres qui travaillent dans deux chantiers ainsi que des agents de sécurité en poste à proximité de mon domicile. Les ouvriers sont originaires d’autres villes du pays, il y a également un Marocain et des Subsahariens. Je fais les courses tôt le matin, je cuisine ensuite puis des amis viennent récupérer les plats pour les livrer avant l’heure du couvre-feu. Je me sens utile malgré les entraves imposées par le coronavirus», explique Mounir.

Briser l’isolement

Les années précédentes, Mounir et ses amis parvenaient à offrir des repas à 250 personnes par jour en moyenne. «Nous avions un budget quotidien d’environ 80.000 dinars (550 euros). Mais nous demandions aux contributeurs de nous fournir des denrées alimentaires plutôt que de recevoir des dons en espèces.» 

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Pour ces bienfaiteurs, la solidarité ne se limite pas au seul mois de ramadan et uniquement à de la nourriture. C’est notamment le cas de Sarah pour qui l’aide aux plus démunis doit être constante et multiforme. Cette mère au foyer est membre d’un réseau de bénévoles très actif. «Notre  démarche consiste à aller au plus près des familles, pas uniquement pour remettre des paniers alimentaires ou de l’argent mais aussi pour les soutenir dans certaines démarches, notamment pour fournir des traitements en cas de maladie chronique», indique Sarah à Sputnik. Son réseau peut également payer les loyers, des factures ou encore acheter des vêtements saisonniers et des fournitures scolaires. Elle reconnaît cependant que cette crise sanitaire a compliqué les actions du groupe.

«Le coronavirus a chamboulé nos activités pour briser l’isolement des plus démunis qui habitent dans des bidonvilles. Pendant ce mois de ramadan, nous venons en aide à une trentaine de familles. Nous livrons à certaines d’entre elles un panier contenant des denrées alimentaires tous les quinze jours, ou remettons une aide financière à d’autres», explique-t-elle, insistant sur le principe de discrétion afin de préserver la dignité des bénéficiaires

Les bénévoles qui s’occupent de collecter les produits et de faire la distribution directement auprès des foyers prennent garde à respecter les mesures barrières pour éviter tout risque de contagion.

Obama spirit

Le mouvement associatif est lui aussi très actif en cette période.

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Certaines associations qui sont engagées dans la lutte contre le Covid-19 ont également développé des actions en faveur des personnes en difficultés. Le couvre-feu et les mesures de distanciation sociale imposées par les pouvoirs publics ont provoqué un net ralentissement de l’activité économique. De nombreux travailleurs journaliers n’ont donc plus de revenus.

Une situation qui a fait réagir «Jeunesse, Yes we can», une association qui a fait sienne, sans complexe, le célèbre slogan du Président Barack Obama. Créée en 2018, elle compte 60 membres actifs engagés dans plusieurs actions en faveur des habitants des quartiers populaires de la capitale. Son président, Samir Bourezk, 30 ans, responsable commercial dans une agence de tourisme, affirme avoir misé sur le relationnel pour mettre œuvre l’opération spéciale ramadan.

Vidéo montrant l’engagement de l’association «Jeunesse, Yes we can» durant le mois de ramadan.

Cette action a été lancée à la veille du ramadan grâce à la collecte et à l’achat d’une grande quantité de denrées.

«Nous avons également beaucoup communiqué sur notre page Facebook. Notre statut d’association nous a permis d’obtenir des autorisations administratives pour circuler pendant le couvre-feu. Cela nous permet de bien gérer notre temps afin de procéder à la distribution d’une soixantaine de paniers alimentaires par jour. Chaque couffin contient assez de produits pour couvrir une période d’au moins quinze jours», assure Samir à Sputnik.

Le président de l’association précise que le travail le plus important a été d’identifier et de recenser les personnes réellement dans le besoin. «Au début, c’était assez compliqué car nous n’avions pas de visibilité. Maintenant, nous disposons d’un fichier avec le lieu de résidence et les besoins précis de chaque foyer», note Samir. Au vu de la situation sanitaire et de la crise économique qui frappe le pays, de nouvelles familles pourraient se retrouver inscrites sur ce fichier.

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