Au Mali, la sixième législature sur le fil du rasoir

© AFP 2023 ANNIE RISEMBERGManifestation à Bamako
Manifestation à Bamako - Sputnik Afrique
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Dans un contexte de contestation postélectorale réclamant la défaite du parti au pouvoir dans plusieurs circonscriptions, la sixième législature de l’Assemblée malienne fait sa rentrée officielle. Seulement voilà, l’immensité des défis ajoutée au choix controversé de Moussa Timbiné au perchoir font planer le doute sur la réussite de ce mandat.

Au Mali, les violentes manifestations de rue remettant en cause une victoire du parti au pouvoir n’auront pas le dernier mot. Les résultats, qui donnent le Rassemblement pour le Mali (RPM-parti à la tête du gouvernement) gagnant avec 51 députés sur 147 au total, continuent d’être contestés. De Kayes à Sikasso en passant par Bougouni et Bamako, une partie des électeurs, ralliée par des organisations de la société civile, a manifesté son exaspération, réclamant la transparence. La pilule est dure à avaler. 

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Vaille que vaille, la nouvelle composition de l’Assemblée –telle que décrétée par l’arrêt n°2020-04/CC-EL du 30 avril 2020 de la Cour constitutionnelle– survit miraculeusement aux sirènes qui exigent le recomptage des voix, voire l’annulation du scrutin du 19 avril dernier.

Si cette rentrée parlementaire, marquée par l’élection d’un nouveau président à la tête de la deuxième institution du Mali, s’effectue dans le chaos pour certaines circonscriptions, elle est accueillie dans l’indifférence d’une autre partie de l’électorat malien, qui voue la Cour aux gémonies.

Un impressionnant dispositif sécuritaire a été mis en œuvre pour assurer ce que l’analyste politique Boubou Diallo qualifie de «pur folklore qui ne fait pas honneur à la démocratie».

«Le contentieux né de cette élection restera une plaie béante dans l’histoire des scrutins que ce pays a connus», déclare-t-il à Sputnik.

L’élection hâtive du président de l’institution est en effet contestée. Le Président de la République Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a imposé son candidat, l’ancien leader estudiantin Moussa Timbiné, au détriment de celui choisi par le parti –Mamadou Diarassouba.

134 voix pour, 8 contre, 3 bulletins nuls, 2 abstentions. Moussa Timbiné passe haut la main et hérite d’un perchoir grandement disputé. Cet ancien premier vice-président de la législature sortante, rejeté par certains ténors du parti, rafle la mise devant l’ancien Premier ministre Moussa Mara, seul prétendant au trône. Les dés semblaient pipés car même des députés de l’opposition avaient voté le candidat du RPM.

Les tractations se poursuivent pour la mise en place d’un bureau parlementaire capable de relever les enjeux du moment. Selon les sources de Sputnik, cette étape sera bouclée après le travail de relecture du règlement intérieur.

Cohésion sociale ébranlée, défis persistants

Le feu de la contestation couve encore à Bamako et dans plusieurs des 147 circonscriptions que compte le pays.

À Sikasso et Bougouni, les principales villes où est né le mouvement contestataire derrière Bamako, les manifestants semblent se raviser après une semaine de blocage de la route nationale ralliant le Mali à la Côte d’Ivoire. Les protestations postélectorales ont immobilisé près de 300 camions remplis de vivres sur ce tronçon, perçu comme le poumon de l’économie locale.

Les efforts de cohésion et de stabilisation du Mali semblent de plus en plus compromis. Le contexte postélectoral vient ajouter des difficultés à une situation déjà précaire, marquée par une crise sécuritaire latente, une unité sociale à rude épreuve et une mauvaise gouvernance. Le chantier de la réconciliation du pays initié au sortir du dialogue national inclusif semble mis à mal.

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Cette législature s’illustrera-t-elle à la manière des précédentes, jugées taillables et corvéables à merci par le Président de la République? Le député Marcellin Guenguere, élu à Koro (frontière terrestre entre le Mali et le Burkina), balaie les arguments qui prédisent un Parlement amorphe et passif identique aux législatures précédentes: «Rien ne sera plus comme avant. Nous aurons une Assemblée capable de relever les enjeux sécuritaires et sanitaires.»

Les défis sont colossaux dans un pays comme le Mali qui est en guerre contre le terrorisme et les mouvements djihadistes. Et le rôle de l’Assemblée demeure central.

«Les défis sont entiers et les attentes nombreuses pour une population qui ne souhaite qu’un mieux-être. Le vote des lois devrait en partie participer à renforcer le dispositif sécuritaire fébrile de notre État », soupire Allaye Touré, président du Conseil national de la société civile au Mali, approché par Sputnik.

«Mes attentes portent sur le retour rapide de la paix et de la stabilité au Mali», signale à Sputnik le député Aliou Boubacar Diallo, du parti ADP Maliba, la troisième force politique du pays.

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La nouvelle Assemblée sera également jugée sur l’épineuse question de la transparence publique et de la lutte contre la corruption. Le dernier rapport (2018) du Bureau du vérificateur général fait état d’une centaine de milliards de francs CFA (152 millions d'euros), contre 70,13 milliards (106 millions d'euros) en 2015. Plus à cheval sur le sujet de la transparence, le parti Yelema de l’ancien Premier ministre Moussa Mara devrait constituer l’opposition. «Bien que n’ayant que trois députés, il saura mieux exiger le vote de lois plus contraignantes sur la transparence publique et la corruption», explique à Sputnik Salihou Guirou, de la plateforme contre la corruption.     

Le nouveau président du Parlement, juste après son investiture, s’est montré pour le moins rassurant: «Je ferai tout pour être à la hauteur.» Mais le peuple exige, au-delà des mots, des actions.

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